Retraites : qui est cette «amie espagnole» anti-manifestations, devenue en l’espace d’une semaine la coqueluche de Twitter ?


Retraites : qui est cette «amie espagnole» anti-manifestations, devenue en l’espace d’une semaine la coqueluche de Twitter ?

Publié le mercredi 12 avril 2023 à 19:01

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Lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, le 4 avril, à Nantes. 

(Sébastien Salom-Gomis / AFP )

Auteur(s)

Louise Llavori

Un personnage fictif, dénonçant le caractère «râleur» des Français en grève, a beaucoup fait parler sur le réseau social depuis le 3 avril. Une «amie» qui n’a en réalité jamais existé et est inspirée d’un «Allemand» croisé à un dîner par un militant macroniste.

Depuis le 3 avril, tout le monde a, sur Twitter, une amie espagnole. En quelques jours, le réseau social a en effet vu fleurir de nombreux messages, comportant tous la même punchline à l’orthographe abrégée : «Hier, une amie espagnole m’a envoyé un message en me disant que nous avons beaucoup de chance de ne travailler que 35 heures, sans compter les cinq semaines de congés payés ; nous avons l’école gratuite ainsi que les soins, vous êtes toujours en train de râler… Je n’ai pas su lui répondre.» On y devine une référence à peine voilée à la lutte actuelle contre la réforme des retraites.

Mais d’où vient ce texte reproduit et détourné à l’envi sur le réseau social ? Certains, juxtaposant une flopée de tweets identiques, soupçonnent une opération de communication de la twittosphère macroniste «payée par vos impôts». D’autres dénoncent une nouvelle offensive de bots pro-Renaissance, c’est-à-dire de comptes Twitter entièrement automatisés et programmés pour relayer les opinions politiques du parti.

Le tout premier message, posté le 2 avril, et ayant inspiré le copypasta (copier-coller d’une même histoire) provient bien d’un twittos de chair et d’os. «Je suis un vrai humain», confirme-t-il, amusé, à CheckNews. L’homme, un «fervent macroniste» mais «pas du tout impliqué politiquement» en dehors des réseaux sociaux, a l’habitude de communiquer ses idées sur Twitter. Il maintient qu’un ami allemand, plutôt une connaissance croisée à l’occasion d’un dîner, lui a fait, en substance, de telles déclarations.

Il ne s’explique cependant pas le copier-coller légèrement modifié qui en a été fait par un autre twittos, un jour plus tard. «Si le message de la personne t’intéresse, tu as juste à le retweeter. D’aller le copier-coller, évidemment, ça crée ce genre de situation», se désole-t-il.

En effet, la nouvelle mouture, publiée le lendemain de la première, mentionne une «amie espagnole». Postée par un compte anonyme dédié à la promotion de contenus pro-Macron, elle a immédiatement créé un déferlement de retweets et de détournements sur le réseau social.

Le profil qui en est à l’origine, illustré par la photo d’une jeune femme récupérée sur Internet, ne fait pas clairement mention de ses liens avec Renaissance, si ce n’est par l’acronyme «FBPE» dans son nom d’utilisateur. Il marque en effet en France une affiliation au parti présidentiel. En commentaire de son tweet, le ou la détentrice du compte se défend d’avoir inventé son amie espagnole face aux internautes inquisiteurs.

Ce compte Twitter fait cependant vivre un personnage vraisemblablement fictif, en postant des photos de «son» balcon ou de «son» gâteau de Pâques, dont les images sont tirées d’Internet. CheckNews n’ayant pas réussi à le ou la contacter, il reste difficile de déterminer si cette communication est institutionnelle ou si elle est le fait d’un militant motivé.

Pas de déferlement

En revanche, il n’y a pas vraiment eu de déferlement de copier-coller comme dénoncé par certains internautes. Dans les heures qui suivent son apparition, la publication n’a été reprise au premier degré que six fois par trois comptes Twitter différents, comme on peut le voir dans le tweet ci-dessous. Dont deux, voire les trois, semblent gérés par la même personne, un militant PS autrefois impliqué dans la vie politique de Francheville, vers Lyon dans le Rhône, et désormais proche des idées de Renaissance.

«Le compte Francheville au cœur est géré par la personne qui a fait le tweet en son nom [et dont nous avons masqué l’identité, ndlr]», confie ainsi l’un des candidats de la liste socialiste aux élections municipales de 2014 dans cette ville. Quant au troisième compte, «Francheville en marche», de fortes suspicions laissent penser qu’il est aussi géré par la même personne, dans la mesure où ces trois comptes postent des contenus identiques à quelques minutes d’intervalle.

Le quatrième tweet mentionné, enfin, est celui d’origine, posté par Renaud Gaugry sur son ami allemand.

D’autres comptes parodiques ont par la suite repris la publication à l’identique, renforçant la confusion entre vrais macronistes et faux militants, et laissant penser à un déferlement de bots. Beaucoup d’internautes s’en sont également donné à cœur joie, détournant le message initial pour saluer les luttes sociales ou promouvoir leur terroir en moquant au passage les aficionados du parti présidentiel. En une semaine, le tweet de @LéaFbpe a été vu plus de 2 millions de fois.