Le programme de Marine Le Pen passé au crible


Le programme de Marine Le Pen passé au crible

Publié le mardi 12 avril 2022 à 18:21

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Marine Le Pen

(Kenji-Baptiste Oikawa)

Auteur(s)

Vincent Arnaud et Vincent Couronne

Le programme de Marine Le Pen reste fondamentalement d’extrême droite. Et comme pour Éric Zemmour, il n’est pas compatible avec un État de droit ou une démocratie, et porte donc atteinte à ses principes fondamentaux.

Malgré un discours policé, Marine Le Pen reste une candidate fondamentalement d’extrême droite, comme l’ont analysé le journal Le Monde et la Fondation Jean Jaurès. Marine Le Pen n’assume plus de sortir la France de l’euro ou de l’Union européenne, ni même de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais sans modifier son programme sur le fond, une bonne partie de ses mesures restent inapplicables, en tout cas s’il plaît aux Français de continuer à vivre dans un État de droit.

Cette campagne a démarré par un invité surprise pour Marine Le Pen, en la personne d’Éric Zemmour. Une candidature qui a poussé certains RN à rejoindre le parti Reconquête !, poussant Marine Le Pen a demander à deux députés européens élus sur la liste RN “à renoncer à leur mandat”. Si politiquement cette demande exprime le mécontentement de Marine Le Pen face aux défections, sa demande est juridiquement irrecevable. Les députés sont investis d’un mandat représentatif et non impératif, c’est-à-dire que les élus exercent le pouvoir librement. On ne peut pas les blâmer pour des positions ou opinions, même changeantes. 

Interdire le voile dans l’espace public ?

Malgré des préventions répétées par Les Surligneurs, il semblerait que Marine Le Pen maintienne son intention d’interdire le voile dans l’espace public. Or une limitation de la liberté religieuse dans l’espace public ne serait possible que si un motif d’ordre public l’exigeait. Il reviendra donc à Marine Le Pen de justifier en quoi le voile porte atteinte à la sécurité publique. Une loi interdisant le port d’un signe religieux de manière générale et absolue dans l’espace public serait très certainement censurée par le Conseil constitutionnel et pointée du doigt par la Cour européenne des droits de l’homme.

Réserver les logements sociaux et les prestations sociales aux Français ?

Zemmour mettait à mal le principe de fraternité, Marine Le Pen s’attaque au principe d’égalité  – qu’on se rassure, Éric Zemmour n’est pas en reste non plus sur les atteintes à l’égalité. La présidente du Rassemblement national propose en effet de réserver les logements sociaux aux Français et ce, en dépit du principe d’égalité. En l’état du droit, la préférence nationale pour les logements sociaux semble contraire à la Constitution, sans compter les obligations de la France à l’égard des étrangers ressortissants de l’Union européenne. 

Toujours suivant ses intentions de priorité nationale, Marine Le Pen souhaite réserver un certain nombre de prestations, comme les allocations familiales, exclusivement aux Français. Cependant, à moins de modifier la Constitution et de sortir du Conseil de l’Europe, supprimer les allocations familiales aux étrangers travaillant en situation régulière est contraire au principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel également a déjà pu censurer une restriction similaire pour méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité.

Un durcissement excessif de la politique migratoire

Longtemps députée européenne, Marine Le Pen fait pourtant depuis longtemps de la résistance face aux institutions de Bruxelles. En octobre 2020 au micro de RTL elle va jusqu’à souhaiter sortir d’un certain nombre d’articles de la Convention européenne des droits de l’homme, promesse qu’elle a réitérée ces derniers jours. L’idée est de ne plus être soumis, notamment, à l’article 3 qui interdit les traitements inhumains et dégradants, et qui prohibe par conséquent d’expulser une personne qui pourrait être soumise à de tels traitements dans son pays. Sortir de quelques articles seulement de la CEDH ? Une mesure proprement impossible en droit. Il faudrait pour cela que la France sorte complètement du Conseil de l’Europe.

Marine Le Pen souhaite par ailleurs rétablir les contrôles aux frontières tout en prévoyant des procédures simplifiées pour les citoyens européens. Cependant à part, en cas de crise, il n’est pas possible de rétablir les frontières. Il faudrait pour cela modifier les traités européens, ce qui requiert l’unanimité des États membres dans un domaine qui est un pilier de l’Union, ce serait donc difficilement envisageable pour ne pas dire impossible.

Ce fact-check a été également publié par Les Surligneurs : Le programme de Marine Le Pen passé au crible.