Moins d’élus FN sous le quinquennat d’Emmanuel Macron que sous François Hollande ? Les limites de la démonstration de Gabriel Attal


Moins d’élus FN sous le quinquennat d’Emmanuel Macron que sous François Hollande ? Les limites de la démonstration de Gabriel Attal

Publié le lundi 17 janvier 2022 à 18:05

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Baptiste PACE, AFP France

Le Rassemblement national a eu "moins d'élus à toutes les élections intermédiaires" durant le quinquennat d'Emmanuel Macron "par rapport aux mêmes élections sous François Hollande", a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal le 9 janvier. Si le parti de Marine Le Pen a subi des revers aux municipales, régionales et départementales, il a cependant gagné plus d'un demi-millions d'électeurs lors des élections européennes de 2019. Le RN a également conquis la ville de Perpignan en 2020. Et jamais l'extrême-droite n'a été mesurée à un tel étiage dans les sondages à moins de cent jours de la présidentielle.

Le nombre d'élus du Rassemblement national (RN, ex-FN) a-t-il diminué sous le quinquennat d'Emmanuel Macron ? C'est la démonstration soutenue par Gabriel Attal dimanche 9 janvier sur BFMTV.

Au journaliste qui l'interrogeait sur la part de responsabilité de l'exécutif dans le fait que Marine Le Pen et Eric Zemmour cumulaient environ 30% d'intentions de vote dans les sondages à trois mois du scrutin, le porte-parole du gouvernement a livré la réponse suivante:

"On a vu dans ce quinquennat d'Emmanuel Macron que le Front national a eu moins d'élus à toutes les élections intermédiaires par rapport aux mêmes élections sous François Hollande. Ils ont eu moins de députés européens sous Emmanuel Macron que sous François Hollande. Ils ont eu moins de maires sous Emmanuel Macron que sous François Hollande, (...) moins de conseillers départementaux, de conseillers régionaux (...). A la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, il y a quand même 30% d'élus FN en moins en France qu'à la fin de celui de François Hollande", a déclaré M. Attal.

"Donc le combat contre l'extrême-droite, on l'a mené, on va continuer à le mener. Aujourd'hui, vous avez des sondages, l'élection elle est dans trois-mois", a-t-il ajouté.

Joint par l'AFP, le cabinet du secrétaire d'Etat fournit les chiffres à l'appui de cette démonstration. Pour les municipales, de 2014 à 2020, le FN devenu RN est passé de 1.498 à 827 élus, soit une baisse de 44,7%. Pour les régionales, de 2015 à 2020, le nombre d'élus du parti d'extrême-droite est passé de 358 à 252, soit une baisse de 29,6%. Et pour les départementales, le RN est passé de 62 à 36 élus, soit une baisse de 58%.

La moyenne calculée sur la base de ces trois scrutins donne une évolution à la baisse de 36,7%, confirmant la déclaration de Gabriel Attal.

Sollicité par l'AFP, le ministère de l'Intérieur qui publie sur son site les résultats des différentes élections, n'avait pas donné suite dans l'immédiat.

Interrogé par l'AFP, l'historien spécialiste de l'extrême-droite Nicolas Lebourg confirme auprès de l'AFP ces chiffres et ces ordres de grandeur.

Mais si le nombre d'élus RN a effectivement reculé d'un quinquennat à l'autre, la réalité politique est plus complexe. "Premier élément de contexte: lorsqu'Emmanuel Macron est élu, après un débat catastrophique Marine Le Pen réalise au second tour un score qui est de 33%, nettement supérieur à son score de la présidentielle précédente", explique à l'AFP le politologue Jean-Yves Camus.

"Aujourd'hui, les projections de second tour, si elle y était présente, la mettent à un score qui est encore une dizaine de points au dessus de son score de 2017. 43% contre 33%. Donc on ne peut pas parler d'effondrement de Marine Le Pen", poursuit M. Camus.

Les intentions de vote ne constituent pas une prévision du résultat du scrutin. Mais en ajoutant les intentions recueillies par Marine Le Pen et par Eric Zemmour, "à trois mois du scrutin, ce score n'a jamais été aussi élevé", relève François Kraus, directeur du pôle Politique-Actualités de l'Ifop.

"Le lepénisme est en baisse, mais le national-populisme est en hausse". Et "si on rajoute (Nicolas) Dupont-Aignan (allié de Mme Le Pen entre les deux tours en 2017, NDLR), (Florian) Philippot et (François) Asselineau, on arrive à un niveau complètement inédit", insiste M. Kraus.

Par ailleurs, dans sa démonstration, le porte-parole du gouvernement n'évoque pas le Parlement français, en particulier l'Assemblée nationale. Les élections législatives se sont tenues les 11 et 18 juin 2017, quelques semaines après l'accession d'Emmanuel Macron à l'Elysée.

Or si, sous la présidence de François Hollande, le FN comptait trois députés ou apparentés, celui-ci nettement augmenté son contingent au Palais-Bourbon, avec sept députés dans l'actuelle Assemblée.

Passées ces législatives, le premier scrutin intermédiaire du quinquennat Macron s'est tenu en mai 2019: les élections européennes. Et comme lors du cru 2014, le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête.

Si le parti d'extrême-droite a effectivement perdu un siège à Strasbourg, il n'en a pas moins récolté 5.286.939 voix. Soit près de 575.000 voix de plus qu'en 2014 (4.712.461 voix).

Rôle de l'abstention

Après ce premier scrutin intermédiaire, le RN a effectivement connu de sérieux revers lors des élections municipales de 2020, puis lors des régionales et départementales de 2021. Mais les causes en sont multiples.

"Pour accepter la démonstration de Gabriel Attal, il faut accepter aussi que les élections intermédiaires, en tout cas les régionales, municipales et départementales, aient été, entre guillemets, sincères et véritables. Or le contexte Covid me fait douter que cela représente vraiment l'étiage du RN. Parce que --et ça, Marine Le Pen l'a reconnu-- l'électorat du RN a été très touché par l'abstention dans ces élections intermédiaires", développe Jean-Yves Camus.

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"Nos électeurs ne se sont pas déplacés. Je les appelle au sursaut", avait déclaré Marine Le Pen le 20 juin 2021, au soir du premier tour des régionales.

Si le RN a une nouvelle fois échoué à conquérir une région, il a cependant conservé huit des dix villes conquises en 2014 et a ajouté quelques mairies dans son escarcelle. Et il a surtout atteint à nouveau un cap symbolique avec la conquête de Perpignan, une ville de plus de 100.000 habitants, une première depuis 1995.

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