Les agriculteurs gagnent-ils 7.000 euros en moyenne par an ? On a vérifié ce post Facebook


Les agriculteurs gagnent-ils 7.000 euros en moyenne par an ? On a vérifié ce post Facebook

Publié le jeudi 25 janvier 2024 à 16:05

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Des agriculteurs manifestent à Toulouse, le 16 janvier. La profession fait savoir son ras-le-bol face à la multiplication des normes ou la fragilité de ses revenus. — FRED SCHEIBER/SIPA

Auteur(s)

Mathilde Cousin (20 Minutes)

Alors que les agriculteurs manifestent pour alerter sur la fragilité de leurs revenus, des internautes affirment que la profession gagne 7.000 euros en moyenne par an. En réalité, les revenus sont disparates

Une façon d’afficher leur soutien à une profession en lutte. Sur Facebook, de nombreux internautes partagent une comparaison bancale entre les revenus des agriculteurs et le montant de la prise en charge des mineurs isolés. « Revenu annuel moyen d’un agriculteur en France : 7.000 euros, peut-on lire dans ce texte. Coût d’un mineur isolé : 50.000 euros par an. »

Ce texte est recopié par plusieurs internautes sur Facebook.

Ce texte est recopié par plusieurs internautes sur Facebook. - Capture d'écran Facebook

Un texte qui laisse sous-entendre que les pouvoirs publics se soucieraient plus d’un mineur étranger arrivé seul dans l’Hexagone que des agriculteurs, alors que ceux-ci manifestent depuis lundi. Les agriculteurs, notamment d’Occitanie, déplorent des revenus trop bas, s’inquiètent de la multiplication des prix trop bas ou encore réclame une véritable application de la loi Egalim.

20 Minutes a vérifié ces chiffres partagés sur les réseaux sociaux.

FAKE OFF

La situation des agriculteurs est contrastée, notait l’Insee en 2021. Le revenu disponible moyen pour les ménages agricoles s’élevait à 52.400 euros en 2018, mais seulement un tiers - 17.700 euros - provenait de l’agriculture. Les autres revenus provenaient du salaire du conjoint ou de la conjointe ou de l’agriculteur lui-même - un agriculteur sur cinq a deux activités, selon les statisticiens. La vente de produits artisanaux ou le tourisme à la ferme viennent compléter ces revenus pour celles et ceux qui les proposent. Enfin, environ 20 % des revenus proviennent du patrimoine, principalement des fermages.

C’est un portrait-type qui est ici dressé. Or, les profils d’agriculteurs sont plus contrastés : un céréalier de la Beauce n’a pas les mêmes revenus qu’un éleveur laitier normand ou qu’un viticulteur de l’Aude. Ce sont les éleveurs bovins qui ont les revenus d’activité les plus faibles : 11.300 euros, d’après l’Insee, qui ajoute que ces éleveurs bénéficient aussi moins d’un deuxième salaire.

Des situations disparates

Chez les éleveurs laitiers, le revenu d’activité augmente à 17.000 euros, mais avec des disparités entre régions : ceux du Jura, dont le lait est destiné à des fromages AOP, ont des revenus plus élevés que les Normands, où le lait est principalement destiné à l’industrie agroalimentaire.

Sur les exploitations de céréaliculture et de cultures de plantes oléagineuses (colza, tournesol…), les revenus du patrimoine et d’autres activités « sont conséquents », note l’Insee. Enfin, chez les viticulteurs, sans surprise, les producteurs en Champagne ou en Bourgogne tirent mieux leur épingle du jeu que les paysans de l’Hérault ou de l’Aude.

Difficile donc d’affirmer sans nuance que le revenu annuel moyen d’un agriculteur est de 7.000 euros, comme le font les internautes sur Facebook. Qu’en est-il des 50.000 euros avancés pour la prise en charge d’un mineur isolé ? Ce chiffre est avancé par l’association des départements de France (ADF). Ces mineurs qui arrivent en France sans être accompagnés d’un majeur sont en effet pris en charge par les départements, au titre de l’aide sociale à l’enfance. L’ADF indique à 20 Minutes que ce chiffre est celui qui apparaît dans un rapport de 2018 sur ces jeunes. Ces 50.000 euros correspondent au montant de la prise en charge d’un enfant placé auprès de l’aide sociale à l’enfance, que ce jeune soit un mineur non accompagné ou non. Depuis 2018, « ce chiffre est stable », ajoute l’ADF.

Cette estimation est à prendre avec des pincettes, remarquaient des sénateurs en 2021, en ajoutant que le chiffre est « probablement surévalué ». Il est difficile toutefois d’établir un chiffrage réel. La Cour des comptes déplorait déjà en 2020 « la méconnaissance des coûts réels des dispositifs et procédures » liés à ces mineurs, notant que « l’absence de compatibilité analytique dans la majorité des départements les empêche en effet de distinguer ce qui relève des MNA [mineurs non accompagnés, c’est-à-dire les mineurs isolés] dans leurs dépenses. »

Tous les jeunes ne sont pas logés à la même enseigne

De plus, la prise en charge de ces jeunes n’est pas uniforme sur tout le territoire, voire au sein d’un département. Certains vont être accueillis dans des établissements de l’aide sociale à l’enfance, d’autres seront hébergés à l’hôtel ou dans des foyers de jeunes travailleurs. Des dispositifs qui n’ont pas tous le même coût, comme nous le confirme le département de la Seine-Saint-Denis : « Il y a 1.800 MNA pris en charge [hors mise à l’abri] par le département au 30 novembre 2023. Nos dépenses totales MNA pour 2023 sont de 41,4 millions, soit un coût moyen de 23.000 euros par MNA et par an. » Le coût moyen d’une place pour ces mineurs financée par le département était l’année dernière de 28.524 euros.

La différence entre ces deux chiffres provient des différentes solutions d’hébergement. « Même en additionnant à ce chiffre les remboursements et prises en charge de type vêture et dépenses d’accompagnement par le département lui-même, on n’est largement en dessous des 50.000 euros », ajoute la Seine-Saint-Denis.

La prise en charge de ces jeunes crée des crispations entre l’Etat et les départements, qui demandent plus de soutien financier pour faire face aux arrivées. En février, c’est le président LR des Alpes-Maritimes qui avait demandé un meilleur soutien. Le département, frontalier de l’Italie, a vu un afflux de jeunes qui a « saturé » les dispositifs d’accueil. Face à la situation, la secrétaire d’Etat à l’Enfance avait annoncé en août le lancement d’une « enquête flash » sur la gestion de ces mineurs par les départements. Sollicité, son cabinet n’a pas donné suite aux demandes de 20 Minutes.

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article