Fact-checker : un métier essentiel pour lutter contre la désinformation

Selon une récente enquête Ipsos pour Sopra Steria, près de 74 % des Français et des Françaises estiment être souvent confrontés à des informations délibérément fausses. Et ce phénomène aurait de graves conséquences sur la société : 84 % pensent en effet que ces fake news amplifieraient les phénomènes de violence et de haine, et 77 % craignent qu’elles aient des conséquences importantes sur le fonctionnement de la démocratie.
Un danger d’autant plus redoutable qu’il est parfois difficile à déceler : information sortie de son contexte, source manipulée, fausse vidéo créée par intelligence artificielle, image détournée, post partagé sur des plateformes en ligne… La désinformation peut prendre de nombreuses formes, qui semblent toutes plus crédibles les unes que les autres.
Face à ce fléau qui se répand sur Internet et sur les réseaux sociaux, un nouveau métier émerge comme rempart à la désinformation : celui de journaliste fact-checker. Ces expertes et experts de la vérification des informations jouent en effet un rôle de plus en plus essentiel pour restaurer la confiance des citoyens dans le contenu journalistique, et protéger le débat public.
Mais en quoi consiste concrètement ce métier, et quels en sont les enjeux ?
Qu’est-ce qu’un fact-checker ?
Le métier de fact-checker
Un fact-checker est un journaliste expert dans la vérification des faits. Son rôle principal consiste à analyser et à valider l’exactitude des informations qui circulent sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias traditionnels, afin de prévenir la désinformation.
Les fact-checkers scrutent les sources, examinent le contexte des informations et, si nécessaire, consultent des experts pour obtenir des confirmations fiables. Ils utilisent des outils de fact-checking comme des bases de données, des archives d’images ou des logiciels d’analyse vidéo pour débusquer les contenus modifiés ou les données biaisées.
Les missions principales d'un fact-checker
Les missions d'un fact-checker se concentrent autour de plusieurs axes clés :
- Vérifier des affirmations publiques, en examinant les déclarations de personnalités comme les hommes et femmes politiques ou les influenceurs, afin d’évaluer leur véracité.
- Analyser des contenus visuels, en utilisant des outils de détection pour vérifier l’authenticité des photos, vidéos ou enregistrements audio, et en identifiant les montages, les images détournées, ou encore les deepfakes, des contenus manipulés avec l’aide de l’intelligence artificielle.
- Rechercher des sources fiables, pour recouper les informations avec des bases de données publiques, des témoignages d’experts, des sites d’instituts de recherche, ou encore des archives des agences de presse.
- Démystifier les rumeurs, souvent partagées en ligne, en fournissant des réponses claires et fondées pour informer le public.
Pourquoi le métier de fact-checker existe-t-il ?
Le rôle des fact-checkers dans la lutte contre la désinformation
Les journalistes fact-checkers jouent un rôle clé dans la lutte contre la désinformation, devenue omniprésente avec l’essor des réseaux sociaux et la facilité de diffusion de contenus faux ou manipulés sur le Web.
Leur mission est de traquer et de corriger les fausses informations, quel que soit le domaine concerné : politique, santé, événements climatiques… Ainsi, ils fournissent au public des faits vérifiés, ce qui contribue à une meilleure compréhension des enjeux sociétaux.
Impact des fact-checkers sur la confiance du public
En vérifiant et en rectifiant les informations trompeuses, les fact-checkers renforcent la confiance du public envers les sources fiables et les médias traditionnels.
Leur travail rigoureux aide à restaurer l’image d’une information de qualité, essentielle pour un débat public sain et la crédibilité des institutions politiques et médiatiques.
Quelles sont les compétences requises pour devenir fact-checker ?
Compétences techniques
Outre les compétences nécessaires à l’exercice de la profession de journaliste, les fact-checkers doivent maîtriser plusieurs méthodes, outils et technologies de vérification des faits. Parmi lesquels :
- L’inspection d’images et de vidéos : ils doivent savoir utiliser des outils comme Google Images et TinEye pour retrouver l’origine des images et vérifier leur authenticité.
- L’analyse des données : les fact-checkers doivent pouvoir confirmer ou infirmer des informations chiffrées, ce qui nécessite de la rigueur et une bonne connaissance des sources de données fiables.
- La maîtrise des réseaux sociaux et de leurs algorithmes : comprendre les mécanismes de diffusion de plateformes comme X ou Facebook permet aux fact-checkers de remonter aux sources initiales des informations et d'analyser leur viralité.
- Des notions en intelligence artificielle : ces compétences techniques sont de plus en plus utiles, notamment pour comprendre et utiliser des outils de détection de deepfakes ou d’analyse automatique de grandes masses de données.
Compétences journalistiques et analytiques
La rigueur journalistique est au cœur de la fonction de fact-checker. Le métier requiert en effet une approche méthodique et impartiale qui s’aligne sur les standards de l’investigation journalistique.
Pour exceller en tant que fact-checker, des compétences analytiques sont donc indispensables. La capacité à croiser les sources est cruciale : les fact-checkers doivent savoir recouper les faits avec des bases de données crédibles, les archives de presse et d’autres sources reconnues pour établir la véracité d’une info.
Compétences personnelles et soft skills
La spécialisation de fact-checker requiert également des qualités humaines, qui permettent d’accomplir cette mission exigeante avec discernement et objectivité :
- Curiosité et persévérance : la recherche de la vérité demande de la ténacité pour poursuivre les investigations jusqu’à obtenir des preuves concluantes.
