VRAI OU FAUX. Les bonnes résolutions du Nouvel An sont-elles vraiment efficaces pour changer ses habitudes ?


VRAI OU FAUX. Les bonnes résolutions du Nouvel An sont-elles vraiment efficaces pour changer ses habitudes ?

Publié le lundi 8 janvier 2024 à 15:50

– Mis à jour le vendredi 5 janvier 2024 à 15:08

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Des joggeurs traversent une forêt à Stuttgart, capitale du Bade-Wurtemberg (Allemagne), le 3 décembre 2023.

(GEORG MORITZ / DPA)

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Linh-Lan Dao - franceinfo

Si les engagements pris pour la nouvelle année sont souvent difficiles à tenir sur le long terme, la manière de les formuler et les motivations profondes peuvent constituer des facteurs de réussite, selon une des rares études sur la question.

Perdre du poids, se mettre au sport, arrêter de fumer… À l'approche de 2024, les bonnes résolutions se profilent, et ressemblent étrangement à celles de l'an passé. C'est pourtant une tradition populaire. Selon le baromètre Sport-Santé d'Ipsos pour la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire, qui dresse un panorama des résolutions des Français pour 2024, 34% souhaitent pratiquer une activité physique ou sportive régulière, 23% se promettent de passer plus de temps avec leur famille, 23% veulent se réserver de vrais moments de détente...

Ce même sondage, détaillé dans La Dépêche du Midi , avance que près de trois Français sur cinq (59%) ont réussi à tenir au moins une de leurs bonnes résolutions prises début 2023. Mais l'efficacité de ces engagements du Nouvel An est depuis longtemps débattue. Le psychologue britannique Richard Wiseman, qui a suivi plus de 3 000 personnes tentant de tenir une résolution au fil de l'année 2007, a constaté que seulement 12% y étaient parvenus après un an, selon des résultats publiés sur son site (mais pas dans une revue scientifique). Alors, est-il vraiment utile de se promettre de changer à chaque début d'année ? Franceinfo démêle le vrai du faux.

Sur le sujet, la littérature scientifique est rare. L'étude la plus large sur les résolutions du Nouvel An a été menée par l'Université de Stockholm (Suède) auprès de 1 067 participants volontaires, au fil de l'année 2017, et publiée par la revue PLOS One. Elle observe que 55% d'entre eux ont réussi à maintenir leurs résolutions au bout d'un an. "Ce chiffre est impressionnant, car les changements comportementaux ne sont pas faciles à mettre en place", souligne auprès de franceinfo Per Carlbring, co-auteur de l'étude et chercheur en psychologie.

"En Suède, les résolutions du Nouvel An ont mauvaise réputation. Il y a toujours quelqu'un pour dire : 'Je n'ai qu'une résolution pour le Nouvel An, c'est de n'en avoir aucune !' Je voulais donc vérifier si cette réputation correspondait à la réalité", explique Per Carlbring. Le chercheur de l'Université de Stockholm estime que cette image négative "n'est pas méritée" : "Les résolutions peuvent inciter à réaliser des changements importants et positifs dans la vie des gens".

Les formulations négatives "moins efficaces"

Mais pour réussir, la façon de formuler une résolution est déterminante, ont observé les chercheurs suédois. Les personnes ayant eu "des objectifs axés sur l'approche", par exemple introduire de bonnes habitudes, ont eu davantage de succès (58,9%) que celles qui s'étaient fixé "des objectifs axés sur l'évitement" (47,1%), comme "arrêter les sucreries". Per Carlbring conseille donc de prendre du recul et de transformer les objectifs négatifs en objectifs positifs : "Vous mangez toujours une sucrerie à 15 heures ? C'est peut-être parce que votre glycémie est faible. Dans ce cas, vous pourriez mettre en place un objectif 'orienté sur l'approche', c'est-à-dire manger une pomme à 14 heures, afin de résoudre votre problème." Cette étude suggère donc qu'avec une formulation positive, les résolutions du Nouvel An peuvent avoir des effets durables, même après un an de suivi.

