Fake off : Non, on ne recherche pas de gardien de phare pour surveiller la Jument
Publié le vendredi 3 mai 2024 à 10:50
Situé au large de l'île d'Ouessant, le phare de la Jument a été automatisé en 1991 et n'a plus de gardien depuis cette date.
(M. Mochet/AFP / AFP)
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Camille Allain
Dans une vidéo diffusée sur TikTok, un internaute prétend que des postes sont ouverts et rémunérés « 1,2 million d’euros par an »
«C’est le travail le plus dangereux au monde ». Dans cette vidéo diffusée sur le réseau social TikTok, l’auteur ne lésine pas avec les superlatifs pour décrire le métier de gardien de phare. Dans cette séquence d’une minute réalisée à partir d’images d’illustrations, le propriétaire de ce compte suivi par plus de 100.000 personnes veut nous faire croire que la France recherche des gardiens pour veiller sur le phare de la Jument, situé au large des côtes du Finistère. « Personne n’ose postuler », assure la voix. Le problème ? Tout est absolument bidon.
FAKE OFF
Cette vidéo diffusée il y a quelques semaines continue de tourner sur TikTok. A ce jour, elle aurait été vue plus de 177.000 fois sur le réseau social chinois. Son contenu est pourtant un tissu de mensonges qui semblent uniquement destinés à faire de l’audience. Contacté par 20 Minutes, le service des Phares et balises de Bretagne assure qu’aucun recrutement de gardien de phare n’est prévu. Ni sur le phare de la Jument, ni ailleurs. Automatisé depuis 1991, le phare de la Jument n’a plus de gardien depuis plus de trente ans et il n’en a pas besoin. Le « père » de cette automatisation, André Favennec, s’est éteint il y a quelques jours à l’âge de 77 ans.
Allumé pour la première fois en 1911 après un périlleux chantier de construction ayant duré seulement sept ans, le phare avait été équipé de deux groupes électrogènes pour fournir l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement des équipements. « Le feu et la machine de rotation se mettent en fonctionnement sur ordre d’une cellule photoélectrique », précisent les Phares et Balises. Depuis 2015, le feu à LED est utilisé. Et depuis 2023, l’ensemble fonctionne à l’aide de panneaux solaires. Un groupe électrogène a été maintenu en place « afin de pallier la déficience de soleil », ajoutent les Phares et Balises. En cas de défaillance, l’équipement de secours prend le relais et le centre de Brest est immédiatement averti.
Des appels de personnes intéressées
Depuis la publication de la vidéo, plusieurs personnes ont pourtant appelé la Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique Manche Ouest (Dirnamo). « On a eu plusieurs appels de personnes qui voulaient se renseigner. Il n’y a aucun poste à pourvoir », répond une agente de la Dirnamo. En Bretagne, les derniers gardiens de phare en pleine mer ont quitté Kéréon en 2004. Seuls quelques agents exercent toujours dans des phares à terre comme à Belle-Ile et à Groix.
Si des personnes ont mordu à la vidéo, c’est peut-être parce que l’annonce peut s’avérer alléchante sur le plan de la rémunération avec une promesse à « 50.000 euros par mois ». Là aussi, c’est une pure invention. A Cordouan, en Gironde, les deux derniers gardiens de phare de pleine mer annonçaient une rémunération de 1.600 euros net par mois dans un article publié en 2018.
Une grossière erreur de calcul
Pour parachever l’absurdité des faits relatés dans cette vidéo, notons la grosse erreur de calcul qu’elle comporte. Son auteur évoque la somme de 50.000 euros par mois, « soit 1,2 million d’euros par an ». A moins d’avoir des primes de mer, notre calcul atterrit plutôt à 600.000 euros. Plusieurs internautes l’ont d’ailleurs fait remarquer en commentaire.