Législatives 2022 : Congé paternité, « travailleurs Uber »… La France s’est-elle opposée à une extension de certains droits, comme l’affirme François Ruffin ?


Législatives 2022 : Congé paternité, « travailleurs Uber »… La France s’est-elle opposée à une extension de certains droits, comme l’affirme François Ruffin ?

Publié le jeudi 12 mai 2022 à 15:55

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Emmanuel Macron au Parlement européen, le 9 mai.

(Jacques Witt/SIPA)

Auteur(s)

Mathilde Cousin (20 Minutes)

François Ruffin a avancé que « la France » et « Emmanuel Macron » se sont opposé à certains textes de la Commission européenne proposant de consolider le congé paternité ou le statut des « travailleurs Uber »

Emmanuel Macron a-t-il mis un frein à certaines propositions de la Commission européenne ? C’est ce qu’a avancé François Ruffin ce mardi matin sur France Info. « Quand l’Europe veut avancer dans le bon sens, qui est-ce qui bloque ? C’est la France, c’est Emmanuel Macron », a lancé le député LFI, candidat à sa réélection, avant de prendre trois exemples : le « congé paternité », « les taxes sur les transactions financières » et les « travailleurs des plateformes ».

« Il y avait la volonté, y compris de la Commission européenne, d’aller vers un vrai congé paternité avec un minimum garanti partout », a-t-il détaillé. « Sur les travailleurs Uber, sur les travailleurs des plateformes, le Parlement européen et la Commission européenne sont d’accord pour qu’on avance vers une reconnaissance de ces travailleurs-là sous statut de salarié ».

20 Minutes a vérifié ces trois affirmations du député de Picardie. Ainsi, lorsqu’il évoquait le « congé paternité » François Ruffin faisait allusion à une directive qui avait été proposée par la Commission européenne. Celle-ci visait à garantir un congé paternité d’au moins dix jours dans tous les Etats membres de l’UE, ainsi qu’un congé parental de quatre mois, sans transfert possible de ce congé d’un parent à l’autre. Pour inciter les pères à prendre ces congés, la Commission prévoyait que ceux-ci touchent un revenu pendant ces périodes au moins équivalent à ce qu’ils toucheraient en cas de maladie.

Un « coût potentiellement explosif »

C’est ce point qui a soulevé l’opposition d’Emmanuel Macron. S’il avait assuré de son « engagement entier » sur le développement des congés paternité et parental lors d’un discours au parlement européen le 17 avril 2018, il avait également dénoncé un « coût potentiellement explosif » si ceux-ci étaient rémunérés au même niveau qu’un arrêt maladie. La directive adoptée en juin 2019 laisse finalement la responsabilité à chaque Etat de fixer les conditions d’indemnisation du congé parental.

En France, un parent salarié qui prend un congé parental pour s’occuper d’un enfant de moins de trois ans peut toucher une allocation de 405,98 euros par mois, s’il s’arrête complètement de travailler. Il peut toucher une autre allocation, sous condition de ressources, dont le montant varie entre 175 et 87,50 euros par mois. Moins de 1 % des pères ont demandé cette allocation en janvier 2015, contre près de 14 % des mères, selon une étude de l’OFCE parue en 2019.

Concernant la taxe européenne sur les transactions financières, il s’agit d’un serpent de mer qui agitait déjà l’UE bien avant l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la république en 2017. En 2011, il y a plus de dix ans, la Commission européenne avait proposé un système de taxe commun sur toutes les transactions financières. Une proposition qui n’avait pas été adoptée en raison des divergences des Etats membres sur la question. En 2020, la taxe est revenue sur le tapis, mise à l’ordre du jour par le Parlement européen, mais elle n’a toujours pas été adoptée.

En septembre 2021, le ministère de l’Economie assurait que « la France restait mobilisée pour parvenir à un accord rapidement ». Ce qui coince, c’est la définition de la future taxe : quelle base doit être imposée ? Les discussions ont actuellement lieu entre dix pays, dont la France. Selon le député européen Nouvelle Donne Pierre Larrouturou, la France s’est positionnée pour une taxation moins large que celle proposée par d’autres pays.

Enfin, en évoquant les « travailleurs Uber », François Ruffin faisait allusion à une directive proposée il y a quelques mois par la Commission européenne. Publiée en décembre 2021, celle-ci vise à définir si certains travailleurs, comme des livreurs, pourraient relever du statut de « salarié » et donc obtenir les droits sociaux des salariés. La Commission a défini des critères pour déterminer si la plateforme est un « employeur ». Cette directive n’a pas encore été votée.

Interrogée par un sénateur le 16 décembre, Elisabeth Borne, ministre du Travail, a semblé prendre ses distances avec cette proposition de la Commission européenne : « L’approche retenue par la Commission européenne pose question quant à son intérêt même pour les travailleurs », a-t-elle alors lancé. Elle a sous-entendu que le texte pourrait subir des modifications : « Ces interrogations [sur l’approche de la Commission] trouveront leur réponse dans le processus normal d’adoption d’une directive : c’est un temps long, qui doit permettre de nombreuses itérations entre la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen ».

Pour répondre à cette question du statut des livreurs et autres actifs travaillant pour des plateformes, Elisabeth Borne et le gouvernement ont pour l’instant préféré le choix du dialogue social.

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