Des billets de 20 € qui en valent 10 fois plus ? Ces articles sont trompeurs


Des billets de 20 € qui en valent 10 fois plus ? Ces articles sont trompeurs

Publié le jeudi 9 mars 2023 à 15:41

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(AFP)

Auteur(s)

Claire-Line NASS, AFP France

Alors que de nombreux Français sont préoccupés par l'inflation et l'augmentation des prix de biens consommés au quotidien, des articles diffusés sur les réseaux sociaux prétendent que des billets de 20 euros en circulation et même "très répandus" pourraient, en réalité, en valoir dix fois plus. C'est trompeur : il s'agit d'une confusion avec la valeur que certains billets, rares ou atypiques - et donc par définition peu communs -, peuvent prendre pour des collectionneurs, et la valeur faciale, toujours identique, qu'ils ont lorsqu'ils sont utilisés pour des achats courants, ont expliqué la Banque de France, la Banque centrale européenne ainsi que le représentant d'une association de collectionneurs à l'AFP.

"Ce billet de 20 euros très répandu en vaut 200 euros, il serait bon de vérifier", prétend le titre d'un article du site "Santé + mag" - dont des publications ont déjà fait l'objet d'articles de vérification de l'AFP par le passé, comme ici ou là - publié le 26 janvier et partagé plus d'un millier de fois sur Facebook depuis, selon l'outil d'analyse de l'audience sur les réseaux sociaux Crowdtangle.

"Si vous avez encore le réflexe de régler en monnaie 'sonnante et trébuchante', sachez-le, vous pouvez tomber sur un billet de 20 euros qui peut valoir un jolie pécule ! Pour certains collectionneurs, ces billets peuvent se négocier 10 fois leur prix. Voici comment et pourquoi vous pouvez toucher le gros lot rien qu'en surveillant votre portemonnaie de près", ajoute l'article dans son introduction.

Le même texte a également été diffusé sur d'autres sites et blogs (1, 2, 3, 4).

70720a4ed9020b88ad2e557e201c27320d200944-ipad.jpgCapture d'écran du site de Santé+ Mag, prise le 08/03/2023

Ces publications sont néanmoins trompeuses. S'il existe des billets acquis par des collectionneurs à des prix largement plus élevés que la valeur qui y est inscrite, il s'agit d'un nombre très restreint de billets, alors considérés comme des pièces de collection et qui sont par définition rares. Cela ne signifie pas que ces billets pourraient être utilisés pour payer un montant plus élevé que la valeur qui y est indiquée. 

Toujours la même valeur faciale

Au sein des pays de la "zone euro", composée depuis le 1er janvier 2023 de 20 pays, la monnaie utilisée est l'euro, et y circulent donc des pièces et billets dans cette devise.

C'est la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que les banques centrales des pays de cette zone qui émettent les billets en euro, comme indiqué sur le site de la BCE.

"La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales ont la responsabilité fondamentale, avec le secteur bancaire, d'assurer l'approvisionnement régulier en espèces et de faciliter l'utilisation des espèces pour les paiements des particuliers et des entreprises. Précisément, les banques centrales nationales de la zone euro émettent et retirent les billets de banque physiques en euros (ainsi que les pièces), à leur valeur faciale", c'est-à-dire la valeur inscrite sur les billets, précise la BCE auprès de l'AFP le 7 mars 2023.

"Par exemple, un billet de 20 euros est émis pour 20 euros", illustre l'institution.

b5070712e9d3f9807265420e16f4fd948a0cb8ed-ipad.jpgCartes du marché unique européen, de l'espace Schengen et de la zone euro (AFP / AUDE GENET, SOPHIE RAMIS)

Il existe des billets de 5, 10, 20, 50, 100, 200 et 500 euros (ce dernier n'est plus émis en 2023, mais certains billets de 500 euros peuvent toujours circuler), identiques dans toutes la zone euro, et "qui ont chacun des dimensions différentes et une couleur dominante qui leur est propre", comme expliqué sur le site de la Banque de France.

Depuis le 1er janvier 2002, date à laquelle l'euro est entré en circulation, et jusqu'au 1er février 2023, 29.054.705.519 billets ont été émis dans la zone euro au total, selon le site de la BCE.

"Pour les paiements et la réserve de valeur, tous les billets en euros valent toujours leur valeur faciale respective", détaille la BCE auprès de l'AFP. En d'autres termes, il serait par exemple impossible de vouloir utiliser un billet de 20 euros pour payer ses courses de 50 euros. 

"La valeur d'un billet est 'fixe', garantie par l'euro-système", confirme Christophe Baud-Berthier, directeur des activités fiduciaires de la Banque de France, le 7 mars à l'AFP. Ainsi, "un billet ne vaut ni moins ni plus que la valeur qui y est indiquée. On ne peut pas espérer qu'un billet de 20 euros puisse valoir plus de 20 euros".

Il souligne néanmoins que "si on veut comparer dans le temps, pour les billets comme pour le reste, on tient compte de l'inflation et on compare non pas en euros courants mais en euros constants (en corrigeant en fonction de l'inflation, NDLR). En ce sens, on peut dire que la valeur relative a évolué dans le temps".

