Incendie de la forêt de la Teste-de-Buch: des élus écologistes ont-ils empêché des aménagements facilitant l’intervention des pompiers?


Incendie de la forêt de la Teste-de-Buch: des élus écologistes ont-ils empêché des aménagements facilitant l’intervention des pompiers?

Publié le mercredi 20 juillet 2022 à 14:08

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Le 18 juillet à la Teste-de-Buch. Si l'entretien de la forêt a pris du retard, favorisant les incendies qui l'ont dévoré ces derniers jours, les responsables écologistes pointés du doigt sur les réseaux sociaux n'y sont pour rien. 

(Benjamin Guillot-Moueix/Hans Lucas. AFP)

Auteur(s)

Florian Gouthière

L’accusation portée sur les réseaux sociaux confond deux dossiers distincts liés aux droits d’usage de cette forêt aujourd’hui en proie aux incendies.

 

De nombreux internautes ont accusé la sénatrice EELV de la Gironde, Monique de Marco, d’avoir fait annuler une décision qui aurait permis de faciliter l’accès des pompiers sur le site de la forêt de la Teste-de-Buch, en proie aux flammes depuis plusieurs jours. Ils en veulent pour preuve un tweet daté du 13 juillet 2021 dans lequel la parlementaire déclarait : «Victoire ! Suite à mon intervention, le gouvernement suspend le plan simple de gestion de la forêt usagère de la Teste-de-Buch. Il s’engage à mener une mission d’inspection pour protéger ce patrimoine forestier et culturel.» Ils citent également un message dans lequel le conseiller régional écolo de Nouvelle Aquitaine, Vital Baude, félicite la sénatrice.

L’accusation portée sur les réseaux sociaux ne tient pourtant pas, puisque le «plan simple de gestion» (PSG) dont il est ici question ne concerne en aucun cas la création ou l’élargissement de voies d’accès pour les pompiers. Un conflit autour de la création de telles voies existe bien, mais il est sans lien avec le dossier exhumé par les internautes.

Le dossier du «plan simple de gestion»

Pour clarifier les choses, il faut revenir sur le statut très particulier de la forêt privée de la Teste-de-Buch. Celle-ci est régie par un dispositif ancien, celui des «baillettes et transactions». Celui-dispose que sur ce site, seuls les habitants établis depuis plusieurs années dans les communes avoisinantes (d’Arcachon, de Lège Cap-Ferret, de Gujan-Mestras et de La Teste) sont autorisés à ramasser du bois mort et à couper certains arbres. Au contraire des propriétaires. Toutefois, fin juin 2019, un propriétaire établi en Belgique avait déposé une demande de «plan simple de gestion» (PSG) qui lui aurait ouvert le droit de réaliser des coupes d’arbres sur sa parcelle. Un an plus tard, le Centre régional de la propriété forestière donnait son agrément à ce PSG, suivi six mois plus tard d’un «avis favorable sous réserve» de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites de Gironde.

Ces décisions avaient suscité une levée de bouclier de l’Association de défense du droit d’usage et de la forêt usagère (Addufu). Néanmoins, s’agissant d’un site classé au titre de la protection des paysages, la validation finale du PSG incombait à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Plusieurs personnalités politiques avaient alors pris fait et cause pour la défense des droits d’usage, s’opposant à la demande de PSG du propriétaire. Début janvier 2021, Sophie Panonacle, députée LREM du bassin d’Arcachon, avait sollicité la ministre sur ce dossier. Et le 22 avril 2021, Monique de Marco avait transmis par écrit une question au gouvernement. «[Celle-ci] a été posée suite à ma visite sur place en mars 2021 avec l’association des usagers de la forêt qui m’avait alerté», nous précise la sénatrice. C’est cette même question qui a été rappelée, à l’oral, le 13 juillet 2021, et qui a été reprise par la sénatrice sur Twitter. Patrick Davet, maire LR de la Teste-de-Buch, et Marie-Hélène des Esgaulx, maire divers-droite de Gujan-Mestras, avaient quant à eux effectué des démarches en juin 2021 auprès de la ministre contre le fameux PSG.

Le gouvernement avait alors adressé une réponse formelle à Sophie Panonacle le 21 juin 2021, confirmant que le PSG ne serait pas validé (réponse qui, nous précise de Marco, ne lui a pas été communiquée). On notera ici que la presse régionale avait moqué à tort la sénatrice en l’accusant d’avoir posé sa question (à l’oral) au gouvernement en juillet 2022, après que la décision avait été actée.

Suite aux accusations dont elle a été l’objet sur les réseaux sociaux, Monique de Marco nous précise que «le plan simple de gestion est pour le forestier un outil d’analyse des fonctions économique, écologique et sociale de sa forêt. Il est destiné à gérer les coupes d’une parcelle de forêt cultivée. L’accès des sapeurs-pompiers n’a rien à voir avec un plan simple de gestion.» Un point également confirmé à CheckNews par le propriétaire, qui avait effectué la demande du PSG.

