Des éoliennes alimentées par des générateurs diesel ? Gare à ce récit trompeur
Publié le jeudi 16 novembre 2023 à 18:12
(Une éolienne en Ecosse en 2012. (Illustration) — PURESTOCK/SIPA)
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Emilie Jehanno (20 Minutes)
L’usage de groupes électrogènes de secours dans trois parcs éoliens en Ecosse en décembre 2022 a été détourné pour servir un discours anti-éolien
Ce serait une « fraude environnementale énorme ». Des posts viraux affirment que des « générateurs diesel » ont été « trouvés » dans des éoliennes. « Ils nous prennent pour des cons depuis des décennies !! » s’indigne en majuscule une publication sur le réseau social russe VK. La même histoire est reprise presque à chaque fois dans un message copié/collé, comme dans ce tweet partagé plus de 2.400 fois. On en retrouve ensuite des traces sur Facebook ou LinkedIn.
D’après ces publications qui mentionnent un article du Sunday Mail publié le 5 février 2023 – date qui n’est pas précisée dans les posts –, « plus de 70 éoliennes étaient alimentées par des générateurs diesel en Ecosse ». L’entreprise Scottish Power aurait utilisé « la traction diesel pour faire fonctionner plus de 70 éoliennes en raison d’une « panne de réseau » sans expliquer à quelle fréquence ni dans quelle mesure ses énergies renouvelables sont alimentées au diesel ». « Je savais que c’était une arnaque, mais alors là c’est le pompon », commente un internaute sous une publication. Sauf que ce récit est trompeur. On vous explique pourquoi.
FAKE OFF
Pour cela, il faut lire l’article du Sunday Mail jusqu’au bout. Une des premières affirmations trompeuses des posts, c’est qu’un groupe électrogène au diesel « alimente » les éoliennes, induisant que l’éolienne ne générerait pas d’électricité avec le vent, mais avec du diesel. Or, ce n’est pas le cas. Un porte-parole de Scottish Power a bien rappelé au tabloïd écossais que « le diesel n’est pas utilisé pour produire de l’électricité avec les pales », point sur lequel il a insisté.
« Soit par incompétence, soit par malveillance, on est dans un gros projet de fabrique du mensonge sur les énergies renouvelables, analyse Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie de France Renouvelables, un syndicat de professionnels de l’éolien, contacté par 20 Minutes. C’est conçu pour induire l’idée qu’on ne produit pas de l’électricité avec les éoliennes, mais qu’en fait, on en consomme, ce qui est faux. »
Des groupes électrogènes de secours présents dans tous les parcs éoliens
La périodicité est également précisée dans l’article, contrairement à ce qu’indiquent les posts viraux : « En décembre [2022], 60 turbines à Arecleoch et 11 à Glenn App ont été mises hors tension en raison d’un défaut de câblage provenant du parc éolien de Mark Hill, a expliqué la source anonyme du Sunday Mail. Pour remettre ces éoliennes sous tension, des générateurs diesel ont fonctionné pendant plus de six heures par jour. »
Ces générateurs diesel ont été utilisés « sur une courte période » a confirmé au Sunday Mail un porte-parole de Scottish Power en raison d’une « défaillance externe sur le réseau électrique britannique » pendant l’hiver. Le but était de « garder au chaud les turbines », écrit le tabloïd. Comme l’explique Mattias Vandenbulcke, il s’agit de groupes électrogènes de secours, ici fonctionnant au diesel, et qui sont présents dans tous les parcs éoliens. Ces groupes électrogènes n’ont donc pas été « trouvés », comme l’affirment les posts, sous-entendant qu’un secret aurait été révélé.
Le cas des tempêtes
« Comme pour beaucoup d’infrastructures raccordées au réseau électrique, les éoliennes ont besoin d’électricité pour certaines opérations de mise en sécurité et, donc, il y a des groupes électrogènes de secours, comme pour un hôpital, si jamais il y a une coupure de courant. » Il donne l’exemple des cas de tempêtes : pour éviter une détérioration de l’éolienne ou un cassage de la pale en cas de vent trop fort, les éoliennes sont mises en drapeau.
« Cela signifie qu’on oriente les pales pour qu’elles ne se mettent plus en prise de vent, détaille-t-il, mais en position neutre et donc, pour qu’elles ne tournent plus tout simplement. Cela se fait automatiquement et fonctionne avec un système de servomoteurs électriques. » Il souligne qu’il y a un niveau de responsabilité à gérer dans ces infrastructures. Les cas les plus compliqués doivent être envisagés, comme une coupure d’électricité, d’où la nécessité d’avoir un groupe électrogène de secours pour des opérations de mise en sécurité, pour pouvoir faire fonctionner l’ascenseur en cas d’intervention rapide en haut de l’éolienne ou mettre les pales en drapeau.
« Les hypothèses maximalistes »
La note de contexte apportée sur X (anciennement Twitter) par un utilisateur est également incorrecte (et ne correspond pas à la situation décrite dans l’article du Sunday Mail) : il y est indiqué que « dans de rares cas, il peut être nécessaire de faire tourner les éoliennes artificiellement afin d’éviter aux composants de s’oxyder ou de geler en cas d’arrêt prolongé ». Il s’agit là « d’hypothèses maximalistes d’un point de vue industriel et technique », précise Mattias Vandenbulcke, où est imaginée la réponse à apporter en cas de problèmes.
« Dans un endroit très humide, où il n’y a pas de vent pendant très, très longtemps ; là, si on ne veut pas que le rotor se grippe et qu’il y ait un problème à la remise en fonctionnement, on pourrait imaginer qu’on utilise un petit peu d’électricité du réseau pour faire tourner à un moment l’éolienne, souligne-t-il. Sauf que ça, ça n’arrive jamais. Ça n’existe pas des périodes suffisantes pour générer de la corrosion où il n’y a pas de vent à aucun endroit du monde. » Et dans le cas du gel, les éoliennes sont maintenant équipées de système de dégivrage.