Non, des documents de Pfizer divulgués par la FDA ne révèlent pas que les vaccins ont causé "3% de mortalité" lors des essais cliniques
Publié le jeudi 23 décembre 2021 à 18:31
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Rob Lever, AFP Etats-Unis, AFP France
Des documents "confidentiels" divulgués par la FDA, l'agence américaine du médicament, révéleraient que lors des essais du vaccin Pfizer-BioNTech, plus de 1.200 personnes - "3%" des participants - seraient morts, affirment des articles très partagés sur Internet depuis début décembre. C'est faux : le document mis en avant n'est pas relatif aux essais cliniques de Pfizer mais recense des effets secondaires signalés début 2021, dont le lien avec la vaccination n'est pas avéré. Il conclut par ailleurs à l'efficacité et la sécurité de ce vaccin, ont affirmé Pfizer et la FDA auprès de l'AFP, ce que confirment des recherches scientifiques menées jusqu'à ce jour.
Plus de 1.200 décès de personnes ayant reçu le vaccin de Pfizer-BioNTech auraient été "signalés dès février dans les essais. Pour les 42.000 participants à l'essai, c'est 3% de mortalité", avertit un article partagé plusieurs milliers de fois depuis début décembre sur les réseaux sociaux.
Des affirmation similaires ont été relayées dans d'autres articles, ainsi que via des publications Twitter (1, 2) et Facebook (1, 2), partagées d'autres milliers de fois.
Capture d'écran Twitter, prise le 23/12/2021
Capture d'écran prise le 23/12/2021
Quel "rapport confidentiel" ?
Les articles et publications se réfèrent à des "documents confidentiels" de Pfizer, rendus publics par la FDA ("Food and Drug Administration"), l'agence du médicament américaine.
Le rapport en question est consultable sur le site d'une organisation non-gouvernementale nommée "Public Health and Medical Professionals for Transparency", dont l'objectif affiché est de rendre publics des documents de la FDA liés aux vaccins contre le Covid.
Pour cela, l'organisation s'appuie sur le "Freedom of Information Act", la loi américaine sur la liberté d'accès à l'information qui oblige les agences fédérales du pays à transmettre à tous ceux qui en font la demande leurs documents.
Ainsi, elle a pu obtenir, et publier, le 17 novembre 2021, plusieurs documents liés au vaccin Comirnaty, dont le "rapport explosif" de 38 pages.
Pas un rapport concernant des essais cliniques
Ce document, comme l'indique son titre, est une "analyse cumulée des effets secondaires rapportés jusqu'au 28 février 2021, post-autorisation, pour BNT162B2", l'une des dénominations du vaccin de Pfizer-BioNTech.
Il ne s'agit donc pas d'un rapport concernant les "essais" du vaccin, mais plutôt d'un recensement des signalements d'effets secondaires survenus après la vaccination chez des personnes de plusieurs pays du monde, après que les autorisations d'urgence aient été accordées au vaccin Comirnaty.
En décembre 2020, une première autorisation d'urgence avait en effet été accordée par la FDA au vaccin de Pfizer-BioNTech, qui a dès lors pu être utilisé. Pfizer a ensuite aussi déposé une autre demande d'autorisation, via la procédure plus classique, approuvée en août 2021.
On peut lire dans le rapport que "jusqu'au 28 février 2021, 42.086 signalements ont été enregistrés au total". Le document indique aussi que "la plupart des cas (34.762) provenaient des États-Unis (13.739), du Royaume-Uni (13.404), d'Italie (2.578), d'Allemagne (1.913), de France (1.506), du Portugal (866) et d'Espagne (756) ; les 7.324 cas restants ont été répartis entre 56 pays".
Parmi ces effets secondaires rapportés, un grand nombre concernent des signalements de maux de tête, de fatigue, ou de fièvre.