- Esprit critique et scepticisme constructif : avoir la capacité de douter de manière constructive, sans tomber dans le cynisme, est essentiel pour toujours valider l’information.
- Bonne gestion du stress : un fact-checker doit savoir travailler sous pression, notamment pour vérifier des informations sensibles dans des délais serrés, tout en restant concentré et impartial.
- Capacités de communication : savoir communiquer clairement les résultats de vérification, parfois complexes, est la clé pour informer le public de manière transparente et compréhensible.
Comment devenir fact-checker ?
Les formations pour devenir fact-checker
Il n’existe pas de formation de fact checker à proprement parler. Pour envisager cette profession, il faut privilégier un parcours en école de journalisme, ou bien des études de communication ou de sciences de l’information.
Un grand nombre d’écoles de journalisme incluent dorénavant une formation en vérification des faits à leur programme. Un module devenu incontournable au vu du contexte de prolifération des fake news qui s’est imposé ces dernières années, et qui offre aux étudiants une première immersion dans les techniques de recherche et de vérification.
Des formations de fact-checker spécialisées, en ligne ou en présentiel, sont également proposées par l’AFP, l’INA, ou encore Google News Initiative.
Expériences professionnelles recommandées
Être fact-checker, c’est avant tout être journaliste. Une expérience dans les médias est incontournable. En effet, travailler dans des rédactions ou pour des agences de presse permet de développer des compétences essentielles en recherche et en vérification des sources.
Des expériences en journalisme d’investigation ou en journalisme numérique sont également précieuses pour se spécialiser dans le fact-checking, car ces postes exigent rigueur et rapidité pour vérifier l’authenticité d’une publication.
Le journaliste peut également se former au sein de services de fact-checking tels que Checknews de Libération ou Les Décodeurs du Monde. Cela permet d’acquérir des techniques de vérification avancées, et de se familiariser avec les outils d’analyse d’images, de vidéos et de données utilisés pour traquer les fausses informations.
Quels sont les principaux défis du métier de fact-checker ?
Gérer la masse d'informations à vérifier
L’un des principaux défis réside dans la gestion de la quantité exponentielle de nouvelles à vérifier, surtout avec la rapidité de diffusion sur le Web et les réseaux sociaux. Chaque jour, des milliers de contenus (articles, images, vidéos, contenus audio) peuvent nécessiter une vérification.
Face à ce volume, les fact-checkers doivent être capables de prioriser les informations les plus influentes, ou celles qui présentent le plus grand risque de désinformation. Cette sélection est essentielle pour optimiser le temps et les ressources alloués aux vérifications.
Faire face aux biais cognitifs
Les biais cognitifs représentent un défi de taille dans le métier de fact-checker. Ces raccourcis mentaux influencent inconsciemment notre perception et notre jugement. Ils peuvent affecter aussi bien les fact-checkers eux-mêmes que le public.
Par exemple, le biais de confirmation pousse les gens à accorder davantage de crédit aux informations qui confortent leurs croyances existantes, et à ignorer celles qui les contredisent. Ainsi, une fausse information en phase avec les idées préconçues d’un public aura plus de chances d’être acceptée sans être remise en question. Pour un fact-checker, ce biais est un obstacle, car il complique la tâche de convaincre le public de la véracité des faits quand ceux-ci vont à l'encontre de ses croyances.
D’autres biais, comme le biais de négativité, qui nous rend plus réceptifs aux informations alarmistes, ou le biais d’ancrage, qui pousse une personne à s'appuyer sur la première info reçue pour évaluer tout ce qui suit, peuvent par ailleurs impacter le travail des fact-checkers.
De même, le journaliste fact-checker doit parvenir à se défaire de ses propres biais pour réaliser le travail le plus objectif possible.
Quel est l'avenir du métier de fact-checker ?
Un métier en plein essor, mais qui fait face à des défis grandissants
Face à l’explosion des fake news, notamment sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques, le métier de fact-checker se développe à grande vitesse, et les rédactions sont nombreuses à se doter d’un département dédié.
Mais cette discipline est confrontée à des enjeux majeurs, puisque les technologies de désinformation évoluent rapidement. Ainsi, des outils comme les deepfakes et l’intelligence artificielle rendent les contenus trompeurs plus sophistiqués et difficiles à repérer. Ces mutations nécessitent une vigilance accrue et une adaptation continue.
Technologie et expertise humaine, une combinaison indispensable
Pour faire face à ces nouveaux défis, les fact-checkers intègrent de manière croissante des outils d’analyse automatisés, comme les logiciels de détection de deepfakes, l’IA pour analyser de larges volumes de données, et des plateformes de recherche en ligne pour vérifier les images et les vidéos.
Ces technologies leur permettent de gagner en efficacité et de traiter de grandes masses d’informations. Mais elles ne peuvent pas remplacer la capacité humaine à interpréter des nuances, à comprendre le contexte, et à détecter les subtilités des informations manipulées.
L’avenir du métier de fact-checker repose donc finalement sans nul doute sur cette alliance entre technologie et jugement humain, seule capable de relever les défis d’une désinformation en constante évolution.
FAQ
Quelle est la différence entre un journaliste et un fact-checker ?
Un fact-checker est un journaliste, spécialisé dans la validation d’informations. Les journalistes enquêtent et rapportent des informations pour le public, le journaliste fact-checker se dédie spécifiquement au contrôle de l’exactitude des faits.
Quels outils utilisent les fact-checkers ?
Les fact-checkers utilisent divers outils pour leurs vérifications, notamment des logiciels de recherche d’images (comme TinEye), des outils de géolocalisation et des bases de données de vérification pour authentifier les sources et les contenus visuels.