Prime de charbon, rémunération, retraite… Gare aux approximations de ce message sur les conducteurs de TGV


Prime de charbon, rémunération, retraite… Gare aux approximations de ce message sur les conducteurs de TGV

Publié le jeudi 2 février 2023 à 18:15

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Non, les cheminots ne touchent pas de « prime d'absence de prime », contrairement à ce qu'indique un message qui circule par mail depuis au moins dix-sept ans. — CHARLES BURY/SIPA

Auteur(s)

Mathilde Cousin (20 Minutes)

Un message dresse une liste de supposés avantages des conducteurs de TGV et se penche sur les comptes de la SNCF. Trompeur, il circule en ligne depuis au moins 17 ans et ressurgit à l’occasion de la réforme des retraites

Les intox ont la vie dure. En témoigne ce long message, qui circule par mail et sur les réseaux sociaux depuis au moins dix-sept ans. Intitulé « la triste vie d’un conducteur de TGV », il liste une série d’avantages dont bénéficieraient les conducteurs de TGV : rémunération, primes, temps de travail, « emploi à vie », âge de départ à la retraite… Il se penche également sur les comptes de la SNCF. L’actualité sociale, marquée par le projet de réforme des retraites, lui donne une nouvelle visibilité*.

Le salaire avancé ici est plus élevé que ce que touchaient les conducteurs en 2007.

Le salaire avancé ici est plus élevé que ce que touchaient les conducteurs en 2007. - Capture d'écran Facebook

La " prime d'absence de prime " n'existe pas et l'emploi à vie n'existe plus pour les nouveaux embauchés depuis 2020.

La " prime d'absence de prime " n'existe pas et l'emploi à vie n'existe plus pour les nouveaux embauchés depuis 2020. - Capture d'écran Facebook

FAKE OFF

Le forum hoaxkiller s’était déjà penché sur ce message en 2006 et la SNCF y avait apporté un démenti complet en 2007.

A l’époque déjà, les chiffres sur les comptes de la SNCF figurant dans ce message n’étaient pas bons. Les recettes étaient presque deux fois plus élevées en 2006 que ce qui est indiqué dans ce message. La SNCF précisait également qu’elle ne touche pas de « subventions », contrairement à ce qui est indiqué dans ce message, dont l’auteur est anonyme. Le montant de la dette indiqué sur le message - 2 milliards d’euros qui correspondraient à la dette cumulée de la SNCF et de Réseau ferré de France, devenu depuis SNCF Réseau - était quant à lui inférieur au montant réel.

Le message ne visait pas non plus juste sur la rémunération d’un conducteur de TGV. En 2007, selon la SNCF, le salaire d’un conducteur de TGV en début de carrière était de 1.500 à 1.800 euros, primes comprises, et non de 2.200 euros à 3.200 euros, comme indiqué dans le message trompeur. En fin de carrière, ce salaire était compris entre 3.000 et 3.400 euros, et non 4.880 euros. La SNCF a mis en ligne des données plus récentes, portant sur la période 2012-2015 : en début de carrière, un conducteur touche en moyenne 24.747 euros brut par an, soit 2.062 euros brut par mois. En fin de carrière, cette rémunération s’élève à 44.119 euros brut, soit 3.677 euros par mois. Ces données agrègent les rémunérations de tous les conducteurs, qu’ils travaillent sur des lignes TGV ou d’autres lignes. La SNCF précise à 20 Minutes que le « niveau de rémunération des conducteurs TGV est très variable, car fonction de l’expérience, du nombre de découchés par mois, de l’ancienneté… ».

La prime charbon « n’existe plus dans la réalité depuis 1961 »

Quant aux primes listées dans le message, la présence de certaines est farfelue : la « prime d’absence de prime » n’existe pas. La prime charbon, qui revient souvent dans les intox sur les cheminots « n’existe plus dans la réalité depuis 1961 », écrivait la SNCF en 2016. Une « prime de travail » existe bien. Son montant est variable selon les métiers.

En revanche, un conducteur de TGV est bien soumis aux 35 heures, comme les autres cheminots. La Cour des comptes soulignait toutefois en 2019 qu’un accord d’entreprise fixe la durée du travail à 1.568 heures annuelles pour le personnel roulant, ce qui est légèrement en deçà des 1.607 heures annuelles pour un 35 heures. Cet accord prend en compte les contraintes de ces métiers (horaires décalés, travail de nuit…).

Quid de l’âge de départ à la retraite ? Il serait de 52 ans selon le message viral. Cela était possible si un conducteur avait « 25 ans de service », notait la SNCF en 2007. « Partir plus tôt à la retraite fait que celle-ci est peu élevée », nuançait l’entreprise ferroviaire. L’âge de départ à la retraite a progressivement reculé à la SNCF entre 2008 et 2017. Les agents de conduite sont partis en moyenne à 53,3 ans en 2017, et à 58 ans pour les autres catégories, note la Cour des comptes.

Depuis 2007, plusieurs réformes sont venues modifier les conditions de départ à la retraite. Depuis 2020, les nouveaux embauchés à la SNCF ne bénéficient plus du statut et de la caisse spéciale de retraite. Cette réforme a également mis fin à « l’emploi à vie » dénoncé par le message viral.

* Une lectrice nous a demandé de le vérifier. Si vous souhaitez que l’on vérifie une info, une photo ou une vidéo, envoyez-les nous ici.

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