Climat : 85% des mesures de la convention citoyenne reprises, selon Olivier Véran ? Un chiffre surévalué


Climat : 85% des mesures de la convention citoyenne reprises, selon Olivier Véran ? Un chiffre surévalué

Publié le mardi 20 septembre 2022 à 11:26

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(AFP)

Auteur(s)

Nathan GALLO, AFP France

85% des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont-elles été "retenues et appliquées", comme l'a affirmé Olivier Véran sur France Inter le 12 septembre ? Depuis, ce chiffre a beaucoup fait réagir, notamment du côté des mouvements écologistes qui ont dénoncé un "mensonge" de la part du porte-parole du gouvernement et ministre délégué chargé du Renouveau démocratique. Contacté par l'AFP le 12 septembre, son cabinet a indiqué que seules 67% des mesures ont pour le moment été "totalement ou partiellement" appliquées et non 85%. Mais ces 67% sont à prendre avec précaution, car plusieurs propositions n'ont été en réalité que très partiellement reprises selon plusieurs associations environnementales et d'anciens participants à la Convention citoyenne pour le climat.

La convention citoyenne pour le Climat, succès démocratique ? C'est ce qu'a souligné le ministre délégué chargé du Renouveau démocratique Olivier Véran, dans la matinale de France Inter le 12 septembre.

Interrogé sur l'utilité des consultations mises en place par l'exécutif, l'ancien ministre de la Santé a tenté de mettre en avant les résultats concrets issus de cette assemblée de 150 citoyens français, mise en place en octobre 2019 par le gouvernement, et qui avait proposé 149 mesures contre le réchauffement climatique en 2020. Sur ces 149, "85% des propositions ont été retenues et appliquées", a ainsi déclaré Olivier Véran. 

Un chiffre qui a beaucoup fait réagir du côté des associations de défense de l'environnement et de certains députés de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale), qui ont dénoncé un chiffre très surévalué et regretté que beaucoup moins de mesures ont été appliquées.

"Olivier Véran sait que c'est faux mais se dit sans doute que de nombreuses personnes n'iront pas vérifier", a critiqué le militant écologiste et ancien garant de la Convention citoyenne pour le climat Cyril Dion.

"Il ment", a surenchéri la députée France Insoumise Clémence Guetté dans un tweet. "C'est à peine 10% qui ont été reprises en respectant leur ambition initiale".

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67% des mesures reprises "totalement ou partiellement" selon le ministère de la Transition écologique

Deux ans et demi après qu'Emmanuel Macron a promis d'appliquer l'ensemble de ces mesures "sans filtre", qu'en est-il réellement ?

Le chiffre de 85% est dans les faits surévalué. Contacté par l'AFP le 12 septembre, le porte-parolat du gouvernement a reconnu cette erreur à demi-mot en indiquant que 67% des propositions de la convention citoyenne (soit 100 mesures sur 149) avaient été pour le moment "mises en oeuvre totalement ou partiellement". 

Le cabinet rapporte par ailleurs que 46 autres propositions, soit 30% sont "en cours de mise en œuvre". 

Les trois restantes - limitation de la vitesse à 110km/h, taxe de 4% sur les dividendes des entreprises et réécriture du préambule de la Constitution - avaient été évacuées d'emblée par Emmanuel Macron en 2020.

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Ces chiffres issus du site de suivi de la Convention citoyenne pour le climat tenu par le ministère de la Transition écologique sont toutefois eux aussi critiqués par de nombreuses associations environnementales et par d'anciens participants à la Convention.

A l'instar de Clémence Guetté, beaucoup estiment que seules un peu plus de 10% des demandes ont été complètement appliquées, en s'appuyant sur un calcul du Monde de février 2021. 

Sensibilisation à l'urgence climatique, suppression des avantages fiscaux sur le gazole ou encore soutien de la recherche sur les biocarburants pour les avions : à la suite de la présentation du projet de loi Climat et Résilience, texte censé transposer une grande partie des propositions de la Convention dans la loi, le journal avait estimé que seules dix-huit propositions avaient été reprises dans leur intégralité, tandis que 78 mesures n'avaient été que partiellement reprises depuis la publication des mesures.

"Ils n'ont retenu dans l'intégralité de leur formulation seulement les mesures les plus anecdotiques", regrette Clément Sénéchal, chargé de campagne climat de Greenpeace France à l'AFP le 13 septembre. Ce dernier critique par ailleurs le fait que le "slogan" de plusieurs mesures aient été "repris, mais pas le contenu ni la substance".

"D'un côté, il y a les mesures reprises telles quelles, indique de son côté Benoit Leguet, directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), et expert qui a accompagné la Convention citoyenne. "A l'autre bout du spectre, il y a les mesures pas du tout traitées. Et au milieu existe une énorme zone grise." 

