Comment fact-checker : guide pour vérifier la véracité des faits


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Rédactrice : Ingrid de Chevigny 

Les Français sont 68 % à être préoccupés par les fake news. C’est ce que révèle une étude de la plateforme technologique Invibes Advertising, qui souligne l’ampleur du défi que représente la désinformation dans notre société hyperconnectée. 

Face à cet enjeu, le fact-checking, c'est-à-dire le travail de vérification des faits, devient indispensable pour rétablir la vérité, et renforcer la confiance du public envers les médias. Cette mission s’impose progressivement comme un pilier du journalisme moderne. Ainsi, de nombreuses rédactions intègrent désormais une équipe ou une rubrique spécialement dédiée.

Mais sur quelles méthodes concrètes ce processus de vérification repose-t-il ? Comment démêler le vrai du faux dans un flux d'informations constant ? Ce guide pratique vous dévoile les clés pour analyser les faits et déjouer les pièges de la désinformation.

Pourquoi est-il important de fact-checker les informations ?

L'importance de la vérification des faits

Dans une société numérique où l’information circule à une vitesse inédite, le fact-checking permet de rétablir une vérité souvent mise à mal par des contenus biaisés ou mensongers. 

Le défi est immense, car ces contenus pullulent sur le Web depuis quelques années : de nombreux sites internet et plateformes contribuent à leur diffusion massive, parfois sans aucun contrôle. 

Cette marée de désinformation représente une menace croissante pour le journalisme et la société. Elle affecte en effet la compréhension collective des enjeux sociaux, économiques et politiques, en brouillant les repères nécessaires à une prise de décision éclairée. 

Les conséquences de la désinformation

La montée des fake news, constatée depuis plusieurs années, a des impacts profonds, qui s'observent à deux niveaux distincts : 

  • Sur le plan individuel, une fausse déclaration peut conduire les personnes qui la reçoivent à des comportements risqués, comme l’adhésion à des théories complotistes, ou des décisions basées sur de fausses croyances, par exemple en matière de santé ou d’environnement. 
  • À l’échelle collective, les fake news alimentent la polarisation, la défiance envers les institutions, le journalisme et les experts, et peuvent même déstabiliser le débat public et la démocratie dans certains États. Les fausses informations peuvent en effet manipuler les électeurs, et créer des crises politiques majeures. 

La désinformation a donc des conséquences profondes et souvent irréversibles, sur le plan personnel comme sociétal. 

Les étapes clés du processus de fact-checking

1. Identification de l’information à vérifier

La première étape du processus de fact-checking consiste à repérer une information qui mérite d’être examinée. En effet, les fact-checkers ne peuvent pas vérifier la totalité des articles et contenus qui circulent sur Internet et les réseaux sociaux, ils doivent donc cibler ceux qui sont les plus susceptibles d’avoir un fort impact sur le public.

À noter que le fact-checking est particulièrement important dans les périodes sensibles, comme les élections. Dans plusieurs États, des campagnes de désinformation ont en effet cherché à influencer les électeurs en propageant des fake news ciblées. Comme lors de la présidentielle américaine de 2016 qui vit Donald Trump arriver au pouvoir, par exemple. 

À ce stade, les questions à se poser sont les suivantes  : le contenu présente-t-il des signaux de désinformation ? Touche-t-il un grand nombre de personnes ? Pourrait-il provoquer des comportements dangereux ou affecter le débat public ? C’est ce filtre initial qui guide les efforts de fact-checking vers les contenus les plus critiques.

2. Analyse de la source initiale

Une fois l’information sélectionnée, le journaliste fact-checker analyse qui est à l’origine de la déclaration ou des propos concernés, pour se faire une première idée sur la crédibilité de l’information.

