Non, cette vidéo d'un prêtre frappé dans une église ne s'est pas déroulée en France


Non, cette vidéo d'un prêtre frappé dans une église ne s'est pas déroulée en France

Publié le jeudi 23 février 2023 à 11:14

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(AFP)

Auteur(s)

Natalia SANGUINO, Nathan GALLO, AFP Factual

Fin 2020, un prêtre avait été frappé en pleine messe par un déséquilibré à Georgetown, capitale du Guyana, pays d'Amérique du Sud. Mais une vidéo de l'incident est partagée sur Twitter depuis le 20 février 2023, accompagnée de messages affirmant que l'agression s'est déroulée en France et que son auteur est un "migrant". L'évêque agressé, Francis Alleyne, avait confirmé à l'AFP dès 2020 que la scène s'était déroulée au Guyana. L'homme d'église avait expliqué que son agresseur était un "Guyanais souffrant de troubles mentaux".

"Un migrant frappe un prêtre, interrompt la messe et s’empare de la Bible", a écrit https://web.archive.org/web/20230222091842/https://twitter.com/GWGoldnadel/status/1627940880811458562l'avocat Gilles-William Goldnadel dans un tweet publié le 21 février et partagé plus de 2.500 fois.

Dans la séquence vidéo d'une dizaine de secondes qui accompagne ce texte, on observe un homme noir, torse nu, frapper sur la tête un prêtre, blanc, en pleine liturgie, puis partir avec un ouvrage présent sur l'autel. Hors champ, on entend alors des vociférations qui semblent provenir de l'assaillant.

Dans son tweet, l'avocat, par ailleurs chroniqueur au Figaro et sur CNews, ne précise pas le lieu de la vidéo. Mais son message reprend un tweet du blogueur conservateur britannique David Vance, qui affirme dans sa publication partagée plus de 10.000 fois que la scène s'est déroulée en "France". 

Ce dernier reprenait lui-même un autre tweet en anglais affirmant que la vidéo montrait un "réfugié noir" en France interrompant la messe et volant la "Sainte Bible".

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En réalité, cette scène ne s'est pas déroulée dans l'Hexagone. La vidéo a été tournée au Guyana, pays limitrophe du Venezuela, du Suriname et du Brésil, en novembre 2020. Par ailleurs, l'agresseur n'est pas un "migrant", mais un Guyanais, comme l'a confirmé le prêtre lui-même à l'AFP. 

Une heure après son premier tweet et après plusieurs critiques, Gilles-William Goldnadel lui-même a publié un second tewwet pour indiquer que la scène "ne se déroul[ait] pas en France", tout en ajoutant que "cela ne chang[eait] rien à son caractère insupportable". 

Des images enregistrées au Guyana

Dès novembre 2020, cette vidéo avait déjà été sortie de son contexte comme l'avait alors vérifié l'AFP. A l'époque, des internautes hispanophones prétendaient que la séquence montrait un migrant frappant un prêtre aux Îles Canaries. 

Grâce à une recherche inversée de la vidéo via le logiciel InVID-WeVerify, l'AFP avait pu retrouver la vidéo originelle et constaté que l'événement s'était déroulé dans la cathédrale de l'Immaculée Conception, lors de la messe du 7 novembre dans la capitale du Guyana, Georgetown. 

Ce jour-là, la page Facebook Catholic Media Guyana avait en effet diffusé la messe en direct. La vidéo, toujours disponible, montre sous un plus grand angle l'homme torse nu se diriger vers l'autel, avant d'agresser le prêtre,  à partir de la minute 23'30. 

59729735fb971289bd982ad796985f1248aade81-ipad.jpgCapture d'écran de la vidéo diffusée en direct par le compte Catholic Media Guyana (Capture du 22 février 2023)

Contacté par l'AFP en novembre 2020, le rédacteur et vidéaste pour Catholic Media Guyana, Romeo Abrams, avait confirmé la date et le lieu de l'événement. Il avait par ailleurs envoyé une copie de l'hebdomadaire du diocèse, Catholic Standard, où la scène avait été rapportée.

L'article racontait qu'un homme avait agressé le prêtre, Mgr Francis Alleyne, accompagné par le diacre Francis Savarimuthu (derrière lui sur les images). Selon l'article, l'agresseur, armé d'un couteau, avait jeté le couvercle du calice sur l'autel et volé une bague et un crucifix, avant de frapper l'évêque à la tête, et de lui prendre le missel, livre liturgique utilisé lors des messes.

Selon le Catholic Standard, des paroissiens avait toutefois affronté l'agresseur et réussi à récupérer le crucifix, la bague et le missel. Un autre média local avait aussi relaté l'événement le 8 novembre 2020 et indiqué que l'agresseur avait été arrêté. 

"Mon agresseur est un Guyanais souffrant de troubles mentaux"

Après le départ de l'agresseur (vers 26'30 dans la vidéo), Mgr Francis Alleyne avait déclaré, en anglais, : "We want to pray for our brother" ( "Nous voulons prier pour notre frère"). Une prière en référence directe à cette agression, avait confirmé Romeo Abrams. 

Contacté par l'AFP à l'époque, l'évêque lui-même avait confirmé les faits, dans un mail envoyé le 15 novembre 2020. "C'est un incident qui s'est produit lors de la messe de 6 heures du matin le samedi 7 novembre 2020 à la cathédrale de l'Immaculée Conception, qui est située à Brickdam, Georgetown, Guyana, Amérique du Sud", avait ainsi déclaré Francis Alleyne, confirmant bien être le prêtre officiant dans la vidéo. 

L'homme d'église avait aussi donné des détails sur l'homme au torse nu. "Mon agresseur est un Guyanais souffrant de troubles mentaux, l'un des nombreux qui viennent dans nos églises, bien que la plupart soient non violents", avait-t-il expliqué. 

"Ce qui s'est passé démontre la triste réalité des malades mentaux, le nombre disproportionné de personnes qui se trouvent dans cette situation et la capacité limitée de l'État et des autres agents à les traiter correctement", avait ajouté l'évêque. 

Des photos fournies par l'évêque pour confirmer le lieu de la messe

L'évêque avait aussi fourni à l'AFP des photos de l'intérieur de la cathédrale et de la chapelle pour confirmer que l'agression s'était bien déroulée dans la Cathédrale de l'Immaculée Conception. 

Si le cadre de la vidéo partagée aujourd'hui sur internet est coupé, il est possible de voir sur la vidéo d'origine en plus grand angle (en haut à gauche) plusieurs éléments similaires avec la chapelle du Sacré Coeur, dans laquelle s'était déroulée la messe en 2020 (photo de droite, fournie par l'évêque en novembre 2020).

8ef20a583e6b9d6bf3d1cd4ecb6dc55756d1865b-ipad.jpgCapture d'écran d'une publication Facebook en espagnol (en haut à gauche) ; Chapelle du Sacré-Cœur (à droite) et emplacement de la chapelle dans la cathédrale, sur des photos fournies par Mgr Alleyne

Il est ainsi possible de retrouver sur les deux images la statue de Jésus, mais aussi le crucifix derrière l'autel sur fond vert ainsi que l'inscription "Kyrie eleison" ("Seigneur, aie pitié") et la chaire. L'évêque a aussi indiqué où se situait cette chapelle dans la Cathédrale, comme le montre la flèche verte sur la photo en bas à droite.

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

  • URL de la déclaration : https://twitter.com/GWGoldnadel/statu...
  • Texte de la déclaration :

    Un migrant frappe un prêtre , interrompt la messe et s’empare de la Bible . Impunément., « DVATW: France.

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