Attention à ces publications trompeuses qui mettent en garde contre la vaccination anti-Covid pour les femmes enceintes
Publié le mercredi 17 novembre 2021 à 10:49
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Juliette Mansour, AFP France
La base de pharmacovigilance américaine recense "plus de morts fœtales au cours des 11 derniers mois qu'au cours des 30 dernières années" indiquent des articles de blog, qui concluent que la vaccination contre le Covid-19 augmente nettement ce risque pour les femmes enceintes. Mais ces données ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre les cas de mort fœtale rapportés et les injections de vaccins anti-Covid, et les autorités sanitaires américaines comme françaises continuent de recommander la vaccination pour les femmes enceintes, plus exposées aux formes graves de la maladie.
"À ce jour, 2.433 décès fœtaux ont été enregistrés dans le VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System) de femmes enceintes ayant reçu l'un des vaccins Covid-19 (...) Il y a eu plus de morts fœtales au cours des 11 derniers mois à cause des vaccins Covid-19 qu'il n'y en a eu au cours des 30 dernières années à cause de TOUS les vaccins", indique cet article, repris le 10 novembre par les sites Planète360, Réseau international et Resistance-mondiale, déjà épinglés à plusieurs reprises par l'AFP pour désinformation (1, 2, 3).
Capture d'écran prise sur le site Planètes360 le 16/11/2021
Capture d'écran prise sur le site Réseau International le 16/11/2021
"Pourtant, le CDC et la FDA continuent de recommander des vaccins pendant la grossesse", poursuit la publication.
Ce texte est traduit de l'anglais, langue dans laquelle il a été partagé plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux (1, 2, 3) pour alerter sur les dangers de la vaccination à ARN messager qui ne "serait pas sûre pour les femmes enceintes", selon ces sites. Il a également circulé en italien.
Capture d'écran prise le 16/11/2021
L'auteur de la publication souligne que le système de signalement d'effets indésirables des vaccins (VAERS), base de données officielle du gouvernement américain, recenserait à ce jour "2.433 décès fœtaux" signalés après la vaccination anti-Covid, c'est-à-dire la mort d'un fœtus après 20 semaines de grossesse.
Ce chiffre, qualifié "d'hallucinant" dans les publications françaises, serait anormalement élevé depuis le début de la campagne de vaccination anti-Covid aux Etats-Unis.
Les articles viraux citent comme source MedAlerts.org, un site du National Vaccine Information Center, qui se présente comme un outil "alternatif" servant à "effectuer des recherches dans la base de données du VAERS".
Capture d'écran prise le 17/11/2021
Ce site dit s'appuyer "sur les données brutes du gouvernement", mais aurait "une meilleure interface utilisateur, des capacités de recherche plus puissantes et des rapports plus complets" que la base de donnée officielle du gouvernement, en faisant "le meilleur outil de recherche du VAERS".
Le National Vaccine Information Center, comme le site MedAlerts, n'ont pourtant rien d'officiel.
Capture d'écran prise le 17/11/2021
Cette association est décrite par le Washington Post comme un groupe anti-vaccin américain "à l'avant-garde d'un mouvement qui a conduit certains parents à renoncer ou à retarder la vaccination de leurs enfants contre des maladies pourtant évitables par la vaccination, à l'image de la rougeole".
En refaisant les calculs et en sélectionnant les 18 mêmes "événements indésirables" (adverse events) que ceux du site MedAlerts, le site officiel de la VAERS affiche 1.193 rapports de signalements pour des morts fœtales après la vaccination anti-Covid à la date du 9 novembre, et non 2.433, comme a également relevé le média américain Lead Stories dans un article de vérification.
Des informations parfois "incomplètes, inexactes, fortuites, ou invérifiables"
Si les signalements sont effectivement plus nombreux depuis la mise sur le marché des vaccins contre le Covid-19 qu'au cours des décennies précédentes, cela ne permet pas pour autant de conclure que la vaccination anti-Covid serait dangereuse pour les femmes enceintes ou induirait un risque de décès pour le fœtus.
