Non, l'Union européenne ne va pas imposer des masques aux vaches


Non, l'Union européenne ne va pas imposer des masques aux vaches

Publié le mercredi 6 décembre 2023 à 17:16

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Théo MARIE-COURTOIS / AFP France

Fin novembre, un accord sur une nouvelle directive de l'Union européenne concernant les émissions industrielles a été trouvé entre le Parlement européen et les Etats membres. Dans ce contexte, des publications sur les réseaux sociaux affirment qu'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, "veut contraindre les vaches des pays de l'UE à porter un masque" afin de réduire leurs émissions de méthane. Mais c'est faux, a pu constater l'AFP. Les bovins ne sont pas inclus dans la nouvelle directive européenne et la Commission européenne assure ne pas avoir "l'intention de proposer de mettre des masques aux vaches".

"Les éleveurs sont en train d’apprendre la nouvelle et sont vent debout : Ursula #VonDerLeyen veut contraindre toutes les vaches des pays de l’UE à porter un #masque obligatoire !", affirme sur X et Facebook Florian Philippot, président des Patriotes. "L’obsession du masque (et du fric en fait derrière) s’étend donc maintenant aux #vaches ! ", poursuit M. Philippot.

En quelques jours, ces deux publications ont été partagées des milliers de fois.

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Capture d'écran réalisée sur X le 5 décembre 2023.

 

"VAN DER LA HYENE et les cinglés de l'UE veulent que nos vaches portent un masque", s'insurge un autre internaute sur X.

On retrouve ce même type d'affirmation sur TikTok et sur certains blogs, notamment "Le Media en 4-4-2", un site qui relaie régulièrement des allégations trompeuses vérifiées par l'AFP (lien archivé ici).

Pour soutenir leur propos, certains internautes s'appuient même sur un reportage de TF1 diffusé en juin 2021 (lien archivé ici) qui évoque une future commercialisation d'un masque pour vaches.

Mais ces allégations sont fausses.

Elevages bovins exemptés

Pour la plupart, ces messages s'appuient sur un article du tabloïd autrichien Exxpress (lien archivé ici), titré (en allemand) "Masque obligatoire pour les vaches ? Nouvelle indignation contre les plans climatiques de von der Leyen".

"Certains députés européens estiment [...] qu'il est possible d'imposer l'utilisation de masques à méthane aux 76 millions de bovins européens, comme le rapporte Die Welt", écrit le tabloïd. "Officiellement, on dit - du moins pour l'instant - que les masques ne seront pas obligatoires dans un avenir proche", ajoute-t-il.

Le quotidien allemand Die Welt (lien archivé ici) se fait plus prudent, rappelant que s'il existe des masques à gaz pour les vaches, "la Commission [européenne] ne les exige pas". "On peut supposer que les masques à gaz pour les vaches n'arriveront pas de sitôt", anticipe même le journal.

"La Commission n'a jamais proposé et n'a pas l'intention de proposer de mettre des masques aux vaches", assure Adina Revol, porte-parole de la Commission européenne, interrogée par l'AFP le 5 décembre.

Selon elle, "cette fausse information est apparue dans le contexte de négociation sur la directive sur les émissions industrielles"

Après des mois de négociations, le Parlement européen et les Etats membres ont annoncé mercredi 29 novembre avoir trouvé un accord pour mettre à jour la directive sur les émissions industrielles (DEI) datant de 2010 (lien archivé ici). 

Comme le rapporte cette dépêche de l'AFP (lien archivé ici), la Commission européenne avait proposé en avril 2022 de durcir cette directive, qui impose actuellement à 30.000 usines et 20.000 très gros élevages porcins et de volailles des normes de rejets de polluants néfastes (oxyde d'azote, méthane, ammoniac via le lisier...).

Elle proposait notamment d'étendre son application aux élevages bovins, jusqu'ici épargnés, un chiffon rouge pour les syndicats agricoles qui ont obtenu le maintien de l'exemption. Au grand dam de certaines associations écologistes comme Greenpeace, qui a dénoncé "une farce", les législateurs ayant "décidé d'exempter les fermes industrielles les plus polluantes" de cette directive.

Dans l'accord conclu le 29 novembre, "il n’y a rien sur les masques pour les vaches, pas plus que dans la proposition initiale de la Commission", pointe Adina Revol.

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Une vache nommée Oreillette pâture dans un champ du Groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) Foucault à Briouze, le 24 novembre 2023. (AFP / LOU BENOIST)

 

 

Masques encore en développement

Les masques auxquels font référence les publications sur les réseaux sociaux correspondent à un dispositif conçu par la start-up britannique Zelp (lien archivé ici). Installé sur un licol et placé au niveau des naseaux des vaches, celui-ci est censé transformer le méthane (CH4) expulsé par les ruminants lors d'éructations (et non pas via leurs flatulences) en CO2 et vapeur d'eau grâce à un procédé d'oxydation développé par la start-up. 

Le pouvoir réchauffant du CH4, qui est la même molécule que le gaz naturel ou gaz de ville, étant bien supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) - environ 28 fois plus fort sur 100 ans selon la Coalition pour le climat et l'air pur de l'ONU (lien archivé ici) -, cette opération doit permettre de réduire l'empreinte carbone des cheptels.

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Capture d'écran de la page consacrée au méthane sur le site de la Coalition pour le climat et l'air pur de l'ONU, réalisée le 6 décembre 2023.

 

La France est le premier pays européen producteur de viande bovine et deuxième en taille de troupeau laitier, la France 

L'élevage bovin, composé d'environ 17 millions de têtes aujourd'hui - la France étant premier producteur européen (lien archivé ici) de viande bovine et le deuxième producteur de lait de l'UE (lien archivé ici) -, pèse pour 11,8% des émissions françaises dû aux rejets de méthane, selon la Cour des Comptes (lien archivé ici). En mai 2023, l'institution a recommandé de "définir une stratégie de réduction" du cheptel bovin pour diminuer l'empreinte carbone de la France.

Lancée en 2017, la start-up Zelp a récolté le soutien de plusieurs géants de l'agroalimentaire dont l'américain Cargill (lien archivé ici) et le français Danone (lien archivé ici). Elle a aussi bénéficié de diverses subventions, dont 4.762.834 dollars de la part de la Fondation Bill et Melinda Gates (lien archivé ici) ainsi que 50.000 euros versés par l'Union européenne via le programme de recherche et développement "Horizon 2020" (lien archivé ici).

La start-up, qui reste discrète sur l'avancement de son projet, n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Mais selon le service communication de Cargill interrogé par l'AFP le 5 décembre, le dispositif est "encore en phase de recherche et développement" et "n'a pas été commercialisé".

Pour réduire les émissions de méthanes des bovins, les industriels travaillent aussi sur des additifs alimentaires susceptibles d'influer sur le processus de digestion des animaux.

Fin novembre, le groupe Bel (Kiri, Boursin, La Vache qui rit), a annoncé vouloir inciter ses fournisseurs à ajouter ce type d'additif dans la ration de leurs animaux en échange d'une prime de 10 euros tous les 1.000 litres de lait vendus (lien archivé ici).

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