Fin des trottinettes à Paris : selon l’opposition, “plutôt que de prendre la décision elle-même (…) la maire s’est défaussée sur les Parisiens”


Fin des trottinettes à Paris : selon l’opposition, “plutôt que de prendre la décision elle-même (…) la maire s’est défaussée sur les Parisiens”

Contradictoire

Publié le jeudi 6 avril 2023 à 11:43

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(Creative commons)

Auteur(s)

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Reprocher à la Maire de Paris de s’en remettre à la population parisienne pour décider du sort des trottinettes en libre-service, tout en réclamant plus d’écoute de la population, notamment s’agissant de la réforme des retraites, voilà qui est très contradictoire. D’autant que la consultation locale ou le référendum local apparaissent selon les analystes politiques comme le moyen privilégié de réintéresser les citoyens aux affaires publiques.

Curieuse réaction après la publication du résultat de la consultation des Parisiens sur le sort des trottinettes en libre-service dans la capitale : Maud Gatel, présidente du groupe MoDem, Démocrates et Écologistes au Conseil de Paris, juge sévèrement que “cette consultation ne fait qu’acter l’incapacité d’Anne Hidalgo de mener une politique efficace en matière de mobilité. Elle n’a jamais réussi à réguler ces trottinettes électriques en libre-service, et plutôt que de prendre la décision elle-même de mettre un terme à ce système, la maire s’est défaussée sur les Parisiens”

Voilà qui est surprenant : des élus municipaux appartenant à des partis politiques qui au plan national réclament à cor et à cri une plus grande participation citoyenne sur la réforme des retraites en dénonçant un mode de gouvernement “jupitérien“, puis qui reprochent à la maire de Paris d’avoir consulté les Parisiens et de se conformer à leur avis… 

Consulter la population locale serait “se défausser”, mais pas consulter la population nationale ?

À entendre cette partie de l’opposition municipale parisienne, consulter la population parisienne reviendrait à “se défausser“ : le juriste un peu obtus en tire la conclusion qu’un référendum d’initiative partagée sur les retraites à l’échelle nationale serait aussi un moyen de se défausser pour le Président de la République. Or il existe deux types de consultations au niveau local, dont les mêmes partis politiques prônent l’usage plus intensif : le référendum local et la consultation locale. Dans les deux cas, la loi permet à un maire, mais aussi un président de conseil départemental ou de conseil régional, de rechercher l’assentiment de sa population à propos d’une affaire de la compétence” de la commune, du département ou de la région. 

 La différence entre référendum local et consultation locale

Dans le cas d’une consultation locale des électeurs, ces derniers sont consultés selon le Code général des collectivités territoriales (CGCT) : cela signifie selon le même Code, “qu’après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, l’autorité compétente de la collectivité territoriale arrête sa décision sur l’affaire qui en a fait l’objet“. Dans l’affaire des trottinettes, la maire de Paris avait choisi ce mode de consultation : elle n’était donc pas liée par le résultat, surtout lorsque seuls 7,46 % des électeurs inscrits se sont déplacés, mais elle pouvait librement décider de s’y conformer, ce qu’elle a annoncé vouloir faire.

L’autre mode de consultation est le référendum local, plus contraignant : “Le projet soumis à référendum local est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s’il réunit la majorité des suffrages exprimés”, selon le CGCT. Autrement dit, le maire n’a pas le choix face à la majorité qui se dégage lors du scrutin.

Réinvestir le citoyen dans les affaires publiques ?

Alors que la démocratie élective fait l’objet de critiques acerbes, la consultation de la population constitue un moyen pour nombre d’analystes politiques de renouveler l’intérêt des citoyens pour les affaires publiques et dans une large mesure de restaurer la confiance dans les institutions. Reste que ces consultations ne permettent pas tout : elles sont encadrées dans le temps, en particulier à l’approche des élections locales pour éviter leur instrumentalisation. Elles sont encadrées sur le fond, au sens où un élu local ne peut demander l’avis de sa population sur des affaires d’intérêt national. Ainsi furent déclarées illégales par le juge une consultation sur des questions migratoires, sur le tracé d’une autoroute, ou encore sur l’attribution des logements sociaux selon des critères de nationalité. 

