Non, les automobilistes qui boivent et se droguent ne risquent pas une sanction moins lourde que ceux qui ne consomment «que» des stupéfiants


Non, les automobilistes qui boivent et se droguent ne risquent pas une sanction moins lourde que ceux qui ne consomment «que» des stupéfiants

Publié le jeudi 20 juillet 2023 à 10:17

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Image d'illustration.

(François Guillot/AFP)

Auteur(s)

Jacques Pezet

Diffusé pendant le journal télévisé de M6 le 17 juillet, un graphique simplifié a suscité des railleries.

Sur Twitter, une capture d’écran postée par Vincent Flibustier, le fondateur du site satirique belge Nordpresse, a amusé la galerie en raison de son caractère absurde.

Elle montre une image où l’on peut voir l’habillage du journal télé de M6, annonçant la volonté du gouvernement de s’attaquer aux comportements addictifs au volant.

Or selon cette capture, on peut comprendre qu’un automobiliste qui conduit sous stupéfiant risque une suspension du permis de conduire, tandis que celui qui conduit sous stupéfiants et sous l’emprise d’alcool risque «seulement» un retrait de huit points.

Vincent Flibustier sous-entend alors que, d’après ce graphique, conduire sous l’emprise de plusieurs produits cumulés serait moins sévèrement sanctionné. «Ah bah ça va alors suffit de boire un petit coup après son petit joint», s’amuse-t-il. D’autres comptes influents, comme la page Salade Niçoise, suivie par 182 000 abonnés sur Instagram, ont également relayé la capture en estimant qu’il «y a un gros souci de cohérence».

CheckNews a vérifié l’authenticité de cette image, qui a bien été diffusée, lundi 17 juillet à 19h56, dans le journal télévisé de M6, au sein d’un sujet consacré à l’annonce du gouvernement sur le durcissement des mesures pour lutter contre les addictions au volant. La voix off de la journaliste indique alors que «l’homicide routier est la mesure phare d’un plan pour la sécurité routière dévoilé cet après-midi par la Première ministre. Le gouvernement veut rendre obligatoire la suspension du permis en cas de conduite sous stupéfiants. Actuellement les préfets ont le choix. Un automobiliste sous l’effet de la drogue et de l’alcool risquerait à l’avenir un retrait de huit points contre six actuellement».

Confusion entre retrait et suspension de permis

Si la capture d’écran paraît contre-intuitive, c’est qu’elle s’avère incomplète. Même si elle reprend globalement les annonces gouvernementales : lors de sa conférence de presse, lundi, Elisabeth Borne a annoncé que le gouvernement allait «rendre automatique la suspension du permis en cas de conduite sous l’emprise de stupéfiants». Le ministre de l’Intérieur a ensuite précisé que la conduite sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants conduira au «retrait de 8 points contre 6 points aujourd’hui».

Auprès de CheckNews, le service presse de la sécurité routière donne la clé de compréhension de ces deux mesures : elles seront en fait cumulatives, ce qui n’est pas indiqué dans le graphique de M6.

Et cela semblait impossible pour de nombreux internautes, en raison de la confusion qui peut exister entre suspension du permis, une mesure temporaire, et le retrait de permis, qui est définitif lorsqu’on a perdu tous ses points. Ainsi, il est tout à fait possible de voir son permis suspendu pour quelques mois, et de perdre huit points en même temps.

Concrètement : un automobiliste qui conduira uniquement sous l’emprise de stupéfiants verra son permis de conduire automatiquement suspendu – cette mesure étant jusqu’à présent facultative – et perdra six points sur son permis. D’après le communiqué de presse publié par Matignon, il en sera de même pour un conducteur sous l’emprise de l’alcool uniquement (ce que ne précise pas non plus le graphique de M6). Le nombre de points perdus, dans cette situation, demeure inchangé, confirme le ministère de l’Intérieur à Checknews. Les conducteurs, dans ces deux situations, s’exposent également à des sanctions allant jusqu’à 2 ans de prison, 4 500 € d’amende ainsi qu’à une suspension judiciaire du permis de plus de 3 ans.

Immobilisation et confiscation

Concernant l’automobiliste qui aura pris des stupéfiants et consommé de l’alcool en même temps, la sanction prendra la forme d’un retrait de huit points sur le permis (sur douze points, soit les deux tiers), et également d’une suspension de permis, rendue automatique. Sur le plan judiciaire, il risque une peine de 3 ans d’emprisonnement, de 9 000 euros d’amende et d’une suspension judiciaire du permis de conduire de plus de 3 ans.

A noter qu’en décidant de retirer huit points en cas de consommation de stupéfiant aggravée par un état alcoolique, le gouvernement vise le nombre maximum de points qui peuvent être retirés même si l’on commet plusieurs infractions simultanément. Un automobiliste qui cumule consommations d’alcool et de stupéfiant risque donc de perdre son permis s’il avait déjà commis d’autres infractions entraînant des pertes de points.

A ces retraits de huit points, s’ajoutent d’autres mesures pour cette infraction. Le gouvernement prévoit ainsi de systématiser l’immobilisation et la mise en fourrière du véhicule et de rendre sa confiscation obligatoire. Si la confiscation est confirmée par le juge, alors le véhicule est remis au service des domaines pour être détruit ou vendu aux enchères. Le gouvernement étudie également la possibilité de mettre en place «un stage obligatoire de prévention sur les risques encourus par la consommation de drogue, pour les conducteurs contrôlés positifs aux stupéfiants, à leurs frais».