Face aux discours alarmistes sur les fake news : des résultats de recherche plus nuancés
La prolifération de fake news en ligne ne cesse de susciter des inquiétudes dans le débat public. Pourtant, les résultats d’un nombre croissant d’enquêtes empiriques sont plus nuancés. Pour comprendre ce décalage entre le discours public et la littérature scientifique, cet article prend appui sur les travaux de sciences sociales soulignant l’apport des études de réception ainsi que les limites des méthodes de “big data”, et décortique six idées reçues sur les fake news.
Les 3 premières idées reçues portent sur la prévalence et la circulation de fake news :
- Si les chiffres de grande amplitude cités par les médias peuvent donner l’impression que les fake news sont prédominantes sur le web, il est important de les contextualiser, c’est-à-dire de les mettre en perspective avec l’ensemble des contenus qui circulent sur le web.
- La problématique des fake news n’est pas uniquement liée à l’émergence des réseaux sociaux. Les études académiques sont très focalisées sur les réseaux sociaux – Twitter en particulier – parce que l’accès à de larges volumes de données y est facilité. D’autres canaux de circulation de l’information comme la télévision mériteraient d’être davantage étudiés.
- Selon la façon dont les fake news sont définies, les études empiriques peuvent conduire à des estimations divergentes. Avant de conclure trop rapidement que “le faux” se diffuse plus vite que “le vrai”, il faut prêter attention à la façon dont les chercheurs définissent leur objet d’étude.
Les 3 dernières idées reçues concernent l’impact et la réception de fake news :
- Les volumes d’engagement générés par les fake news ne doivent pas être confondus avec leur réception. Partager une fake news ne veut pas dire qu’on y croit. Au contraire, les publics mettent en discussion des (fausses) informations pour une multiplicité de raisons (rire, bavarder, s’indigner, etc) que seules des études fines de réception peuvent capturer.
- Les fake news prêchent souvent des convaincus, c’est-à-dire que les internautes sont majoritairement exposés à des fake news avec lesquelles ils sont déjà d'accord. Il est donc peu probable que celles-ci exercent une forte influence sur les comportements des individus, bien qu’elles puissent exacerber des croyances déjà constituées.
- Les enquêtes par questionnaire souffrent de nombreux biais méthodologiques et peuvent surestimer les fausses croyances des publics. Par exemple, si ceux-ci n’ont pas la possibilité de répondre “je ne sais pas”, ils peuvent être amenés à répondre au hasard, et ainsi donner l’impression d’être” mal informés”, alors qu’ils sont juste “non-informés”.
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Auteurs
Sacha Altay, Manon Berriche
Référence
Altay, S., Berriche, M., & Acerbi, A. (2021). Misinformation on Misinformation: Conceptual and Methodological Challenges.