L’organisation d’un référendum d’initiative partagé pourrait-elle suspendre la réforme des retraites pendant neuf mois?


L’organisation d’un référendum d’initiative partagé pourrait-elle suspendre la réforme des retraites pendant neuf mois?

Publié le mercredi 22 mars 2023 à 13:25

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Des députés LFI à l'Assemblée nationale le 16 mars 2023.

(Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

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Emma Donada

En droit, rien n’empêche le gouvernement d’appliquer la réforme des retraites sans attendre le résultat de la procédure visant à organiser un RIP, demandée par l’opposition et dont la mise en place est particulièrement ardue.

Après le 49.3, et dans l’attente des débats sur les motions de censure, la gauche prépare la suite de sa bataille contre la réforme des retraites. Une proposition de loi signée par 252 élus a été déposée vendredi, afin d’organiser un référendum d’initiative partagée (RIP) visant à empêcher de fixer l’âge légal de départ au-delà de 62 ans. Cet outil prévu par la Constitution donne la possibilité de soumettre – au bout d’un long parcours – une proposition de loi au référendum.

Mais pour Fabien Roussel, interrogé sur LCI le 16 mars, cet outil permet surtout de gagner du temps. «Pendant cette bataille, la loi est suspendue», a-t-il affirmé. Et d’insister : «pendant ces neuf mois, la réforme est suspendue, déposer ce RIP […] c’est suspendre l’application de cette loi». Avant de nuancer un plus tard dans la journée : «dès que la procédure est déposée au Conseil constitutionnel, nous demandons que la réforme soit suspendue», a-t-il indiqué sur BFMTV. Sur Europe 1, la vice-présidente PS de l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, assurait aussi, le 14 mars, que le RIP «permet de bloquer, pendant neuf mois, la mise en œuvre de cette réforme et peut-être de faire en sorte qu’elle ne voit jamais le jour», tout en précisant que le RIP n’empêchait pas la promulgation.

Feu vert

Pour rappel, la recevabilité du texte déposé vendredi doit être validée par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet. Ensuite, le Conseil constitutionnel aura un mois pour vérifier que la proposition respecte les conditions fixées par l’article 11 de la Constitution, comme le fait de porter «sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale».

Si le Conseil donne son feu vert, les parlementaires auront neuf mois pour réunir la signature du 10 % du corps électoral, soit environ 4,8 millions de personnes. Cette étape, qui entraînerait selon Fabien Roussel et Valérie Rabault une suspension de la réforme, est particulièrement ardue. Pour rappel, le RIP organisé afin d’empêcher la privatisation des Aéroports de Paris (ADP) n’avait réuni qu’un million de signatures sur les 4,7 millions nécessaires à l’époque. En cas de succès, la proposition de loi empêchant de reculer l’âge de départ doit être examinée au moins une fois par l’Assemblée et le Sénat dans un délai de six mois faute de quoi le président de la République doit la soumettre au référendum.

Prudence

En droit, selon le constitutionnaliste Didier Maus, le déclenchement d’un RIP n’empêche pas, effectivement, le gouvernement de promulguer la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 qui comporte le recul de l’âge légal de départ à 64 ans. Le spécialiste prend pour exemple la précédente tentative lancée en avril 2019 pour empêcher la privatisation d’ADP«La loi [Pacte] dans laquelle on retrouve la décision sur ADP a fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel le 16 mai 2019 et a été promulguée le 23 mai. Le RIP [dont la phase de recueil des signatures s’est achevée le 12 mars 2020, ndlr] n’a pas entraîné la suspension de la loi», indique Didier Maus.

Le recours au RIP pour bloquer l’application d’une loi «n’est pas un cas de figure prévu au départ», estime-t-il. Autrement dit, une fois la loi promulguée, le gouvernement pourrait décider d’appliquer la réforme des retraites sans attendre la fin de la phase du recueil des signatures. Mais «même si la loi est promulguée, la prudence serait d’attendre», commente Didier Maus. Les décrets d’application de la loi instaurant la privatisation d’ADP n’ont par exemple jamais été publiés, le gouvernement ayant décidé de repousser le projet au moment de la crise sanitaire.