En dehors de ces cas et de celui des décisions individuelles, qui ne peuvent être soumises à consultation, l’éventail des sujets pouvant être soumis à la population est vaste. En particulier, cet instrument juridique permet aussi de trancher des questions relatives à des projets controversés d’aéroports locaux, de rocades, d’équipements tels que stades ou piscines, ou encore de méga-bassines…

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

  • URL de la déclaration : https://www.leparisien.fr/paris-75/le...
  • Texte de la déclaration :

    Les Parisiens votent la fin des trottinettes en libre-service : succès en demi-teinte pour Anne Hidalgo
    89,03 % des citoyens qui ont participé à la votation citoyenne sur les trottinettes électriques en libre-service ce dimanche 2 avril se sont prononcés pour l’arrêt de ce service. Mais seuls 7,46 % des électeurs se sont déplacés.
    Anne Hidalgo peut être soulagée : les Parisiens qui ont participé à la votation citoyenne organisée ce dimanche se sont prononcés contre le maintien des trottinettes électriques en libre-service. Un non massif, puisque 89,03 % des participants ont voté pour leur suppression. C’est un succès pour la maire de Paris, puisqu’elle s’était elle-même exprimée pour l’arrêt de ce service au début de l’année.
    Anne Hidalgo, qui est souvent accusée par son opposition d’être obsédée par ses ambitions politiques nationales et déconnectée des préoccupations des Parisiens, pourra se targuer d’avoir « senti » le ras-le-bol des habitants vis-à-vis des trottinettes en libre-service.
    « La maire s’est défaussée sur les Parisiens »
    Aux yeux de l’opposition au contraire, cette votation est un échec non assumé de la maire de Paris. « Cette consultation ne fait qu’acter l’incapacité d’Anne Hidalgo de mener une politique efficace en matière de mobilité. Elle n’a jamais réussi à réguler ces trottinettes électriques en libre-service, et plutôt que de prendre la décision elle-même de mettre un terme à ce système, la maire s’est défaussée sur les Parisiens », dénonce Maud Gatel, présidente du groupe MoDem, Démocrates et Écologistes au Conseil de Paris.
    VIDÉO. « Au moins, ça, c’est la démocratie » : Paris vote sur l’interdiction des trottinettes
    L’opposition n’a pas non plus manqué de pointer le faible taux de participation à cette votation citoyenne. Bien que clivant, le dossier des trottinettes électriques n’a pas franchement déplacé les foules puisque seuls 7,46 % des électeurs, soit 103 084 Parisiens, se sont rendus aux urnes.
    « Avec un faible nombre de votants, les Parisiens ont marqué leur profond désintérêt pour la votation sur les trottinettes en libre-service organisée par Anne Hidalgo », a souligné le groupe Changer Paris, présidé par la maire (LR) du VIIe, Rachida Dati. La droite parisienne avait demandé, en vain, que le seuil de 25 % de participation soit retenu pour que la consultation soit jugée crédible. « En dessous de 10 %, ce vote n’a plus de force », juge pour sa part Pierre-Yves Bournazel élu (Horizons) du XVIIIe qui dénonce le « manque de préparation du scrutin ».
    « La démocratie participative vaut beaucoup mieux que la démocratie d’opinion »
    Des critiques qu’Anne Hidalgo elle-même avait anticipées avant le vote. « Tout ce qui peut permettre la démocratie, le dialogue, la concertation, la consultation, vaut mieux que les blocages et les replis sur soi » a-t-elle répété avant le jour J comme un clin d’œil au Président Macron englué dans la crise sur la réforme des retraites.
    L’équipe d’Anne Hidalgo n’a pas manqué durant tout le dimanche de relayer les photos des files d’attente d’électeurs devant les lieux de vote. Une communication par l’image pour faire oublier le faible taux de participation. Ce dimanche soir, la maire de la capitale n’a pas caché sa satisfaction au moment de commenter les résultats. « Les Parisiennes et les Parisiens se sont massivement exprimés contre le maintien des trottinettes en libre-service à Paris (…) C’est une victoire de la démocratie locale, souligne Anne Hidalgo. La démocratie participative vaut beaucoup mieux que la démocratie d’opinion. Plus de 100 000 personnes, c’est quelque chose de très important. Vous avez vu les files ? (..) Les Parisiens ont voté et nous allons suivre ce vote. Les opérateurs qui sont très créatifs auront à cœur de réinventer leur métier ». Et d’ajouter : « Nous envisageons de reproduire cet exercice chaque année au Printemps sur une question parisienne, des questions locales liées à nos compétences »
    Les trois opérateurs de trottinettes électriques, eux, n’ont pas caché leur amertume à l’annonce des résultats. « Nous prenons acte de cette consultation inédite, dont la mobilisation aurait pu être plus large et représentative si les modalités de la votation avaient été différentes : plus de bureaux de vote, scrutin électronique, information municipale » ont-ils déclaré dans un communiqué de presse. « Nous espérons à présent une reprise rapide du dialogue avec la Mairie afin de discuter des prochaines étapes » ont-ils conclu.

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