VRAI OU FAUX. Guerre au Proche-Orient : on a vérifié six vidéos trompeuses sur le conflit entre Israël et le Liban


Publié le vendredi 25 octobre 2024 à 12:30

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De la fumée s'élève au-dessus des toits de la banlieue sud de Beyrout (Liban), mardi 8 octobre 2024.

(MOHAMED ABOUELENEN / AFP)

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LINH LAN DAO / FRANCEINFO / FRANCE TELEVISIONS

Des images, présentées tantôt comme des attaques israéliennes sur Beyrouth ou des ripostes du Hebzollah sur Israël, ont été partagées massivement sur les réseaux sociaux. Relayées par des comptes douteux, elles sont pour la plupart anciennes et sorties de leur contexte.

Une épidémie de désinformation au sujet d'un conflit bien réel. Depuis lundi 30 septembre, Israël mène une offensive terrestre dans le sud du Liban(Nouvelle fenêtre) contre le Hezbollah, soutien de l'Iran et du Hamas. En réaction, le mouvement islamiste, dont le leader, Hassan Nasrallah, a été tué par une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, a menacé mardi 8 octobre d'intensifier ses tirs de roquettes(Nouvelle fenêtre) sur Israël, notamment sur Haïfa. Au milieu de ces hostilités, des images, anciennes et sorties de leur contexte pour la plupart, ont essaimé sur les réseaux sociaux, relayées par des comptes propalestiniens comme pro-israéliens. Franceinfo a vérifié six d'entre elles. 

Une station Total bombardée

La vidéo a été vue près de 20 millions de fois. Un compte propalestinien très suivi a partagé dimanche 6 octobre sur le réseau social X(Nouvelle fenêtre) une vidéo montrant une explosion à Beyrouth. "Israël a ciblé la station-service de la multinationale française TotalEnergies à Beyrouth. Cela survient après qu'Emmanuel Macron a interdit l'aide militaire à Israël", commente l'auteure, qualifiant le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou de "psychopathe".

Emmanuel Macron s'est certes prononcé en faveur de l'arrêt des livraisons de matériel militaire à Israël, ce qui a vivement fait réagir le Premier ministre israélien. Mais pas au point de frapper le géant pétrolier français en guise de représailles.

La vidéo originale, publiée par la chaîne libanaise Al Jadeed(Nouvelle fenêtre) samedi 5 octobre, montre bien des explosions touchant le quartier de Bourj el-Brajné. Selon TF1(Nouvelle fenêtre), l'immeuble ciblé par Tsahal abritait toutefois une entreprise de télécommunications et se situait à 300 m de la station du groupe TotalEnergies, ce que franceinfo a pu confirmer. TotalEnergies a d'ailleurs confirmé à TF1 que la station-service n'avait pas été touchée.

Une explosion à Beyrouth

Lundi 7 octobre, date de la commémoration en Israël du premier anniversaire des attaques terroristes du Hamas, le compte pro-israélien Documenting Israel a partagé sur X(Nouvelle fenêtre) la vidéo d'une impressionnante explosion, avec ce commentaire : "L'armée israélienne a attaqué des cibles du Hezbollah à Beyrouth la nuit dernière." Cette vidéo a également été partagée par Yinon Magal, un ancien député d'extrême droite israélien très suivi.

Des frappes ont bien eu lieu dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 octobre, l'agence officielle libanaise ANI a ainsi fait état de quatre raids israéliens sur la banlieue sud de Beyrouth. "La première a visé le quartier Sainte-Thérèse et la seconde le quartier de Bourj el-Brajné", a-t-elle rapporté. L'agence ANI a ensuite fait état de deux autres frappes, dont une contre la ville de Hadeth.

Toutefois, la vidéo partagée par Documenting Israel est ancienne et sortie de son contexte. Il s'agit en réalité de l'explosion d'une station-service au Yémen, survenue le 31 août, souligne l'ONG israélienne de lutte contre la désinformation Fake Reporter(Nouvelle fenêtre). Comme le relève l'AFP(Nouvelle fenêtre), la chaîne qatarie Al-Jazeera avait diffusé samedi 31 août sur YouTube(Nouvelle fenêtre) une compilation de vidéos amateurs de cette explosion, sous divers angles.

Des immeubles en feu à Beyrouth

"Beyrouth, si vous n'apprenez pas de Gaza, vous deviendrez Gaza", avertit un internaute indien sur X(Nouvelle fenêtre), lundi 7 octobre, partageant une vidéo d'immeubles en feu en pleine nuit sur une musique angoissante. Pourtant, les cinq premières secondes de cette vidéo sont générées par l'intelligence artificielle, comme le souligne l'analyste Tal Hagin, membre du collectif Fake Reporter, sur le même réseau social(Nouvelle fenêtre).