Pas de causalité avérée entre la vaccination et les effets secondaires dans le rapport
Dans la partie dédiée à la "méthodologie" du document, il est indiqué que les données utilisées proviennent notamment de signalements d'effets secondaires potentiels faits à Pfizer par les autorités sanitaires de plusieurs pays, "indépendamment de l'évaluation de la causalité" avec la vaccination.
Le document précise ainsi que "des limites concernant la déclaration des effets indésirables des médicaments doivent être prises en compte lors de l'interprétation de ces données", soulignant par exemple que "de nombreux facteurs externes influencent la déclaration ou non d'un effet indésirable".
"Une accumulation de signalements d'effets indésirables n'indique pas nécessairement que ceux-ci ont été causés par le vaccin, ils peuvent aussi être dû à des maladies sous-jacentes, à un ou plusieurs autres facteurs qui peuvent s'ajouter, dont des antécédents médicaux ou la prise d'autres médicaments en parallèle", explicite encore le rapport.
Capture d'écran, réalisée le 23/12/2021
Pas de lien avéré entre décès et vaccin
Le document fait ainsi état de 1.223 décès ("fatal outcomes"). C'est en rapportant ce chiffre au nombre total de signalements d'effets secondaires mentionnés (un peu plus de 42.000) que plusieurs internautes sont ainsi parvenus à la conclusion de "3% de mortalité" liée à la vaccination.
Ce chiffre ainsi calculé peut ainsi montrer le nombre de signalements de décès, par rapport au nombre total de signalements, mais en aucun cas la mortalité par rapport au nombre de doses administrées sur la période concernée.
Car comme le relevait déjà cet article de CheckNews, ce nombre total de doses administrées n'est pas indiqué dans le document. "La FDA n'a pas le droit, en vertu de la loi et des règlements, de divulguer [ces chiffres] car ils sont considérés comme des informations commerciales confidentielles", a justifié le 13 décembre une porte-parole de la FDA, Alison Hunt, auprès de l'AFP.
De plus, le document n'indique nulle part que le vaccin est directement lié à ces décès. Les causes de ceux-ci ne sont pas précisées. Ainsi, des personnes atteintes de "maladies diverses", comme des cancers ou maladies cardiovasculaires, et décédées de celles-ci après avoir été vaccinées, ont pu être comptabilisés dans ces chiffres, a précisé Dervila Keane, porte-parole de Pfizer auprès de l'AFP début décembre.
En outre, la conclusion du rapport indique que "les données ne révèlent pas de nouveaux problèmes de sécurité ou de risques nécessitant des modifications de l'étiquetage" du vaccin, et "confirme un rapport bénéfice/risque favorable" pour ce dernier, rappelle aussi Dervila Keane.
Les effets secondaires du vaccin surveillés
Les autorités sanitaires américaines suivent également les rapports de décès et d'autres signalements survenus après la vaccination par le biais du système VAERS (pour "Vaccine Adverse Event Reporting System"), géré par la FDA et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), les agences de santé du pays.
Là encore, il s'agit d'une base de données recensant des signalements d'effets secondaires, mais dont le lien de causalité avec la vaccination n'est pas avéré.
Avant d'accéder aux données du VAERS, tout utilisateur doit ainsi reconnaître avoir lu et compris les mentions légales du système. Le guide d’interprétation des données précise bien rapporter "les événements et réactions qui se produisent après la vaccination", mais pas nécessairement à cause d'elle. Pour cette raison, "les rapports VAERS ne peuvent pas être utilisés seuls pour déterminer si un vaccin a causé ou contribué à un événement indésirable ou une maladie", avertit le site.
"Les rapports peuvent contenir des informations incomplètes, inexactes, fortuites, ou non vérifiées. La plupart des rapports soumis au VAERS le sont de manière volontaire, ce qui signifie qu'ils sont sujets à des biais", mettent en garde les CDC, puisque n'importe quel Américain peut soumettre un rapport établissant des effets secondaires liés à un vaccin.
