Réchauffement climatique : Températures en baisse, hausse du niveau de la mer… On a vérifié une interview virale


Réchauffement climatique : Températures en baisse, hausse du niveau de la mer… On a vérifié une interview virale

Publié le jeudi 15 juin 2023 à 16:25

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Auteur(s)

Mathilde Cousin et Emilie Jehanno (20 Minutes)

Dans une vidéo intitulée « GIEC, 30 ans de mensonges », Christian Gerondeau affirme que les températures baissent depuis 2015 et questionne l'impact de la France dans les émissions de gaz à effet de serre. Des affirmations à recontextualiser

Hausse des températures, responsabilité de la France dans les émissions de CO2, hausse du niveau de la mer… Pendant une interview de près de trente minutes, Christian Gerondeau, membre du bureau du Mobilité Club France, une association membre de la Fédération internationale automobile, s’oppose aux conclusions du GIEC, un groupe d’experts intergouvernementaux, dont les travaux font autorité sur le réchauffement climatique et minimise les alertes des scientifiques.

La vidéo de l’interview, diffusée sur la chaîne YouTube de TVLibertés, une webtv fondée par un ancien du Front national, cumule 135.000 vues depuis sa mise en ligne le 2 juin. 20 Minutes passe en revue les arguments avancés par Christian Gerondeau, qui est également membre de l’Association des climato-réalistes.

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « Le GIEC a titré son dernier rapport […] le réchauffement s’accélère. Quand on regarde la courbe de la température terrestre, depuis 2015 la température de la terre a baissé. »

Christian Gerondeau a joint à sa démonstration un graphique. Le graphique est basé sur les données de l’université britannique d’East Anglia et du service de prévisions météorologiques britanniques, le Met office. Leur analyse contredit celle de Christian Gerondeau : « 2022 est la neuvième année consécutive où la température est égale ou supérieure à 1,0 °C par rapport à la période préindustrielle (1850-1900) », notait le Met office début 2023.

Il est attendu que les températures varient légèrement d’une année à l’autre. Le temps long permet de montrer l’augmentation des températures. « Le réchauffement à long terme est évident. Depuis les années 1980, chaque décennie a été plus chaude que la précédente et cette tendance devrait se poursuivre », ajoute le Met office, qui souligne que « l’influence de la variabilité naturelle [ces variations de températures d’une année sur l’autre] tout au long des 173 années d’observation des températures est faible par rapport au réchauffement actuel dû au changement climatique induit par l’homme ».

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « Le GIEC écrit que la mer va monter de 15 mètres. Elle monte de combien la mer ? Le GIEC le dit : de deux millimètres par an. […] Au bout de cinquante ans, vous aurez 10 centimètres. »

« C’est faux, répond Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherche au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et membre du GIEC. Le rythme de montée du niveau de la mer a accéléré depuis les années 1990 et était de 3,7mm par an sur la période 2006-2018, il est même au-delà de 4mm sur la dernière décennie. » Ce phénomène a déjà des conséquences, rappelle le site de l’Ecole normale supérieure de Lyon : des îles non habitées faisant partie de l’archipel des Salomon ont déjà disparu.

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « La météo varie comme elle a toujours varié, pas plus ni moins qu’avant. […] Si on remonte aux Romains, c’était une période relativement chaude. Après, vous avez eu vers l’an 500, un refroidissement […]. En l’an 1000, il y a eu un réchauffement, on appelait ça l’optimum climatique […], à partir de 1350 jusqu’en 1850 on a eu une période de froid […]. Et puis, nous avons cette chance, depuis 1850, de vivre un réchauffement de 1 degré. »

Il y a effectivement eu dans le passé des variations des températures. Toutefois, « on observe que le climat se réchauffe depuis 150 ans et bien plus rapidement que ce que montrent les données issues des archives naturelles », rappelle le CEA. « Cette évolution s’est accélérée depuis le début des années 1980 et se poursuit toujours aujourd’hui, avec un réchauffement global atteignant 1,1°C à la surface de la Terre pour la dernière décennie (par rapport à 1850-1900). »

Le CEA ajoute que « lors de la sortie de la dernière glaciation, le climat de la Terre s’est réchauffé d’environ 5 degrés en 10 000 ans. Le réchauffement climatique actuel est au moins quatorze fois plus rapide ! ».

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « Dans l’atmosphère, il y a 3.200 milliards de tonnes de CO2. La France, nous émettons 0,16 milliard de tonnes. Ce que nous émettons chaque année, c’est 1/20 millième du CO2 atmosphérique. Est-ce qu’on peut vraiment avoir une influence quand on est responsable du 1/20 millième ? »

La France n’est pas le pays qui émet le plus de CO2. Selon le site our world in data, la France se classait au 22e rang mondial en 2021. La France a émis en 2021 sur son territoire « environ 418 millions de tonnes « équivalent CO2 », c’est-à-dire du dioxyde de carbone (CO2) et d’autres à gaz à effet de serre. », détaille le Haut conseil pour le climat. Ces émissions représentent ainsi « environ 6,2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant ».