Avant d'accéder aux données du VAERS, tout utilisateur doit reconnaître avoir lu et compris les mentions légales du système. Or, le guide d’interprétation des données précise bien rapporter "les événements et réactions qui se produisent après la vaccination", mais pas nécessairement à cause d'elle. Pour cette raison, "les rapports VAERS ne peuvent pas être utilisés seuls pour déterminer si un vaccin a causé ou contribué à un événement indésirable ou une maladie", avertit le site.
Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), qui forment la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique, détaillent ces "considérations et limites clés" à prendre en compte lors de l'analyse des données VAERS.
L'agence indique que "les fournisseurs de vaccins sont encouragés à signaler tout problème de santé cliniquement significatif survenu après une vaccination, qu'ils pensent ou non que le vaccin en est la cause". Une Américaine vaccinée contre le Covid qui perdrait son bébé peut ainsi émettre un signalement, même si elle estime que la vaccination n'a rien à voir avec la cause du décès.
"Les rapports peuvent contenir des informations incomplètes, inexactes, fortuites, ou invérifiables. La plupart des rapports soumis au VAERS le sont de manière volontaire, ce qui signifie qu'ils sont sujets à des biais", mettent en garde les CDC, puisque n'importe quel Américain peut soumettre un rapport établissant des effets secondaires liés à un vaccin.
Dans l'état de Virginie, le VAERS a ainsi été utilisé pour signaler la mort prétendue d'une fillette de deux ans, moins d'une semaine après avoir reçu une dose du vaccin de Pfizer-BioNTech. L'information s'est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, alors que les CDC ont indiqué à l'AFP que le signalement avait été "complètement falsifié".
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Les CDC concluent que "le nombre de rapports ne peut à lui seul être interprété ou utilisé pour tirer des conclusions sur l'existence, la gravité, la fréquence ou les taux de problèmes associés aux vaccins. Les données du VAERS ne représentent pas toutes les informations connues sur la sécurité d'un vaccin et doivent être interprétées dans le contexte d'autres informations scientifiques".
Le chiffre de 1.193 rapports envoyés au dossier VAERS mis en avant dans les publications virales ne signifie donc pas que 1.193 Américaines ont perdu leur bébé à cause de la vaccination anti-Covid, ou que ces injections pourraient induire un risque pour le fœtus.
Les autorités sanitaires américaines et françaises recommandent la vaccination
A l'inverse, les CDC conseillent aux femmes enceintes, public particulièrement à risque de développer une forme grave de la maladie, de se faire vacciner contre le Covid-19. "La vaccination contre le Covid-19 est recommandée aux personnes qui sont enceintes, qui allaitent, qui essaient de tomber enceintes ou qui pourraient l'être à l'avenir", indiquent les CDC sur leur site.
Si les données sur la vaccination contre le Covid-19 ont longtemps manqué pour les femmes enceintes, exclues des essais cliniques qui ont permis la mise sur le marché des vaccins de Pfizer et Moderna, plusieurs études ont depuis été menées et "les preuves de la sécurité et de l'efficacité de la vaccination contre le Covid pendant la grossesse sont de plus en plus nombreuses", note l'agence.
Une étude réalisée en Israël, qui a fait l'objet d'une publication dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) le 12 juillet 2021, s'est concentrée sur 15.060 femmes enceintes, dont la moitié a été vaccinée pendant la grossesse avec le vaccin de Pfizer-BioNTech. Les conclusions de l'étude font état d'un risque plus faible d'infection au SARS-CoV-2 chez les femmes vaccinées, sans noter d'effets secondaires sévères du vaccin lors de l'étude.
Dans une étude américaine parue le 21 avril dans le New England Journal of Medicine (NEJM), ce sont les données provenant des CDC concernant 35.000 femmes enceintes vaccinées avec les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna qui ont été analysées. "Les résultats préliminaires ne montrent pas de signaux d'alarme manifestes parmi les personnes enceintes ayant reçu des vaccins anti-Covid à ARN messager", concluent les auteurs de la publication.
