Est-il vrai que les délinquants sexuels peuvent désormais devenir assistants maternels ?


Est-il vrai que les délinquants sexuels peuvent désormais devenir assistants maternels ?

Publié le mercredi 22 février 2023 à 11:37

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Lors d'une demande d'agrément, les dossiers des assistants familiaux ou maternels, mais aussi des personnes vivant sous le même toit, sont obligatoirement consultés.

(Eric Cabanis/AFP )

Auteur(s)

Anaïs Condomines

Des craintes, partagées sur les réseaux sociaux, se fondent sur la modification d’un arrêté comportant une erreur de formulation. Les candidats à l’agrément d’assistant maternel sont toujours soumis au contrôle de leurs antécédents judiciaires.

«Depuis le 30 novembre 2022, les délinquants sexuels peuvent être assistants maternels, le casier judiciaire n’étant plus vérifié.» Cette affirmation, twittée le 13 février dans la soirée, est le fait de l’influent compte @VirusWar, qui a émergé lors de la pandémie du Covid. Pour appuyer ses propos, il joint à son tweet la photo d’un arrêté du 10 novembre 2022 issu du ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Où plusieurs passages surlignés laissent entendre que le texte de loi procède à la «suppression des modalités de consultation du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes [Fijais, ndlr] lors de la procédure d’agrément des assistants maternels».

Dans un deuxième tweet, l’internaute apporte toutefois une précision : «En fait, le conseil départemental demande toujours le bulletin n° 2 du casier judiciaire pour les candidats assistants maternels, mais un autre justificatif de non-condamnation pour délit sexuel n’est plus demandé, avec effet rétroactif au 13 juillet 2022.» En commentaire, on s’agace : «Il est évident qu’on a un réel problème avec la pédocriminalité en France», écrit l’un. Un autre renchérit : «Il faudrait que les parents soient au courant, mais comme les médias sont corrompus jusqu’à la moelle, personne n’en saura rien…»

Cette indignation n’a rien de nouveau, puisqu’on en retrouve la trace sur les réseaux sociaux dès la fin de l’année 2022. Des publications sur Facebook s’en prenaient alors déjà au gouvernement, accusé de faire «entrer les prédateurs sexuels dans le milieu de la petite enfance». Sauf que ces affirmations, en plus d’être datées, sont fausses. Sandra Onyszko, porte-parole de l’Union nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam), assure à CheckNews «Aujourd’hui, quand on fait une demande d’agrément pour être assistant maternel, il y a toujours l’obligation par le code de l’action sociale et des familles, de se soumettre à une recherche des antécédents judiciaires.» Une recherche qui passe, en l’occurrence, par la consultation du casier judiciaire B2 et du Fijais.

Une loi qui renforce les contrôles existants

Alors d’où vient la confusion ? «C’est une coquille», commente Sandra Onyszko. Une erreur qui s’inscrit dans le contexte d’une nouvelle loi, adoptée le 7 février 2022, relative à la protection des enfants, dite «loi Taquet». Entre autres dispositions, elle modifie l’article L.421-3 du code de l’action sociale et des familles. Et précise dorénavant que : «L’agrément n’est pas accordé si l’une des personnes majeures ou mineures âgées d’au moins 13 ans vivant au domicile du demandeur, lorsque ce domicile est le lieu d’exercice de sa profession, à l’exception de celles accueillies en application d’une mesure d’aide sociale à l’enfance, est inscrite au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.»

En résumé, cette loi étend aux assistants familiaux et assistants maternels, ainsi qu’aux proches vivant chez eux, la consultation du Fijais dans le cadre d’une demande d’agrément. Comme le soulignent nos confrères de l’AFP Factuel, Adrien Taquet, alors secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles, souhaitait par cette loi renforcer les dispositions de contrôle existantes : «Un certain nombre d’infractions peuvent disparaître du bulletin n° 2, ce qui pose problème, car elles ne sont alors plus visibles, tout en restant inscrites au Fijais. D’où la nécessité de viser ce fichier national», avait-il déclaré. «En fait, cette disposition permet que le Fijais soit consulté dans n’importe quel département, dans le cas où une personne à qui on aurait retiré son agrément le demande ailleurs», note de son côté Sandra Onyszko.

Dans la foulée, au mois de juillet, un arrêté est pris précisément en vue de faire appliquer cette loi. Dans sa version initiale, on peut lire : «Pour toute demande d’agrément, le dossier d’agrément comprend en outre un extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire du candidat ainsi qu’une attestation de non-inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, sollicitées par le président du conseil départemental auprès du casier judiciaire national.»

Formulation «erronée»

Cette formulation, jugée «erronée», a été retirée – et c’est tout l’objet de l’arrêté pointé du doigt sur les réseaux sociaux. C’est ce qu’expliquait dès le 3 décembre Charlotte Caubel, secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre chargée de l’Enfance, dans une mise au point : «La rédaction initiale de l’arrêté du 13 juillet 2022 fixant les modalités du nouveau Cerfa d’agrément des assistants maternels était erronée. Le texte laissait penser que le contrôle du Fijais pouvait être sollicité par les présidents de départements directement. Or, cette compétence revient au préfet. L’arrêté a donc été modifié. Pour ce faire, la ligne précisant les modalités de contrôle a dû être supprimée, pour laisser place à une nouvelle rédaction. Mais la modification de l’arrêté du 13 juillet 2022 ne supprime pas le contrôle des antécédents judiciaires, ni du Fijais. Ce contrôle est imposé par la loi du 7 février 2022 et continuera de s’appliquer.»

«Ils ont retiré le texte pour le réécrire, résume Sandra Onyszko, mais dans l’intervalle, les gens ont compris que la consultation du Fijais était retirée, ce qui n’est pas le cas.» Fin 2022, le gouvernement promettait la rédaction d’un nouvel arrêté. Sollicité, le ministère des Solidarités n’a pas indiqué si celui-ci était dorénavant terminé et mis en ligne.