Non, cette vidéo ne montre pas le futur (sombre) de l’humanité selon une intelligence artificielle


Non, cette vidéo ne montre pas le futur (sombre) de l’humanité selon une intelligence artificielle

Publié le mercredi 26 octobre 2022 à 11:20

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Capture d'écran d'après la vidéo "Human Evolution" sur le compte Instagram de l'artiste numérique Fabio Comparelli.

(Capture d'écran Instagram/@fabdream.ai)

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Service CheckNews

Une vidéo virale semble prédire un avenir sombre à l’humanité. Si les images qui composent la séquence ont bien été générées par intelligence artificielle, elles ne font que transcrire les mots et l’imagination d’un artiste bien humain, Fabio Comparelli.

Un tweet posté le 18 octobre, désormais partagé plus de 50 000 fois, a plongé plus d’un internaute dans l’effroi. «Que se passe-t-il lorsque vous demandez à une IA de générer «l’évolution humaine» ? C’est terrifiant», déclare l’auteur du message, invitant à lancer vidéo d’une quarantaine de secondes. Sur une musique lancinante au synthétiseur (le titre Solitude du duo Felsmann + Tiley) défile alors une séquence d’une grande étrangeté, faite d’une succession de dessins qui se fondent les uns dans les autres.

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La première image est celle d’un macaque, qui se transforme en une succession d’autres singes, puis en divers hominidés qu’on suppose être représentants de l’Homo sapiens. Puis, de l’homme préhistorique, on passe rapidement à des profils vêtus d’armures.

Si l’on excepte quelques anomalies graphiques (apparition d’une troisième main, d’une troisième jambe, tasse de café dans la main des singes supposés figurer les ancêtres des humains…), on est jusqu’ici dans une représentation assez classique et naïve de «l’évolution humaine» (naïve et fausse : les macaques ne sont pas nos ancêtres, mais partagent avec nous un ancêtre commun qui existait il y a plusieurs millions d’années).

La suite de la séquence, présente un homme contemporain, capuche sur la tête et smartphone en main, qui se transforme bientôt en une femme dont les membres sont des prothèses mécaniques. Différents types de cyborgs se succèdent, dont seul le visage et les mains restent encore organiques. Puis la substitution mécanique est intégrale, et le revêtement extérieur du corps se fait de plus en plus uniforme. Le visage se fait casque à visière, avant que celui-ci ne se transforme en une bouche hideuse, aux longues dents effilées. L’être moitié «créature du lagon», moitié xénomorphe de la série Alien, continue ses mutations grotesques pour ne plus ressembler qu’à un mélange de tubes et de tuyaux cannelés, qui eux-mêmes deviennent de pures formes géométriques.

Une vidéo propre à créer un parfait malaise, tant par sa bande-son, son style graphique, que par la représentation faite du «futur de l’humanité». Mais s’agit-il réellement là de l’idée qu’une «intelligence artificielle» se fait de notre devenir ? S’agit-il d’une prédiction basée sur des prévisions statistiques ? Une extrapolation basée sur les représentations disponibles dans l’iconographie de la science-fiction, dans lequel un ordinateur serait allé puiser à sa guise ?

En réalité, le rôle de l’intelligence artificielle se limite ici à traduire en dessin la description détaillée de nombreuses scènes, énoncées par un être humain. L’auteur ? L’artiste suisse Fabio Comparelli qui a publié cette séquence sur son compte Instagram le 2 octobre. Pour réaliser cette vidéo, il a eu recours au programme Midjourney, qui produit des images à partir de descriptions textuelles (sur le même principe que le programme Dall-E développé par l’entreprise OpenAI, ou le site Craiyon). Si l’intelligence artificielle tient le pinceau virtuel et propose une représentation à partir des descriptions de Fabio Comparelli, ces énoncés et le lien créé entre eux sont bien ceux de l’opérateur humain. Les programmes tels que Midjourney sont entraînés à transcrire des mots en images en analysant des quantités phénoménales d’images disponibles en ligne.

Face au succès du tweet qui reprend sa création, Fabio Comparelli s’est fendu d’une série de posts sur Instagram. Dans un premier temps, il dénonce le fait que la vidéo soit reprise sans citation de son nom. Il s’effare que le tweet soit relayé par divers comptes influents, notamment celui de l’ex-PDG de Twitter Jack Dorsey. Constatant que de nombreux comptes reproduisent le même tweet, il déclare : «Ma vidéo devient virale partout ! S’il vous plaît, si vous voulez la partager, mentionnez mon nom, et n’écrivez pas «Voici ce qui se passe quand vous demandez à une intelligence artificielle de prédire l’évolution humaine». Cela peut effrayer certaines personnes, et effrayer des gens, qui vont réellement croire que [ce qui est montré] va arriver. J’ai clairement influencé et indiqué à l’intelligence artificielle quel type d’images je souhaitais, et à quel moment. C’est juste le résultat de mon imagination… Oui, j’aime vraiment la science-fiction !»

En réponse à ces messages – et aux très nombreux commentaires réprobateurs d’internautes – le compte à l’origine du premier tweet viral a publié un second tweet citant le nom de l’artiste et mettant en lien son compte Instagram. Mais sans relayer la mise en garde du créateur sur l’interprétation fautive véhiculée par le message viral.