Partagée 27 000 fois et vue plus de 10 millions de fois, la vidéo originale a été postée sur TikTok(Nouvelle fenêtre) par le compte @digital.n0mad, le 1er octobre. Bien qu'elle localise Beyrouth comme lieu, elle comporte la mention "Le créateur a indiqué que ce contenu était généré par l'IA". Une mention qui ne souffre aucune ambiguïté.

Un incendie à Tel-Aviv

Toujours le 7 octobre, un compte propalestinien habitué de la désinformation a publié sur X(Nouvelle fenêtre) une photo avec la mention "Tel-Aviv est en flammes". La plateforme d'Elon Musk précise désormais qu'il s'agit d'un "média manipulé" "Vous ne pouvez pas partager de contenus multimédias synthétiques, manipulés ou hors contexte susceptibles de tromper ou de dérouter les gens et de causer un préjudice", explique le réseau social(Nouvelle fenêtre).

'Ce n'est pas Tel-Aviv. C'était à Moscou en mars, lors de l'attaque sur le Crocus City Hall", a commenté le compte @Osint_random, spécialisé dans la lutte contre la désinformation, sur X(Nouvelle fenêtre). En effet, la même photo de la salle de concert en feu, visée par une attaque terroriste ayant fait 144 morts, apparaît en illustration d'un article du Moscow Times(Nouvelle fenêtre) publié le 22 mars.

Tel-Aviv, deuxième plus grande ville d'Israël, a cependant bien été ciblée par le Hezbollah : le groupe libanais a annoncé lundi 7 octobre avoir tiré une salve de roquettes en direction de la principale base de renseignement militaire israélienne près de Tel-Aviv. Une attaque en réponse à la mort de leur chef Hassan Nasrallah, tué fin septembre par Israël. L'armée israélienne a assuré ne pas avoir été touchée.

Des soldats israéliens attaqués

Voici une autre vidéo sortie de son contexte. On y devine des soldats en treillis près d'un mur, ciblés par un projectile. La vidéo présente une qualité très dégradée et ne comporte pas de son. "Wow, c'est la frontière au sud du Liban", se réjouit une internaute propalestinienne très suivie, habituée de la désinformation.

Mais contrairement à ce qui est suggéré, à savoir une attaque récente sur des soldats israéliens dans le sud du Liban, il s'agit en fait d'un tir rebelle sur les troupes du régime de Bachar Al-Assad. La vidéo date d'il y a huit ans, relève un journaliste de la BBC sur X(Nouvelle fenêtre).

La vidéo originale, de bien meilleure qualité, a été retrouvée par le site de fact-checking indien Boom(Nouvelle fenêtre). Publiée sur Facebook(Nouvelle fenêtre) en août 2016, elle comporte le logo du Fastaqim Kama Umirt, un groupe rebelle islamiste sunnite. Cette attaque avait été rapportée à l'époque par Al-Jazeera sur son site(Nouvelle fenêtre) arabophone.

Tel-Aviv attaquée par des drones

Une salve de drones kamikazes a-t-elle touché Tel-Aviv, provoquant un "important incendie" ? C'est ce qu'a prétendu un obscur compte sur X(Nouvelle fenêtre), jeudi 3 octobre. La vidéo a même été relayée par le compte anglophone de la chaîne d'Etat iranienne PressTV, comme l'a constaté une journaliste de la BBC sur X(Nouvelle fenêtre)

#JUSTIN(Nouvelle fenêtre) : Tel Aviv on fire after being hit by kamikaze drone barrage

A barrage of kamikaze drones has targeted Tel Aviv in the occupied Palestinian territories, setting off sirens across the coastal city and causing a large fire.#TelAviv(Nouvelle fenêtre) #TelAvivTerrorAttack(Nouvelle fenêtre) #KamikazeDrones(Nouvelle fenêtre)… pic.twitter.com/zhWJIBxWKI(Nouvelle fenêtre)— upuknews (@upuknews1) October 3, 2024(Nouvelle fenêtre)

Il s'agit en fait d'un incendie survenu dans une gare centrale à Safed, ville israélienne située à une trentaine de kilomètres de la frontière libanaise, en juin 2022, selon la chaîne de télévision libanaise Al-Mayadeen(Nouvelle fenêtre). Quelque 18 bus étaient partis en flammes.