Canicule : « Rien de particulier » en juillet ? Pourquoi c’est trompeur


Canicule : « Rien de particulier » en juillet ? Pourquoi c’est trompeur

Publié le lundi 24 juillet 2023 à 12:45

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Beaucoup de monde sur les plages de Nice dimanche 16 juillet 2023. — SYSPEO/SIPA

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Emilie Jehanno (20 Minutes)

Des posts viraux sur les réseaux sociaux minimisent les vagues de chaleur que connaissent la France, l'Italie, les Etats-Unis ou la Chine avec des arguments trompeurs

Une canicule s’installe ces jours-ci dans le sud-est de la France et en Méditerranée. Et les comptes climatosceptiques multiplient les posts trompeurs pour minimiser les vagues de chaleur et rejeter toute influence du réchauffement climatique. Premier exemple : un direct de BFMTV à Nice dimanche 16 juillet est devenu très viral sur Twitter. « Olala, on est à Nice en plein mois de juillet, il fait 30 degrés », se moque un post partagé plus de 2.000 fois.

Un autre raille ces 30 degrés « qui sont du jamais vu un 16 juillet en plein été » dans la capitale du département des Alpes-Maritimes. En réalité, dans le commentaire, la journaliste n’indique pas du tout que cet épisode caniculaire est « du jamais vu ». Depuis le 9 juillet, les Alpes-Maritimes sont restés en vigilance orange canicule, une alerte aux populations émise par Météo-France et bâtie sur des seuils de températures. Cette alerte s’est étendue à trois départements ce 18 juillet et est valable jusqu’au 20 juillet.

Captures d'écran de posts minimisant les vagues de chaleur.

Captures d'écran de posts minimisant les vagues de chaleur. - Captures d'écran/Twitter

Autre variante : alors que plusieurs épisodes caniculaires ont lieu dans le monde et que les médias les rapportent, un post viral, partagé plus de 400 fois, estime qu’il n’y a « absolument rien de particulier dans l’hémisphère nord », dénonçant des « fakes qui s’enchaînent » et « une consigne de parler de canicule internationale ». Pour preuve sont mentionnées les températures à Québec et, en exemple, un article du quotidien québecois, Le Devoir. Ce dernier reprend une dépêche AFP sur l’hémisphère nord frappé par des canicules.

La petite musique de ces posts, c’est d’affirmer qu’il fait chaud de manière tout à fait normale, en prenant un exemple à Nice ou au Québec, et que les médias exagèrent quand ils publient des informations sur les alertes canicules, fournies par les services météorologiques.

FAKE OFF

Mais ces posts sont trompeurs à plusieurs égards. Tout d’abord, la canicule annoncée dans le sud-est de la France est un épisode « non exceptionnel », indique Météo-France sur son site, bien que sa « persistance nécessite une vigilance particulière ». Le niveau de vigilance orange correspond à une période de chaleur intense pendant trois jours et trois nuits consécutifs.

Dans les Pyrénées orientales et en Andorre, un pic de chaleur est attendu, c’est-à-dire un épisode bref de 24h à 48h durant lesquelles sont supérieures aux normales attendues. Les 40 °C ont déjà été atteints localement ce mardi 18 juillet dans les Pyrénées-Orientales, le Var et en Corse. Depuis 2020, les 40 °C ont été franchis 25 fois par an en France, indique encore Météo-France. Auparavant, cela arrivait une ou deux fois tous les dix ans.

Un dôme de chaleur qui touche l’Italie

Cet épisode s’inscrit dans une vague de chaleur, qui touche de manière plus intense les pays méditerranéens, en particulier l’Italie. Cette vague devrait prendre « des proportions plus importantes encore, avec une ampleur géographique considérable, une intensité extrême, et une durée encore inconnue » dans le pays, indique le service météorologique.

Un dôme de chaleur s'est installé en Méditerannée.