Le dossier des travaux d’accès

La question de l’accès des soldats du feu à la forêt de la Teste-de-Buch renvoie à un autre dossier, dans lequel l’Addufu a pris part, mais où la sénatrice EELV n’a joué aucun rôle.

Patrick Davet, maire de la commune de la Teste-de-Buch, avait délivré en 2020 une autorisation à l’Association syndicale autorisée de la DFCI (Défense des forêts contre les incendies) pour que celle-ci puisse élargir des pistes afin de faciliter le passage des engins du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis). L’Addufu a déposé en janvier 2021 un recours au tribunal administratif de Bordeaux contre cette autorisation, «au motif que ces coupes d’emprise n’avaient pas été planifiées dans le respect des dispositions des baillettes et transactions», comme le rappelle un rapport sur la forêt de la Teste-de-Buch commandé au CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) et au CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) par Barbara Pompili et Julien Denormandie à l’été 2021, et achevé en janvier 2022.

Ce document s’attarde sur «l’impossibilité de procéder aux travaux de la DFCI» : «Depuis l’incendie de 1943, les feux de forêts n’ont pas fait de gros dégâts. Les installations de DFCI (pistes, citernes, puits) paraissent adaptées», expliquaient les auteurs, avant de revenir sur l’action en justice de l’Addufu début 2021. «Même si le tribunal a considéré que l’arrêté contesté était légal et que les autorisations administratives de coupes ont été données, l’abattage des arbres gênant la circulation des véhicules d’incendie et de secours, sur les chemins et pistes de la forêt usagère de la Teste-de-Buch ne peut être réalisé sans l’aval des syndics [de propriétaires et d’usagers, ndlr] qui devront en outre valider le fait que leur produit soit dévolu au financement des actions de DFCI. En l’absence d’un tel accord, la possibilité de réaliser en 2022 ces travaux, bien qu’urgents, n’est pas assurée.»

Le rapport précise : «Pourtant, comme indiqué précédemment, le sol de la forêt peut devenir assez séchant s’il ne pleut pas. L’arrêt du gemmage [récolte de la sève] a fait disparaître le contrôle de la végétation au sol, notamment les fougères, qu’assuraient les résiniers. Si, comme cela est prévisible, le climat devient plus chaud et plus sec, cette végétation fournira un combustible idéal. La forêt usagère constituant un massif forestier périurbain, à proximité des villes d’Arcachon et de la Teste-de-Buch, massif très fréquenté dans certaines zones par les touristes en été du fait de la proximité du grand site de la dune du Pilat, la problématique de la prévention des incendies de forêt ne peut pas être traitée à la légère et la réalisation des travaux de DFCI dans la forêt usagère, en cohérence avec ceux réalisés dans le reste du massif, est un impératif d’ordre public». D’où une recommandation adressée «aux syndics des usagers et des propriétaires» de «donner un accord pour la réalisation des coupes nécessaires au titre de la DFCI et convenir en accord avec [l’Association syndicale autorisée] de DFCI des modalités de dévolution du produit de ces coupes».

La sénatrice EELV pas favorable au recours contre les coupes

Début juillet, l’Addufu expliquait sur son site avoir appris «que l’Etat [organisait] une coupe de pins vifs en forêt usagère pour élargir des pistes forestières permettant la circulation des camions de pompiers», et avait appelé à une manifestation contre cette décision devant la préfecture d’Arcachon, le 13 juillet 2022. Dans un tract, l’association précisait «[s’être] toujours prononcée en faveur de la mise en sécurité de l’ensemble du massif par les moyens les plus appropriés et donc à l’abattage des arbres gênants, mais ne saurait laisser les usagers se faire spolier de leur bien commun. Au prétexte de l’urgence du recalibrage des chemins utilisés par les engins de la DFCI pour la mise en sécurité incendie de la forêt usagère, l’Etat essaye une nouvelle fois de passer en force, au mépris des baillettes et transactions, comme il l’avait tenté, sans succès, pour la mise en place d’un Plan simple de gestion. Ainsi, il cautionne l’intervention d’une entreprise privée pour couper, sous la seule responsabilité des techniciens de la DFCI, des arbres qui appartiennent aux usagers. En violation de la Transaction de 1917, il accorde même à cette entreprise la faculté de déclarer, de son propre chef, le volume des pins prélevés et d’en fixer le prix.»

Sur ce dossier, les soutiens à l’Addufu semblent avoir été beaucoup moins nombreux que dans celui du PSG. Concernant la sénatrice EELV Monique de Marco, elle confirme à CheckNews «ne pas s’être positionnée en faveur du recours [déposé] par l’Addufu en début d’année 2021», ni n’avoir soutenu cet appel à manifestation.

Sollicités par CheckNews ce 19 juillet, ni Patrick Davet, ni l’Addufu, ni le tribunal administratif de Bordeaux n’étaient disponibles pour répondre à nos questions à l’heure où nous publions.