Capture d'écran du site du VAERS, prise le 23/12/2021
Dans l'état de Virginie, le VAERS a ainsi cette année été utilisé pour signaler la mort prétendue d'une fillette de deux ans, moins d'une semaine après avoir reçu une dose du vaccin de Pfizer-BioNTech. L'information s'est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, alors que les CDC ont indiqué à l'AFP que le signalement avait été "complètement falsifié", comme le relatait cet article.
"La FDA exige des prestataires de soins de santé qu'ils signalent au VAERS tout décès survenu après la vaccination par le COVID-19, même s'il n'est pas certain que le vaccin en soit la cause. Les déclarations d'événements indésirables au VAERS après une vaccination, y compris les décès, ne signifient pas nécessairement qu'un vaccin a causé un problème de santé", appuie aussi Alison Hunt, la porte-parole de l'agence américaine.
"Les examens de la FDA et des CDC ont déterminé que la grande majorité des décès signalés ne sont pas directement attribuables aux vaccins", précise-t-elle encore, ajoutant que les rapports de décès après la vaccination contre le Covid-19 sont "rares".
"Plus de 459 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 ont été administrées aux États-Unis du 14 décembre 2020 au 29 novembre 2021. Pendant cette période, le VAERS a reçu 10.128 rapports de décès (0,0022 %) chez des personnes ayant reçu un vaccin COVID-19", ajoute la porte-parole.
Pour le vaccin de Pfizer à lui seul, un peu plus de 30.500 effets secondaires ont été signalés au VAERS, dont 4.153 décès selon les derniers chiffres mis en ligne au 10 décembre.
Pour l'heure, aucun lien de causalité direct n'a été établi par les agences américaines entre la vaccination avec le produit de Pfizer-BioNTech et potentiel décès.
En revanche, "l'examen des rapports indique une relation de cause à effet entre le vaccin de Johnson & Johnson/Janssen et le syndrome thrombotique thrombocytopénique, un effet indésirable rare et grave - qui provoque des caillots sanguins avec un faible taux de plaquettes - qui a causé ou contribué directement à six décès confirmés", précise Alison Hunt.
Des autres études ont conclu à la sûreté du vaccin
Les premières recherches concernant le vaccin de Pfizer-BioNTech, au travers d'un essai multinational, contrôlé par placebo et à l'aveugle, rapporté dans le New England Journal of Medicine le 31 décembre 2020, n'avaient montré aucun décès parmi les personnes ayant reçu le vaccin ou le placebo.
Ses auteurs concluaient à la "sécurité" du vaccin, précisant que la plupart des effets secondaires enregistrés "étaient caractérisés par une douleur à court terme, légère à modérée, au point d'injection, de la fatigue et des maux de tête. Le nombre d'événements indésirables graves était faible et similaire dans les groupes vaccin et placebo".
Une étude de suivi des six premiers mois d'utilisation du vaccin, publiée le 4 novembre 2021 dans la même revue médicale, a montré des résultats similaires sur sa sécurité et son efficacité.
Les chercheurs ont constaté 15 décès parmi les personnes ayant reçu le vaccin et 14 dans le groupe placebo. "Aucun de ces décès n'a été considéré comme lié à BNT162b2 par les chercheurs", indique le journal, considérant que "les causes de décès étaient équilibrées entre les groupes BNT162b2 et placebo".
Ce n'est pas la première fois que des affirmations trompeuses au sujet de la mortalité potentiellement liée aux vaccins anti-Covid circulent sur les réseaux sociaux. L'AFP Factuel a déjà vérifié des publications affirmant que plusieurs milliers de décès ont été enregistrés en Europe suite à la vaccination dans cet article ou celui-ci, qu'il y aurait plus de morts du vaccin que du Covid-19 à Taïwan, que les données du VAERS montreraient que la vaccination des femmes enceintes est dangereuse, ou encore que la vaccination en France serait responsable de milliers de morts.
Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article
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