L’université de Stanford a-t-elle interdit l’utilisation du mot «Américains» pour désigner les habitants des Etats-Unis ?


L’université de Stanford a-t-elle interdit l’utilisation du mot «Américains» pour désigner les habitants des Etats-Unis ?

Publié le mercredi 4 janvier 2023 à 15:02

– Mis à jour le mercredi 4 janvier 2023 à 14:14

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Le campus de l'université de Stanford, aux Etats-Unis. 

(Philip Pacheco / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

Auteur(s)

Jacques Pezet

La prestigieuse université de Californie s’est retrouvée au cœur d’une polémique après la découverte d’un guide des termes blessants produits à l’initiative de sa communauté informatique.

Dans un tweet publié le 25 décembre et vu près d’un million de fois, le blogueur français Hugo Jacomet affirme que «l’Université de Stanford décide de remplacer “américain” par “citoyen des Etats-Unis”, “immigré” par “personne ayant migré” ou “étude en double-aveugle” par “étude masquée”. Le monde est en train de devenir un hôpital psychiatrique…»

Hugo Jacomet se fait le relais d’une polémique née chez les conservateurs aux Etats-Unis et à laquelle Elon Musk a pris part. Dans un message publié ce 20 décembre, le médiatique propriétaire de Twitter note : «Stanford désapprouve le fait de dire qu’on est fier d’être américain ? Wow.» D’autres internautes ont publié leur indignation quant à cette «liste de mots interdits par Stanford».

Alors de quoi s’agit-il ? Le document en question, qui a été consulté et publié par le Wall Street Journalpropose d’«envisager» l’emploi de certains mots à la place d’autres, en expliquant les raisons pour chacun des termes.

Des mots «à éviter»

Selon cette liste, par exemple, l’usage de l’expression «citoyen des Etats-Unis» est préférable car le mot «Américain» désigne «souvent les personnes originaires des Etats-Unis uniquement, ce qui laisse entendre que les Etats-Unis sont le pays le plus important d’Amérique (qui compte en réalité 42 pays)». Une précision qui a particulièrement irrité une partie des conservateurs qui revendiquent leur fierté d’être des «Américains» et non pas des «Etats-Uniens» ou «citoyens des US».

Une centaine d’autres expressions qu’il serait préférable d’éviter figurent dans cette liste. On y retrouve des termes comme «fou»«examen en aveugle», «parking handicapé» qui sont considérés comme du «langage “validiste” qui peut banaliser l’expérience des personnes vivant avec un handicap». Et plusieurs mots anglais comportant les mots «man» ou «woman», comme «policeman» (policier en français) ne sont pas assez inclusifs selon le document.

Le document recense également d’autres expressions renvoyant à l’origine ethnique. Globalement les expressions contenant les mots «blancs»«noirs» ou même «gris» (servant par exemple à désigner certains types de hackers plus ou moins bienveillants) ne sont pas recommandées car elles attribuent «des connotations de valeur en fonction de la couleur (blanc = bon), un acte qui est inconsciemment racialisé».

Stanford assure que ce guide n’est pas représentatif de l’université

Face à cette polémique, Steve Gallagher, le directeur de l’information de l’université de Stanford a publié un communiqué le 20 décembre dans lequel il confirme que cette liste est tirée de l’initiative pour l’élimination des termes blessants (EHLI), «un site Web qui fournit des conseils à la communauté informatique de Stanford sur le choix des mots dans les sites Web et le code [informatique utilisé par] Stanford».

Mais le responsable souligne «avant toute chose» que ce site web «ne représente pas la politique de l’université. Il ne représente pas non plus des interdictions ou des exigences». L’université explique qu’il a été «créé par la communauté informatique de Stanford et est destiné à être discuté au sein de cette communauté» : «Il propose des alternatives à divers termes et explique pourquoi ces termes peuvent poser problème dans certaines utilisations. Son aspiration, et la raison de son développement, est de soutenir une communauté inclusive.»

La prestigieuse université revient également sur le cas de l’emploi du mot «Américain» qui a suscité le plus de colère. Steve Gallagher reconnaît avoir «clairement raté le coche dans cette présentation» et affirme que «pour être très clair, non seulement l’utilisation du terme “américain” n’est pas interdite à Stanford, mais elle est absolument bienvenue». Il rappelle que «l’intention de cette entrée particulière sur le site Web de l’EHLI était de fournir une perspective sur la façon dont le terme peut être imprécis dans certaines utilisations spécifiques, et de montrer que dans certains cas, le terme alternatif “citoyen américain” peut être plus précis et plus approprié».

Pour tenter d’éteindre la polémique, Steve Gallagher insiste sur le fait que ce guide «fait l’objet d’une révision permanente» et qu’il est à l’écoute de différents points de vue sur le sujet.