Si l’information provient d’un site Internet ou d’un acteur bien établi (un média reconnu, un chercheur identifié, une page web d’une institution officielle), cela ne garantit pas automatiquement sa véracité, mais cela oriente vers un traitement plus nuancé. Cette étape permet également de repérer d’éventuelles motivations sous-jacentes : s’agit-il d’un article de satire, d’une tentative de manipulation politique, ou simplement d’une erreur ?

3. Vérification des propos, données, et supports partagés

C’est l’étape centrale du fact-checking : elle consiste à confronter l’info à des faits avérés. Pour cela, le vérificateur doit se baser sur des sources fiables, comme des études scientifiques, des archives officielles, des rapports institutionnels, ou encore des bases de données reconnues. Dans certains cas, cette étape nécessite de recouper les données avec des experts ou des organismes spécialisés. 

Dans une ère du numérique dominée par les contenus multimédias, vérifier les éléments visuels est également une étape cruciale. De nombreux cas de désinformation reposent en effet sur des photos et vidéos truquées ou détournées. Chaque élément doit donc être minutieusement examiné pour construire une analyse objective.

4. Analyse du contexte

Le travail de fact-checking implique également d’interroger l’environnement dans lequel l’information a été produite. 

Le journaliste doit donc replacer les faits dans leur contexte. Une déclaration ou une image peut être techniquement correcte, mais devenir trompeuse si elle est sortie de son cadre d'origine. 

Par exemple, une photo ou une vidéo montrant une foule massive avec la légende « Manifestation contre une nouvelle réforme politique en France en 2024 » pourrait, en réalité, provenir d’un événement totalement différent, comme un rassemblement sportif, une manifestation passée, ou un regroupement ayant eu lieu ailleurs dans le monde. 

5. Synthèse des résultats et formulation des conclusions

Une fois l’info examinée sous toutes ses coutures, il est temps de tirer une conclusion claire. L’objectif des journalistes et fact-checkers est de présenter les résultats de la vérification de manière compréhensible pour le public. 

Si l’information est fausse, il convient d’expliquer pourquoi : quelles preuves contredisent l’affirmation ? Quelle est la véritable version des faits ? 

Les conclusions doivent être honnêtes, nuancées si nécessaire, et transparentes quant à la méthodologie utilisée. Une classification claire (vrai, faux, ou partiellement vrai) facilitera la compréhension, et aidera le public à se forger une opinion éclairée.

Beaucoup de médias font par ailleurs le choix de regrouper les résultats de leurs actions de fact-checking sur une page dédiée, permettant au public de consulter facilement les travaux de recherche et de vérification de leurs journalistes. Une rubrique « fact-check » régulièrement mise à jour permet de donner plus de visibilité à cette pratique essentielle.

Quelques techniques concrètes pour fact-checker une information

Repérer les signaux de fake news

Certains indices permettent de repérer rapidement un contenu suspect afin de contrer les dangers des fake news. On peut notamment citer :

  • Un titre sensationnaliste : les fake news cherchent souvent à provoquer des réactions émotionnelles fortes comme l’indignation ou la peur. Des titres comme : « Le gouvernement cache un scandale sanitaire ! » ou « On vous ment sur le réchauffement climatique ! », qui jouent sur le partage impulsif, sont des signes évidents d’alerte.
  • Une absence de source fiable : une info en ligne qui ne mentionne aucune source, ou qui cite un site web inconnu, peu crédible ou ouvertement militant mérite d’être scrutée avec attention.
  • Un langage douteux : les fautes d’orthographe ou les phrases mal construites peuvent indiquer une origine peu professionnelle, ou une traduction automatique, ce qui est souvent un signe de fake news.
  • Des images ou vidéos choc : les contenus visuels associés à une fausse information sont souvent conçus pour amplifier l’impact émotionnel. Il faut donc se méfier des contenus viraux qui exploitent des éléments visuels frappants pour masquer leur manque de crédibilité, ou détourner leur véritable origine.