Mais cela ne signifie pas que la valeur du billet inscrite sur ce dernier change. "Aujourd'hui, un billet que vous retirez dans un distributeur automatique de billets, si c'est un billet de cinq euros, il vaut cinq euros; si c'est un billet de dix euros il vaut dix euros, etc.", résume Christophe Baud-Berthier.

8b89b56e38e5e2f115f7b7ef8cb711698a208740-ipad.jpgDes billets de 5, 10, 20 et 50 euros, le 15 décembre 2011 à Lille, en France (AFP /  PHILIPPE HUGUEN)

La valeur d'un billet peut cependant être plus élevée que sa valeur faciale dans certains cas précis, si le billet n'est pas considéré comme un moyen de paiement mais comme un objet de collection, et qu'il peut donc être acheté à un prix pouvant dépasser la valeur inscrite sur le billet. 

Néanmoins, par définition, les billets considérés comme intéressants pour les collectionneurs le sont pour leur originalité et leur rareté. Ils ne sont donc pas "très répandus" comme le prétendent les articles viraux.

Des billets rares qui ont de la valeur auprès de collectionneurs

Les collectionneurs s'intéressent à plusieurs caractéristiques qui peuvent rendre ces derniers particuliers, explique le 8 mars 2023 à l'AFP le directeur de la communication de l'association numismatique spécialisée Les Amis de l'Euro. Parmi ces dernières, se trouvent par exemple les codes figurant sur les billets : des lettres et des chiffres, qui déterminent notamment la série du billet, le pays où il a été imprimé ou encore sa position sur la planche d'impression.

Une suite de numéros identiques pourra par exemple être considérée comme plus intéressante. "A partir de six mêmes numéros sur neuf, le billet peut commencer à prendre de la valeur", détaille le représentant de l'association numismatique. 

"Un 'billet radar', où le numéro se lit comme un palindrome (de la même façon dans les deux sens) peut aussi être intéressant", ajoute-t-il, soulignant que ces combinaisons sont rares, et ne concernent que très peu de billets par rapport au nombre total émis dans toute l'Europe.

Depuis la mise en circulation de l'euro, deux séries de billets ont existé : la première qui a été imprimée de 2002 à 2012, et la deuxième qui l'est depuis. Tous les billets présentent aussi la signature du directeur ou de la directrice de la BCE au moment de leur impression. Avec le temps, certaines de ces caractéristiques deviennent ainsi plus rares, et donc plus chères aux yeux des collectionneurs. 

Christophe Baud-Berthier de la Banque de France souligne néanmoins que comparativement à d'autres monnaies plus anciennes, "l'euro n'a 'que' vingt ans, il y a donc relativement peu de valorisation des billets".

D'autres billets présentant des défauts d'impression les rendant atypiques peuvent aussi devenir intéressants, selon le de directeur des Amis de l'Euro, qui souligne cependant que "trouver des pièces ou des billets rares par hasard, c'est quasiment impossible".

418c98e1bf79bbd7233c8448c1b015e53edbdf18-ipad.jpgUn ouvrier tient les nouveaux billets de 200 euros pendant la procédure d'impression, dans l'usine de haute sécurité de la Banca d'Italia, la banque centrale nationale italienne, à Rome, le 20 mai 2019 (AFP / VINCENZO PINTO)

"Mis à part certaines exceptions près, un billet n'est considéré comme un billet de collection que s'il est neuf. Mais c'est très difficile d'avoir un billet neuf", explique le spécialiste à l'AFP.  Ainsi, une très grande majorité des billets déjà utilisés, comme la plupart de ceux qui circulent, ne pourraient ainsi pas gagner de valeur aux yeux des collectionneurs. C'est pourquoi "99,9% des billets n'ont que leur valeur faciale, même en collection", selon lui. 

En réalité, "la plus value sur un billet n'existe que si vous trouvez de la valeur pour un collectionneur", souligne-t-il. Il revient en effet aux acheteurs et aux vendeurs de ces billets de collection de fixer les prix des billets.

"La BCE n'émet ni ne vend de billets en euros au-dessus de leur valeur faciale et n'a aucune responsabilité en ce qui concerne la vente de billets en euros à des collectionneurs privés", explique l'institution.

Sur le site spécialisé "Enotesprice", on peut ainsi trouver les cotes, ou prix proposés par et pour des collectionneurs, pour des billets en euros. Certains sont estimés à partir de valeurs très proches de leurs valeur faciale : on retrouve des billets de 20 euros proposés à 25 ou 30 euros par exemple. Mais on retrouve aussi des billets de 20 euros estimés à plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'euros. 

Et même si un collectionneur acquiert un billet de 20 euros particulier pour 500 euros, ce billet aura toujours une valeur faciale de 20 euros dans le cas où une personne voudrait l'utiliser pour payer ses courses, soulignent tous les spécialistes interrogés par l'AFP.

Des rumeurs au sujet de l'utilisation de la monnaie circulent régulièrement sur les réseaux sociaux. L'AFP en a déjà vérifié plusieurs, dont des assertions trompeuses prétendant que la directrice de la BCE aurait annoncé la fin de l'argent liquide, des articles assurant de façon erronée qu'une banque allemande aurait "mis fin au cash", ou encore des publications prétendant à tort que des taxes sur les paiements par carte bancaire feraient "disparaître" l'argent après de nombreuses transactions.

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