Une nouvelle étude relue par les pairs et publiée le 20 octobre 2021 dans le New England Journal of Medicine portant sur des femmes enceintes en Norvège a quant à elle montré que 13.956 femmes ont pu mener leur grossesse à terme, contre 4.521 femmes qui ont fait une fausse couche. Or, les deux groupes (fausse couche et pas de fausse couche), contenaient une proportion identique de femmes vaccinées contre le Covid-19. "Ces résultats sont rassurants pour les femmes qui ont été vaccinées au début de leur grossesse et ils s'ajoutent aux données de plus en plus nombreuses qui démontrent la sûreté des vaccins contre le Covid-19 durant la grossesse", conclut dans un communiqué l'une des auteurs de l'étude, le Dr Deshayne Fel.
Des risques à contracter le Covid lors d'une grossesse
"Ces données suggèrent que les avantages de la vaccination l'emportent sur les risques connus ou potentiels de la vaccination pendant la grossesse" concluent les CDC.
L'Inserm va dans le même sens, indiquant que "les données concernant les bénéfices et les risques de la vaccination pour les femmes enceintes et leur enfant à naître sont donc rassurantes à ce jour. L’OMS, ainsi que les sociétés savantes d’obstétrique et de gynécologie estiment que les bénéfices dépassent les risques potentiels."
Le Dr Océane Sorel, spécialiste en virologie et en immunologie et membre de la "Team Halo" des Nations Unies, qui regroupe des scientifiques engagés dans la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux, rappelle sur son compte Instagram que " les études ont montré que les femmes enceintes étaient plus à risque de développer une forme sévère de Covid et d'être hospitalisées que les femmes non-enceintes du même âge".
"De plus, les études montrent que les femmes enceintes qui contractent l[e] Covid sont plus à risque de développer des complications obstétricales durant leur grossesse associées à un risque de pré-éclampsie, de mortalité maternelle et d’accouchement prématuré", met-elle en garde.
Capture d'écran prise sur le compte Instagram de TheFrenchVirologist le 17/11/2021
En France, la vaccination est recommandée pour les femmes enceintes dès le deuxième trimestre, en particulier si elles présentent une pathologie, précise l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur son site. Il n'existe pas de "contre-indication" à partir du premier trimestre de grossesse précise également la Direction Générale de la Santé (DGS) .
L'utilisation d'injections à ARN messager de Moderna et Pfizer est recommandée.
"Les études n'ont pas montré, à ce jour, de conséquences des vaccins à ARNm sur le déroulement de la grossesse", indique l'ANSM, qui évalue régulièrement les résultats des centres régionaux de pharmacovigilance de Lyon et Toulouse sur les effets indésirables des vaccins chez les femmes enceintes et allaitantes.
Le dernier rapport de ces centres concernant la période du 12 décembre 2020 au 7 octobre 2021, conclut que "les données de la littérature et du suivi de pharmacovigilance ne mettent pas en évidence, à ce jour, un risque de la vaccination contre la Covid‐19 chez la femme enceinte et allaitante".
Capture d'écran prise le 17/11/2021
Le document note certains signalements à surveiller, dont les liens avec la vaccination, ne sont pas à ce jour établis. Parmi eux, "les fausses couches spontanées représentent la majorité" des effets rapportés. Cependant, le rapport précise qu'il s'agit d'un "événement relativement fréquent en population générale, de 12 à 20% selon les études. Un risque lié à la vaccination ne peut être conclu, d’autant que des facteurs de risques étaient associés dans 30% des cas". Parmi ces facteurs de risques figurent l'âge des femmes enceintes, ou l'obésité.
Selon un rapport du Lancet, publié en avril 2021, 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit environ 15% du total des grossesses.
"Il n'y a pas de signal retenu à ce jour avec la vaccination chez les femmes enceintes mais certains effets indésirables tels que les effets thromboemboliques, les morts in utero, les HELLP syndromes et les cas de contractions utérines et de métrorragies sont à surveiller", conclut le rapport.
En France, 101 millions de doses de vaccins contre le Covid ont été administrées, et 50 millions de Français, soit 74% de la population, est vaccinée. A l'échelle mondiale, ce sont au moins 7,5 milliards de doses de vaccins qui ont été administrées dans 219 pays ou territoires, selon un comptage réalisé par l'AFP à partir de sources officielles.
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