Utiliser la recherche inversée pour les images et vidéos

La recherche inversée est une méthode incontournable en fact-checking, qui permet de retracer l’origine d’une image ou d’une vidéo. On peut ainsi déterminer où et quand elle a été publiée pour la première fois, et si elle a été manipulée ou sortie de son contexte.

Par exemple, la recherche inversée peut aider à déterminer si une image a été éditée ou recadrée pour servir un objectif précis de désinformation.

Cette technique repose sur des outils de fact-checking spécialisés comme Google Images, TinEye, ou InVID-WeVerify, qui aident à retrouver des occurrences antérieures du contenu, à identifier des modifications ou altérations, et à analyser les métadonnées pour détecter des incohérences.

La traque de signes révélateurs d’une fausse information et la recherche inversée constituent la base de tout processus de fact-checking. Mais elles ne peuvent suffire à débusquer les fake news les plus élaborées et les plus sophistiquées. La vérification des faits est devenue un métier à part entière, qui nécessite des compétences spécifiques poussées. Il existe des formations qui permettent de s’y initier, notamment les Digital Courses de l’AFP dédiées à la maîtrise des techniques d’investigation numérique. 

Quelles sont les erreurs courantes à éviter lors du fact-checking ?

Se fier à une seule source

Une des erreurs les plus fréquentes en fact-checking est de baser sa vérification sur une seule source, même si celle-ci semble fiable ou reconnue. Cela peut conduire à des conclusions biaisées ou incomplètes, car une source unique ne reflète souvent qu’une partie de la réalité, ou peut être sujette à des erreurs. 

Pour éviter ce piège, il est essentiel de croiser les informations avec plusieurs sources indépendantes, issues de perspectives différentes. En pratique, cela signifie consulter non seulement des médias généralistes, mais aussi des rapports institutionnels, des bases de données spécialisées, ou encore des déclarations officielles. 

Ignorer les biais cognitifs

Le fact-checking, même lorsqu’il est effectué de manière méthodique, n’échappe pas à l’influence des biais cognitifs, ces mécanismes mentaux qui affectent notre perception et nos jugements. Ignorer ces biais peut fausser l’analyse et la conclusion. 

Parmi les biais les plus courants figurent :

  • Le biais de confirmation : il pousse à rechercher ou privilégier des informations qui confortent nos croyances personnelles, tout en ignorant celles qui les contredisent. 
  • Le biais d’ancrage : la première information rencontrée peut influencer de manière disproportionnée la manière dont une vérification est menée.
  • Le biais d’autorité : une déclaration faite par une figure reconnue peut être considérée comme vraie sans vérification suffisante.

Pour contrer ces biais, il est important de prendre du recul et d’adopter une posture critique face à toutes les informations, y compris celles qui semblent évidentes ou qui émanent d’autorités reconnues. 

Pour conclure, un bon fact-checker doit être capable de questionner ses propres croyances et de prendre conscience de ses limites, tout en s’appuyant sur des méthodes objectives et transparentes.

FAQ

Quel site utiliser pour vérifier une information ?

Des sites web et médias spécialisés, comme AFP Factuel ou DE FACTO en France, et FactCheck.org ou Reuters Fact Check à l’international, permettent au grand public d’accéder à des informations qui ont déjà été fact-checkées. Les journalistes peuvent, quant à eux, s’appuyer sur de nombreuses ressources en ligne comme Google Images ou TinEye pour vérifier des faits. 

Quelle est la source d'information la plus fiable ?

Les sources d’information les plus fiables sont les sources primaires comme les bases de données et les documents officiels, les études scientifiques, ou encore les déclarations directes de témoins ou d’experts.

Peut-on fact-checker sans utiliser d'outils spécialisés ?

Oui, en utilisant un simple moteur de recherche comme Google pour recouper les informations avec des sources fiables, vérifier l’origine des articles et contenus en ligne, et analyser le contexte. Les outils spécialisés facilitent et accélèrent néanmoins grandement le processus.