Un dôme de chaleur s'est installé en Méditerranée, le 18 juillet 2023. - Météo-France

Pourquoi ? Tout simplement, car un dôme de chaleur s’est installé sur la Méditerranée. Il est « plutôt centré sur l’Italie, alors que s’il était effectivement un peu plus à l’Ouest, la France serait vraisemblablement touchée », note Christine Berne, climatologue à Météo-France. Cette zone fermée de hautes pressions emprisonne de l’air chaud à tous les étages de l’atmosphère et agit comme « une cocotte-minute », souligne-t-elle. Ce qui crée des conditions pour des températures prévues « autour de 10 degrés au-dessus des normales saisonnières » en Italie, ajoute-t-elle. Des pointes de mercure sont susceptibles d’atteindre 42 °C à Rome et plus de 48 en Sardaigne, ce mardi.

Des vagues de chaleurs « distinctes et en concomitance »

Comme l’a écrit l’AFP dans une dépêche, plusieurs phénomènes ont lieu au même moment : un dôme de chaleur est également au-dessus des Etats-Unis, où les services météo prévoient des températures records. La capitale de l’Arizona, Phoenix, a enchaîné lundi 17 juillet un 18e jour au-dessus de 43 °C. La Chine a quant à elle battu le 16 juillet un record pour une mi-juillet, avec 52,2 °C dans la région aride du Xinjiang. Si l’apparition de ces dômes « n’est pas corrélée, cela alerte de toute façon », estime Christine Berne.

C’est aussi ce qu’a expliqué le climatologue et membre du Giec, Christophe Cassou, dans un thread sur Twitter : « Il est faux de parler de vagues de chaleur/canicules planétaires, détaille-t-il. Aucun mécanisme physique ne sous-tend cette affirmation. » Les vagues de chaleurs sont « distinctes » et « se produisent simultanément et en plusieurs lieux dans l’hémisphère nord ». Et cette « concomitance en temporalités et régions des extrêmes est attendue », précise-t-il, c’est une des conclusions du rapport du Giec sur l’état des connaissances sur le climat, publié en 2021. « Est-ce une surprise ? Non. Un emballement ? Non. Est-ce grave ? Oui », alerte-t-il.

L’attribution d’un phénomène météorologique au changement climatique

Autre point à préciser : oui, évidemment, les vagues de chaleur en elles-mêmes ne sont pas une conséquence du réchauffement climatique, elles existaient avant l’ère industrielle. Mais « l’intensité et le niveau des températures [de ces vagues de chaleur] ne peuvent être atteints qu’avec le réchauffement climatique à l’œuvre en ce moment », souligne Christine Berne.

En toile de fond se pose la question de l’attribution d’un phénomène météorologique au changement climatique. Celui-ci ne peut pas causer à lui seul un événement météorologique, car ces phénomènes ont des causes multiples, mais il peut « influer sur la probabilité et l’intensité d’un événement », explique le World Weather Attribution (WWA), un réseau international de scientifiques qui publie des études d’attribution.

Un lien « extrêmement robuste »

Celles-ci sont menées a posteriori, à partir de modèles de simulations climatiques. « Les scientifiques reprennent toutes les données de mesure de l’atmosphère d’un événement, explique Christine Berne, et imaginent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique, donc diminuent les températures de deux degrés, par exemple. Ils font tourner aléatoirement des milliers de scénarios pour voir si un événement peut se produire avec des températures légèrement plus fraîches. Lorsqu’un phénomène est attribué, le résultat indique que sans réchauffement climatique, tel événement aurait par exemple 20 fois moins de chance de se produire ou 50 fois moins, etc. »

Le lien entre le réchauffement climatique et l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des vagues de chaleur est « extrêmement robuste, souligne le WWA, cela vaut aussi bien pour les vagues de chaleur à grande échelle que pour les journées chaudes à l’échelle locale ». En France, depuis 1947, le recensement des vagues de chaleur indique « clairement que la fréquence et l’intensité de ces événements ont augmenté », selon Météo-France. Alors que le pays connaissait en moyenne 1,7 jour de vague de chaleur par an avant 1989, il en a subi 8 par an depuis 2000 et 9,4 sur la dernière décennie.

 

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    Qui donne les ordres ? Il n'y a absolument rien de particulier dans l'hémisphère nord . Les fakes s'enchainent et la consigne de parler de canicule est internationale. Ici la propagande Québécoise avec des prévisions carrément normales.

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