Toutefois, pour connaître l’empreinte carbone complète de la France, il faut aussi prendre en compte le poids des biens importés. L’empreinte carbone grimpait ainsi en 2020 à 8,2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant, toujours selon le Haut conseil.

La France « est dans le top dix des pays qui ont le plus contribué aux émissions cumulées de CO2 », rappelle par ailleurs Valérie Masson-Delmotte. Elle est le huitième pays dans le monde, selon our world in data. Or, cette accumulation d’émission « détermine en premier le réchauffement actuel et futur », souligne la scientifique.

L’argument du faible poids de la France dans les émissions mondiales de CO2 revient régulièrement dans les discours relativisant l’impact humain dans le réchauffement climatique, comme le notait une étude de 2020 repérée par France 24.

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « La voiture électrique, c’est 50 % plus cher qu’une voiture classique »

Les véhicules électriques sont « plus lourds et plus chers en moyenne, reconnaît Olivier Vidal, directeur de recherche au CNRS, à l’Institut des sciences de la Terre de Grenoble, car ils copient les gros SUV thermiques, il est là le non-sens. » Un avis que partage Pierre Lefaivle, responsable transports du Réseau action climat. Ce regroupement d’associations écologiques défend l’électromobilité sous certaines conditions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Cette barrière à l’achat est en grande partie liée aux choix des constructeurs européens qui favorisent les véhicules premium, analyse Pierre Lefaivle. Cette tendance se vérifie aussi pour les thermiques, avec, en dix ans, un prix moyen du neuf passé de 20.000 à 27.000 euros. En France, le véhicule électrique neuf le moins cher est à un peu plus de 20.000 euros, il baisse à 15.800 avec le bonus écologique.

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « Il faudra toujours une batterie de 400 kg. Dans un kilo de batterie électrique, il y a 30 fois moins d’énergie que dans un kilo d’essence et, ça on n’y changera rien, c’est des lois physiques. »

Le poids d’une batterie électrique est généralement compris entre 250 kg et 300 kg, écrivions-nous l’an dernier. Les modèles de voitures électriques plus puissants ont logiquement une batterie plus lourde pour assurer leur autonomie : les batteries des Tesla pèsent entre 430 kg et 600 kg. 400 kg, c’est donc une batterie lourde.

Des batteries plus légères existent : la Dacia Spring qui pèse moins d’une tonne a une batterie de 186 kg. « Elle a une autonomie de 200 km, nous explique Olivier Vidal, qui roule avec ce modèle. Donc, il faut environ 1kg de batterie pour faire 1 km. Avec 1L d’essence, on fait 15 km. S’il est vrai qu’on a 30 fois plus d’énergie dans 1 kg d’essence que dans 1 kg de batterie, il faut aussi dire que le rendement d’un moteur électrique est deux fois plus grand que celui d’un moteur thermique, qui produit beaucoup de chaleur pour rien. Ça aussi, c’est de la physique ! », s’exclame-t-il.

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « La voiture électrique aura une autonomie extrêmement faible qui n’est pas gênante pour aller travailler tous les jours, mais si vous voulez aller au bout de la France et en particulier les jours de grand départ vous ne pourrez pas les recharger sur autoroute. »

Pour Pierre Lefaivle, du Réseau action climat, l’électrique ne doit pas être pensé comme la solution unique. « Il faut sortir de l’idée que le véhicule électrique remplacera le véhicule thermique tel qu’on l’a aujourd’hui, ce n’est pas possible et ce n’est pas souhaitable », appuie-t-il, il faut « une refonte plus globale de nos mobilités ». Sur un trajet long, cela peut signifier par exemple de le penser par étapes, d’avoir un système de bornes rapides, bien conçu et efficace. Il faut aussi favoriser et développer les transports en commun comme le train.

En France, le secteur des transports est le premier émetteur de CO2, avec plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre selon l’édition 2021 des Chiffres clés du climat France, Europe et Monde, publiée par le Service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique. « C’est le seul secteur qui ne baisse pas depuis 15 ans, souligne le responsable transports du RAC. On est vraiment dans une impasse. Notre système actuel de mobilité ne répond pas aux enjeux de réduction de la pollution atmosphérique, de réduction des gaz à effet de serre et aussi d’accès à la mobilité ; 4 millions de personnes n’ont accès à aucune mobilité [d’après le baromètre des mobilités en France de la Fondation pour la nature et l’Homme]. »

  • Ce qu’a dit Christian Gerondeau : « Une voiture électrique, ça émet beaucoup de CO2 au moment de la fabrication »

L’analyse de cycle de vie permet d’évaluer tous les impacts environnementaux de la construction d’un véhicule. Mais même en prenant en compte l’analyse de tout son cycle de vie, « le véhicule électrique pollue trois à cinq fois moins qu’un véhicule thermique », souligne Pierre Lefaivle, en se basant sur un outil développé par l’Association transports et environnement (ATE). Ce dernier permet de comparer l’écart d’émissions de CO2 entre véhicules thermiques et électriques.

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