"On ne peut pas effacer un comportement, mais on peut le remplacer."Per Carlbring, chercheur en psychologie à l'Université de Stockholmà franceinfo

Les participants à l'étude suédoise ont été divisés en trois groupes, qui bénéficiaient de niveaux d'accompagnement différents : un premier groupe sans aucun soutien, un deuxième ayant reçu un soutien modéré, et un troisième avec un soutien renforcé. Le groupe ayant reçu un niveau moyen de soutien – une personne désignée pour les encourager toute l'année, un suivi mensuel et des mails d'informations et d'exercices – a eu davantage de succès que les deux autres. Comment expliquer que le groupe soutenu le plus étroitement ne soit pas celui qui a le mieux réussi ? Un suivi trop poussé peut s'avérer contre-productif, suggère le chercheur suédois : "Peut-être que ça leur rappelait que les choses n'allaient pas comme ils voulaient". L'étude souligne également que le groupe le plus suivi était invité à formuler des objectifs plus précis, qui ont pu faciliter un sentiment d'échec.

Des effets qui diminuent avec le temps

Quel que soit le groupe, les chercheurs ont tout de même observé que l'application des résolutions diminuait avec le temps. "Au début, les gens sont très enthousiastes, mais il leur arrive de fixer des objectifs trop ambitieux. Il est important de savoir bien aborder la rechute, quand elle a lieu", estime Per Carlbring. "On peut se fixer un objectif irréaliste et arriver à le tenir, mais à condition de le diviser en plusieurs objectifs intermédiaires. Par exemple, courir un marathon pour l'été 2024 ne semble pas réaliste, mais cela peut l'être pour 2025", illustre le chercheur.

Et si la difficulté à persévérer pouvait s'expliquer par la nature profonde des motivations ? "Perdre du poids est l'un des objectifs les plus courants du Nouvel An, et sur lequel les gens ont tendance à échouer", observe Richard Ryan, professeur de psychologie à l'Université de Rochester (Etats-Unis) et expert des questions de motivation, sur le site de son université"Il s'agit souvent d'une pression interne ou externe, par opposition à un objectif qu'ils pourraient intrinsèquement valoriser, comme avoir une meilleure santé ou vitalité. Si l'objectif n'est pas 'authentique', et ne vient pas de leurs propres valeurs ou intérêts, l'énergie qui y est consacrée s'estompe rapidement", analyse le chercheur américain.

L'Université de Stockholm prépare une nouvelle étude sur les bonnes résolutions du Nouvel An. Cette fois-ci, les 2 000 participants seront divisés en trois groupes différents : l'un sans soutien, l'un recevant un soutien social et le dernier appliquant une méthode nommée "SMART" pour mieux formuler son objectif, qui devra être "spécifique, mesurable, attractif et réalisable, réaliste et limité dans le temps""Economiser de l'argent, ce n'est pas spécifique. Mais faire un virement automatique de 50 euros par mois vers un autre compte, ça l'est", illustre Per Carlbring.

Aider les autres, plutôt que soi-même

La première étude suédoise montre aussi que l'écrasante majorité des résolutions sont autocentrées : 33% portent sur la santé physique, 20% sur la perte de poids, 13% sur les habitudes alimentaires, 9% sur le développement personnel, 5% sur la santé mentale ou le sommeil... Richard Ryan, le professeur de l'Université de Rochester, propose une alternative à ce type de résolutions : aider les autres. Selon une étude menée par le chercheur en psychologie et publiée en 2010, les participants éprouvent une satisfaction plus profonde lorsque leurs objectifs sont davantage orientés vers autrui que vers eux-mêmes.

Pour Richard Ryan, donner aux autres permet de répondre aux trois besoins psychologiques fondamentaux identifiés dans la "théorie de l'autodétermination" : l'autonomie ; le sentiment d'utilité et de compétence ; et l'appartenance sociale, via le travail et la connexion aux autres. Les fondements, selon le chercheur, de la motivation humaine. "La recherche montre que ce n'est pas seulement bon pour le monde, mais aussi très bon pour vous", assure-t-il.