Mortalité : la France "sortie" de la plateforme Euromomo ? Un problème de données temporaire


Mortalité : la France "sortie" de la plateforme Euromomo ? Un problème de données temporaire

Publié le mercredi 21 décembre 2022 à 13:58

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(AFP)

Auteur(s)

Nathan GALLO, AFP France

Non, la France n'a pas coupé l'accès à ses données sur la mortalité. Pourtant, plusieurs posts partagés plusieurs centaines de fois sur Twitter depuis mi-décembre affirment que le gouvernement aurait "décidé de ne plus envoyer les données françaises" au site de statistiques Euromomo (pour "European mortality monitoring"), qui évalue la surmortalité à l'échelle européenne. Ces déclarations se fondent sur la disparition de l'ensemble des statistiques françaises du site depuis le 15 décembre. Mais ce problème, régulier pour de nombreux pays, est temporaire : Santé Publique France comme la plateforme ont indiqué à l'AFP que ce vide était dû à un "problème technique pour l'intégration des données". Ces données devraient réapparaître dès la fin de semaine.

La France cherche-t-elle à cacher ses statistiques sur la surmortalité ? Depuis la mi-décembre, plusieurs posts apparus dès le 16 décembre sur Telegram et Twitter ont affirmé que la France était "sortie" de la plateforme de veille sur la surmortalité en Europe, intitulée Euromomo (pour European mortality monitoring project). 

Toutes ces déclarations dénoncent l'absence récente de données pour la France sur le site d'Euromomo, qui n'affiche plus aucune statistique concernant l'hexagone depuis le 15 décembre.

Pour beaucoup de comptes hostiles aux vaccins, ce retrait soudain serait la preuve que la France cherche à masquer une surmortalité trop forte, liée en grande partie à la campagne de vaccination mise en place en Europe et en France depuis 2021.  

"J'avais toujours dit qu'il y a une chose qu'ils ne pourraient cacher à propos des Vax, c'est la surmortalité", déclare Silvano Trotta, l'une des figures de la sphère complotiste française sur la pandémie de Covid-19. "On surveillait cela sur le site Euromomo. La France est sortie de Euromomo ainsi que l'Allemagne", souligne-t-il dans un tweet partagé près de 900 fois depuis le 17 décembre.

"Que le gouvernement Macron décide aujourd'hui de ne plus envoyer les données françaises au site de statistique européenne de surmortalité Euromomo peut légitimement être perçu comme un aveu de culpabilité", appuie aussi sur Twitter Philippe Murer, ancien conseiller économique de Marine Le Pen en 2014.

Un "problème technique" du côté de l'Insee

Qu'en est-il réellement ? Depuis le 15 décembre, la plateforme Euromomo, l'indicateur européen qui compile et compare les chiffres officiels de la mortalité de 29 pays européens depuis le début des années 2010, ne donne en effet plus de données de surmortalité sur son site pour la France mais aussi l'Allemagne et la Norvège .

Mais cette absence de remontée des données est très temporaire, comme l'ont confirmé Euromomo et Santé Publique France à l'AFP.

"A cause de problèmes techniques, la France n'a pas été en mesure de nous livrer ses données la semaine dernière", explique Euromomo à l'AFP le 20 décembre. "Ils ont indiqué que ce problème avait été résolu, et qu'ils pourront de nouveau partager leurs données cette semaine", précise la plateforme. 

Dans son bulletin hebdomadaire du 15 décembre, Euromomo indiquait que ces trois pays, en plus de l'Ukraine qui a cessé de donner ces données depuis l'invasion russe, "n'ont pas contribué aux données" de la semaine.

e8f173e37544b9d0960f46a062cd45936c9ae003-ipad.jpgCarte de la semaine 49 montrant la France avec "No Data" (Aucune donnée).

"Pour des raisons techniques, maintenant résolues, cette transmission avait été suspendue depuis le 10 décembre 2022", indique de son côté Santé Publique France, l'Agence nationale de santé publique française et principale interlocutrice d'Euromomo,  à l'AFP le 20 décembre.

Comme le précise le point hebdomadaire sur la "Surveillance sanitaire de la mortalité" publié par l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), l'Inserm et Santé Publique France du 13 décembre, un "problème technique pour l'intégration des données" issues "des bureaux d'état-civil" est à l'origine de l'absence de données. 

En plus de récolter des données au sein des services d'hôpitaux, les autorités en charge de la surveillance de la mortalité au sein de Santé Publique France s'appuient en effet sur les données de mortalité de l'Etat-civil, transmises par l'Insee. 

Une erreur corrigée dès cette semaine : "le bulletin de cette semaine pourra être produit et les données transmises à Euromomo pour contribuer à la surveillance de la mortalité à l’échelle de l’Europe", précise Santé Publique France à l'AFP. 

Un incident courant

Mais comment expliquer la disparition complète des données françaises sur le site ? Euromomo a expliqué à l'AFP que cette absence était liée à la manière dont fonctionnait le site. "L'ensemble des données (celles de la semaine et celles plus anciennes) pour un pays n'apparaissent pas en ligne s'il ne fournit pas de données pour la semaine d'analyse en cours", précise la plateforme gérée par le Statens Serum Institut au Danemark.  

