Cette vidéo où Vladimir Poutine dit qu'Emmanuel Macron «n'est pas sérieux» est-elle authentique ?


Cette vidéo où Vladimir Poutine dit qu'Emmanuel Macron «n'est pas sérieux» est-elle authentique ?

Publié le vendredi 11 mars 2022 à 14:26

– Mis à jour le mercredi 9 mars 2022 à 11:29

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Vladimir Poutine le 5 mars 2022 à Moscou, en réunion avec le Premier ministre israëlien au sujet de la guerre en Ukraine.

(Eyepress news via AFP)

Auteur(s)

Emma Donada

Une vidéo d’une interview du chef d’Etat russe avec des sous-titres parodiques moquant l’élection présidentielle française est devenue virale sur Facebook. Et a été relayée par des internautes au premier degré.

Vous nous interrogez sur la vidéo d’une interview de Vladimir Poutine dans laquelle il critiquerait avec virulence Emmanuel Macron et les Français en général. «Les Français sont très forts pour élire des blaireaux. Quand on voit les sondages, on réalise que les électeurs sont cons comme des balais», peut-on lire en sous-titre de l’intervention du chef d’Etat russe qui appellerait ensuite à «voter pour la gauche, pas pour les social-traitres». Ensuite toujours selon les sous-titres, Vladimir Poutine s’en prend dans termes grossiers à Emmanuel Macron et estime notamment que le président français «n’est pas sérieux», «ridicule». Le tout sous des rires et applaudissements de son audience. Cet extrait dont les sous-titres sont évidemment parodiques a été vu environ 3,5 millions de fois et partagé plus de 90 mille fois depuis sa publication, il y a moins d’une semaine.

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«Une blague avant tout»

«Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions. C’est une blague avant tout», commente Albert Taxil, à l’origine de cette satire, contacté par CheckNews. L’internaute, dépassé par la viralité de son gag, indique que la vidéo a été supprimée dans un premier temps. «J‘ai fait une réclamation, et Facebook l’a remise. Le buzz a pris avec plus de 70 % de vues faites via les suggestions Facebook», raconte-t-il (même s’il explique ne pas avoir conservé de trace de cette procédure).

Que raconte Vladimir Poutine devant cette assistance manifestement amusée ? La vidéo originale provient du compte YouTube de Business Online, un média de la république russe du Tatarstan. Elle a été tournée lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en juin 2019. Le président russe critique bien un chef d’Etat, mais il s’agit en réalité de… son homologue ukrainien récemment élu, Volodymyr Zelensky. Il lui reproche notamment d’«user d’une rhétorique militaire à [leur] égard». Vladimir Poutine s’engage ensuite dans une longue tirade au cours de laquelle il justifie le fait de ne pas avoir encore félicité Volodymyr Zelensky pour sa victoire, en moquant particulièrement l’ancienne profession d’acteur du président ukrainien.

Voici la traduction complète de l’échange entre Vladimir Poutine et la journaliste Sophie Shevardnadze :

«Sophie Shevardnadze : Pourquoi vous n’avez pas félicité Volodymyr Zelensky lorsqu’il a été élu président ?

Vladimir Poutine : Vous comprenez, encore aujourd’hui il continue à user d’une rhétorique militaire à notre égard : nous appeler des «ennemis», des «agresseurs»… Il lui faudrait se positionner d’une manière ou d’une autre sur ses objectifs, sur ce qu’il veut faire. Nous ne refusons pas de parler, et nous allons travailler.

S.S : Mais écoutez […], vous êtes le président d’un très grand pays. Aujourd’hui, [Zelensky] est également très aimé dans son pays, il est arrivé [élu] avec un score très fort. Vous n’avez pas d’historique d’échanges [vous ne vous êtes jamais parlé directement, ndlr]. Un petit geste peut changer entièrement le cours des choses, vous le savez, Vladimir Vladimirovitch ; [alors] pourquoi ne pas le rencontrer directement, sans [lui] poser de conditions ?

V.P. : Hé quoi, ai-je refusé ? (Rires) Personne ne m’a proposé quoi que ce soit.

S.S. : Mais vous êtes prêt à le rencontrer ?

V.P. : Ecoutez-moi, je ne connais pas cet homme. J’espère qu’un jour on pourra faire connaissance. Il semblerait que ce soit un bon spécialiste dans le domaine où il était employé jusqu’à aujourd’hui. C’est un bon acteur. (Rires et applaudissements) Je parle sérieusement, et vous riez – mais une chose est de jouer quelqu’un, et une autre chose est d’être quelqu’un. (Applaudissement) Pour jouer, il faut avoir du talent. C’est exact, et l’un de ces talents – il en possède beaucoup – est celui de pouvoir de changer de rôle. Toutes les dix minutes tu peux passer de la posture du «prince» à celle du «mendiant» [allusion au roman le Prince et le Pauvre de Mark Twain, 1882, ndlr]. Dans l’un et dans l’autre de ces emplois, il faut avoir l’air convaincant ; c’est vraiment un talent.

Mais pour gérer les affaires d’Etat, on a besoin d’autre type de talents. Il faut avoir une certaine expérience, des connaissances, il faut savoir identifier, voir des problèmes ; il faut savoir trouver des instruments pour résoudre ces problèmes. Il faut savoir constituer une équipe avec des gens capables, croire en eux, leur donner la possibilité de penser librement et proposer des solutions ; choisir ces solutions. Ce qui est très important, c’est [de savoir également] expliquer aux millions de personnes les motifs de son comportement lors de la prise de ces décisions ; et, ce qui est le plus important, il faut avoir le courage et le caractère pour assumer la responsabilité des conséquences de ces décisions.

Je ne dis pas que M. Zelensky ne possède pas ces qualités. Il est tout à fait possible qu’il les possède. Bon, il manque peut-être un peu d’expérience, mais c’est une chose qui s’acquière rapidement. Mais possède-t-il les autres qualités que j’ai énumérées ? Cela est tout à fait possible, mais je ne le sais pas. Pour l’instant, il ne s’est pas révélé [il n’a pas manifesté ces qualités, ndlr]. Or, ce que nous voyons, ce sont [surtout] des déclarations contradictoires. Lors de la campagne électorale, [on a vu] une chose, puis une autre… Qui vivra, verra. On verra. (Applaudissements) Je ne dis pas qu’il a tout fait de travers avant même d’avoir commencé, je veux dire par ses déclarations, on va voir. (applaudissements)».