D'où la difficulté à quantifier précisément l'application totale de ces mesures.

Plusieurs reprises très partielles des propositions

Différences de calendrier, périmètres d'application plus restreints ou seuils d'application moins importants : plusieurs textes de loi ont ainsi adopté seulement en partie les principes de la Convention citoyenne. Si le site de suivi de la Convention ne précise pas quelles mesures n'ont pas été complètement adoptées, des différences parfois importantes existent entre les propositions et leur application, comme a pu l'observer l'AFP.

Secteur de la publicité, rénovation des bâtiments, redevance sur les engrais azotés, régulation du secteur aérien, artificialisation des sols : dans tous ces secteurs, les applications de demandes n'ont souvent été que partielles.

Dans le secteur de la publicité, la convention souhaitait notamment interdire la publicité des produits "les plus émetteurs" de gaz à effet de serre. Mais comme l'explique le site de suivi du gouvernement, la loi Climat et Résilience n'a interdit que la publicité sur les énergies fossiles, soit un périmètre bien plus restreint alors que la convention citoyenne visait par exemple les publicités pour certaines voitures. D'où un regret que "le détail et l'esprit de ce qui était proposé n'ait pas été repris", comme l'a expliqué Mathilde Imer,ancienne membre du comité de gouvernance de la Convention.

"Les 150 (participants) avaient demandé une réglementation des produits polluants et nocifs pour la santé et l'environnement. Et la loi ne mentionne qu'une interdiction pour les pubs contre les énergies fossiles, ce qui n'existe pas ou quasiment pas - on ne fait pas de la pub pour le pétrole",explique-t-elle. "Les 150 voulaient qu'il n'y ait plus de pubs par exemple pour les SUV [Sport utility vehicle] qui polluent un maximum".  

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Autre exemple emblématique : la demande d'arrêt des vols intérieurs de moins de 4h d'ici 2025 en cas d'alternative satisfaisante "en prix et en temps". La loi Climat et Résilience a limité cette demande aux trajets de moins de 2h30. 

Les propositions sur la rénovation des bâtiments n'ont aussi pas été reprises complètement. Tandis que les 150 citoyens avaient insisté sur la notion d'obligation de rénovations globales des passoires thermiques dès 2030 pour les propriétaires, la législation n'est pas allée aussi loin, en interdisant seulement la mise en location de l'ensemble des passoires énergétiques pour 2034.

Avec la crise énergétique actuelle, une des propositions de la Convention concernant "l'interdiction des écrans de vidéo publicitaires dans l'espace public, les transports en commun et dans les points de vente" était aussi revenue sur la table. Mais le 22 août, le gouvernement n'a finalement annoncé qu'un décret pour unifier les règles d'interdiction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin. 

Une grande partie des mesures de la loi Climat et Résilience encore non appliquées

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D'où un sentiment de mécontentement de la part des citoyens de la Convention. Fin février 2021, après avoir pris connaissance du projet de loi Climat et Résilience qui devait apporter une réponse concrète pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre en France, ils avaient sévèrement critiqué l'action gouvernementale sur le climat et estimé que la prise en compte des questions environnementales n'était pas suffisante : appelée à évaluer son action, l'Assemblée lui avait ainsi infligé la note de 3,3/10.

Par ailleurs, cette loi tarde à être encore complètement appliquée, comme le décrivait le rapport annuel d'information sénatorial sur l'application des lois, publié le 31 mars 2022. 

Le document pointait notamment la "très faible application" de cette loi, avec seulement "14 mesures prises sur les 142 attendues" au 31 mars, soit "le taux le plus faible" des lois votées en 2021 (10%). Un retard dont le "gouvernement a conscience", et qui a commencé à être rattrapé en mai dernier. Au 19 mai, ce taux est tout de même passé à 42% selon le gouvernement cité dans le rapport. 

Réduire les émissions, un des défis du quinquennat

La Convention citoyenne pour le Climat avait pour mandat de définir une "série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990)", soit l'objectif que doit respecter la France dans le cadre du respect de l'Accord de Paris. 

En juillet 2022, le Conseil d'Etat a une nouvelle fois sommé l'Etat "d'agir davantage (...) pour respecter ses engagements contre le réchauffement climatique". "Je veux aller deux fois plus vite dans le quinquennat qui vient", avait de son côté assuré Emmanuel Macron.

06259571461c3bea4c6ae8b52c155b5c23e063ac-ipad.jpgLe président français Emmanuel Macron s'adressant aux 150 membres de la Convention citoyenne pour le Climat au Palais de l'Elysée le 29 juin 2020 à Paris.(POOL / CHRISTIAN HARTMANN)

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