Ce type d'incident est courant sur la plateforme. En vérifiant dans les archives, de nombreux pays ont déjà eu des problèmes similaires dans la remontée de chiffres à Euromomo, ce qui s'est aussi traduit par le même manque de données. Début décembre, le Luxembourg n'avait par exemple pas été en mesure de fournir ses chiffres, provoquant une absence de données pour le pays (ci-dessous à gauche). Même chose pour l'Espagne début octobre, comme le montre la carte ci-dessous à droite.

aa59eb80de5d95248c9099f052fde2feb130be1f-ipad.jpgDébut décembre, les données du Luxembourg n'étaient pas disponibles sur le site d'Euromomo, comme le montre cette archive du site. Cette semaine-là, la France ne présente pas de surmortalité ("No excess") (Capture d'écran sur Webarchive du 20/12/2022)

d283671e63746207eaae9087d8fdcc43d8c19ac7-ipad.jpgDébut octobre, les données pour l'Espagne n'étaient pas disponibles sur le site d'Euromomo, comme le montre cette archive du site. Cette semaine-là, la France ne présente pas de surmortalité ("No excess") (Capture d'écran sur Webarchive du 20/12/2022)

Ce type de problème n'a par ailleurs pas laissé de vide dans les données de ces deux pays, comme il est possible de l'observer sur le site d'Euromomo.

9fdbeec2a43d0a77630b9c3c648b1256d614756f-ipad.jpgLes données de l'Espagne et du Luxembourg sur le site d'Euromomo. Chaque pays possède des données pour chaque semaine de l'année, malgré des problèmes techniques (capture d'écran du 20/12/2022).

En avril 2021, Israël, parmi les premiers à lancer sa campagne de vaccination contre le Covid-19, avait aussi été accusée à tort de quitter la plateforme, pour des raisons similaires, notamment par le site France Soir. Les données sur le pays étaient revenues la semaine suivante.

Le z-score, une évaluation commune de la surmortalité dans chaque pays

Sur quelle méthode s'appuie Euromomo pour évaluer la surmortalité ? Après avoir récolté l'ensemble des données de chaque pays, le site utilise un indicateur statistique spécifique pour calculer la surmortalité de chaque pays, appelé z-score.

En bref, cet indicateur compare le taux de mortalité, à savoir le nombre de morts par rapport à la population, par rapport aux taux moyens des autres années et calcule leur écart. Un pays se trouve en situation de surmortalité lorsque le z-score est supérieur à 2. Plus le z-score est haut, plus la surmortalité est importante.

En France, des situations de surmortalité importantes ont ainsi été observées tout au long de la pandémie de Covid-19, comme le montre le graphe ci-dessous, obtenu en regardant dans les archives du site sur Webarchive à la date du 14 décembre, quand les données de mortalité sur la France étaient encore présentes.

7bd1cc31dcc8172e8b2aa98a64be777ed2397150-ipad.jpgLe z-score calculé pour la France depuis février 2020, selon le site Euromomo. (Capture d'écran réalisée à partir de Webarchive à la date du 14 décembre)

En France, une forte surmortalité observée durant l'été liée à la canicule et au Covid-19

Depuis 2021 et le début des campagnes de vaccination en Europe, les chiffres issus de la plateforme Euromomo ont souvent été mobilisés par plusieurs personnalités hostiles aux vaccins comme une preuve supposée des effets secondaires des vaccins anti-Covid, qui feraient drastiquement augmenter la surmortalité en France et en Europe.

En janvier 2022, l'avocat anti-vaccin Fabrice Di Vizio avait notamment déclaré dans l'émission Touche Pas à mon Poste sur C8 qu'il existait une "augmentation brutale de la mortalité" dans les pays les plus vaccinés. Des propos vérifiés par la section de fact-checking de TF1, les Vérificateurs. 

Cet été, de nombreuses publications se sont notamment interrogées sur les raisons de la hausse de la surmortalité en France.

Une hausse expliquée par l'agence nationale de santé, dans un bilan "Canicule et santé" publié le 22 novembre 2022. Pointant 10.420 décès en excès entre le 1er juin et le 15 septembre, Santé Publique France a expliqué cette surmortalité à la fois par une nouvelle vague de Covid, mais aussi par les très fortes chaleurs estivales. Les trois épisodes de canicule qui se sont déroulés cet été ont provoqué à eux seuls 2.816 décès enregistrés, soit le "plus important" bilan "depuis 2003".

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

  • URL de la déclaration : https://twitter.com/silvano_trotta/st...
  • Texte de la déclaration :

    J'avais toujours dit qu'il y a une chose qu'ils ne pourraient cacher à propos des Vax, c'est la surmortalité. On surveillait cela sur le site Euromomo. La France est sortie de Euromomo ainsi que l'Allemagne (sauf Berlin et la Hesse).

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