Le chien du pape François ébranlé par la mort de son maître ? Attention à ces vidéos générées par IA virales sur YouTube


Publié le vendredi 9 mai 2025 à 10:13

Auteur(s)

Achille Dupas

Sur YouTube, des vidéos racontant l’histoire d’un chien qui aurait appartenu au pape François récoltent des centaines de milliers de vues. Elles sont intégralement générées par IA et ne s’appuient sur aucun élément factuel

Avez-vous déjà entendu parler de la tragique histoire de Balthazar, fidèle compagnon du pape François, au « pelage blanc » et « au cœur immense » ? A priori c’est peu probable, sauf si vous faites partie des 346.000 personnes ayant visionné cette vidéo postée sur YouTube intitulée « Le pape François a demandé à dire adieu à son chien juste avant de mourir… tous ont pleuré ». Dans les jours suivant le décès du pape François à l’âge de 88 ans, plusieurs vidéos de ce type ont été postées sur YouTube.

Sur la même chaîne, on peut déjà en citer deux autres, postées à quelques jours d’intervalle : « Le chien du Pape François a refusé de le quitter… même après sa mort » et « Le chien du Pape François a refusé de quitter sa tombe… Il s’est blotti et y est resté ». D’autres chaînes ont publié le même genre de contenu, notamment en Anglais (comme l’a aussi soulevé le média Snopes), en Portugais, en Allemand, en Italien ou encore en Espagnol, avec une vidéo cumulant plus de 2,5 millions de vues. Bien que les récits soient similaires, ils diffèrent sur certains points, à commencer par le nom du fameux chien. Dans la vidéo francophone la plus visionnée, ce dernier se nomme Balthazar, mais d’autres vidéos parlent d’un chien nommé Thibio, ou parfois seulement d’un « vieux chien errant hirsute au pelage grisonnant ».

Des marques évidentes du travail d’une IA

Toutes ont cependant le point commun d’avoir été intégralement réalisées en utilisant des intelligences artificielles (IA) génératives. Bien qu’elles présentent un style réaliste, ces fausses images sont reconnaissables par de nombreuses incohérences et détails irréels observables sans effort particulier. On peut parfois constater que le pape a deux bras gauches, ou que les traits de son visage varient d’une image à l’autre, donnant un résultat parfois très éloigné du vrai souverain pontife. On constate également que le même prompt, c’est-à-dire la description de l’image voulue soumise à l’IA, semble parfois avoir été utilisé paresseusement à plusieurs reprises, donnant des suites d’images à la composition similaire.

Les voix off de ces différentes vidéos, aux sonorités irréelles et au ton très caractéristique, ont elle aussi été générées via une intelligence artificielle, de la même manière que les sous-titres, qui contiennent plusieurs fautes grossières. Plusieurs éléments permettent également de penser que les scripts de ces vidéos sont aussi l’œuvre d’une IA. Les vidéos sont souvent inutilement longues (entre 15 et 46 minutes), et comportent de très nombreuses répétitions, en plus d’avoir un style particulièrement « lourd » et artificiel (le chien pose sa truffe sur la main du pape « avec une dignité telle que même les cardinaux présents restèrent sans voix »).

La description d’une de ces vidéos expose clairement que cette dernière ne représente pas des évènements réels : « Disclaimer : cette vidéo est une œuvre de fiction inspirée de thèmes universels tels que l’amour, la fidélité et la foi. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite et destinée uniquement au divertissement et à la narration. » Mais ce n’est pas le cas de toutes, et notamment de la vidéo francophone la plus visionnée, dont la description de la chaîne fait seulement part de l’objectif d’offrir « un contenu à la fois divertissant et éducatif. »

Aucune trace d’un lien particulier entre un chien et le pape

De fait, il n’existe aucun élément qui permet d’appuyer le fait que le pape aurait adopté un chien, qu’il aurait entretenu un lien particulier avec l’un de ces animaux, ou bien qu’un chien ait refusé de quitter sa tombe après son décès. Des recherches avec les mots-clefs « chien » et « pape » ne donnent aucun résultat probant avant le 23 avril, date à laquelle est postée la première vidéo francophone de ce genre.

Le récit des dernières heures du pape raconté par Vatican news, organe de communication officiel du Saint-Siège à Rome, ne fait non plus aucune mention d’un fidèle compagnon à quatre pattes. « Vers 5h30 du matin, les premiers signes d’un malaise sont apparus, avec l’intervention rapide de ceux qui veillaient sur lui. Plus d’une heure plus tard, après avoir salué l’infirmier Massimiliano Strappetti, allongé sur le lit de son appartement au deuxième étage de la Maison Sainte-Marthe, le souverain pontife est tombé dans le coma », rapporte le média.

Une « niche » aux visées commerciales

Ces vidéos, qu’on pourrait qualifier de désinformation tant elles jouent de manière malhonnête sur la frontière entre information et divertissement, n’ont pourtant a priori pas pour objectif premier d’induire en erreur, de faire adhérer à certaines idées, ou de déstabiliser un pays. Le premier objectif des internautes qui les réalisent est avant tout financier. Permise par les progrès fulgurants et la facilité de prise en main des outils utilisant l’intelligence artificielle, la création de vidéos générées par IA et diffusées à grande échelle sur différents réseaux sociaux dans le but de les rentabiliser est devenu un business à part entière.

De nombreuses chaînes proposent d’ailleurs des conseils et des formations pour apprendre à générer des revenus en exploitant différentes « niches », c’est-à-dire différentes thématiques au potentiel de viralité. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que 20 Minutes documente ce genre de phénomène, déjà présent via de fausses théories des Simpson annonçant la mort du pape.