Attention à cette infox selon laquelle des "morceaux d'ADN" introduits par les vaccins Covid provoquent des cancers


Attention à cette infox selon laquelle des "morceaux d'ADN" introduits par les vaccins Covid provoquent des cancers

Publié le mardi 10 octobre 2023 à 16:59

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(Frederic J. BROWN / AFP)

Auteur(s)

Rob Lever / AFP Etats-Unis / AFP France

Les vaccins à ARN messager, comme celui de Pfizer contre le Covid-19, ne peuvent pas modifier le génome, comme l'expliquent les experts depuis bientôt trois ans. Pourtant, des publications récentes assurant le contraire et affirmant que non seulement ils pourraient modifier l'ADN mais aussi qu'ils provoqueraient des atteintes cardiaques ou des cancers, ont  massivement circulé sur les réseaux sociaux. Mais il s'agit de suppositions non étayées et d'extrapolations, indiquent les experts interrogés par l'AFP: non seulement la présence d'ADN dans les vaccins n'a jamais été prouvée, mais même si cela arrivait, il est fortement improbable que cela puisse entraîner des cancers.

Tout a commencé avec une audience du biologiste Phillip Buckhaults (archive), de l'université de Caroline du Sud, devant une commission sénatoriale le 13 septembre au sujet de ses recherches sur les vaccins Covid. 

"C'est étonnant de retrouver de l'ADN là-dedans [dans les vaccins, NLDR], et vous pouvez vous demander ce que c'est et comment c'est arrivé là", a déclaré Phillip Buckhaults lors de l'audition filmée et rediffusée notamment sur YouTube.

Il a ajouté: "et je suis assez inquiet des conséquences possibles".

Le 18 septembre sur X (anciennement Twitter), un internaute américain partage la vidéo de l'audience avec ce commentaire (en anglais): "en d'autres termes, ce vaccin va changer votre ADN pour toujours". Son message est partagé plus de 2.500 fois.

En France aussi, la vidéo, parfois doublée en français, circule largement. Sur Facebook, cette publication diffusant la vidéo a été partagée 13.000 fois au 9 octobre, avec ce résumé "Le vaccin Pfizer est contaminé, il ne contient pas que de l'ARNm, il contient des morceaux d'ADN, cet ADN pourrait causer des effets graves".

Parmi les publications en anglais, certains reprennent des citations du scientifique comme "il y a probablement à peu près 200 milliards de morceaux de plasmide [des petits fragments d'ADN, NDLR] dans chaque dose de vaccin" ou encore: "ça pourrait provoquer des effets secondaires rares, mais graves, comme la mort ou des arrêts cardiaques (...) il y a aussi un risque très théorique de futur cancer chez certains".

Quelques jours plus tard, le 23 septembre, le Dr Buckhaults nuance un peu sa position dans un message sur X: "l'ADN est réel, mais le risque posé par cet ADN est théorique. Il ne faut pas paniquer sur une vaccination passée".

"Ces vaccins ont sauvé de nombreuses vies. Bien plus que le nombre de personnes qui ont eu des effets secondaires de ces vaccins. Donc au final, ces vaccins sont un succès", conclut-t-il.

Des affirmations sans fondement

Interrogé par l'AFP, le virologue Michael Imperiale (archive), de l'Université du Michigan, aux Etats-Unis, assure que les affirmations de Buckhaults sur une contamination par l'ADN sont sans fondement. Selon la législation en vigueur aux Etats-Unis, si des lots de vaccins contenaient des ingrédients indésirables, ils seraient retirés du marché.

Dans le passé, l'AFP a déjà vérifié des fausses informations autour de la théorie d'une modification du génome humain par les vaccins à ARNm, comme ici ou .

Pas d'ADN dans les ingrédients du vaccin

Les vaccins à ARN messager, dont il est question dans ces publications trompeuses, reposent sur une technologie différente (archive) de celle des précédents vaccins. Au lieu de confronter le système immunitaire à une partie d'un virus affaibli ou d'une forme inactivée du virus pour susciter des anticorps, ces vaccins donnent aux cellules un mode d'emploi génétique (archive) indiquant au corps comment produire- sur une durée limitée - une partie du virus : la protéine "spike" ("pointe" en anglais).

Les vaccins ne contiennent donc pas la protéine elle-même, mais ils transmettent des instructions contenues dans l'ARN messager.

En juillet, le ministère de la Santé canadien a assuré à l'AFP que "les vaccins Covid à ARNm ne contiennent pas d'ADN parmi leurs  ingrédients (archive) ".

"L'ARN messager n'entre jamais dans le noyau de la cellule, où l'on trouve l'ADN, and l'ADN des cellules ne peut pas être modifié par les vaccins à ARNm", rappelle le ministère.

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Présentation de la technologie des vaccins à ARN messager

AFP

 

Et quand bien même les vaccins Covid contiendraient des fragments d'ADN, selon le Pr Imperiale, "rien de dangereux ne se passerait".

Pour affecter le génome, les particules devraient "entrer dans des cellules en division", et non uniquement dans les cellules du muscle ou de la peau dans lesquelles le vaccin est introduit.

"Et pour que ça provoque le cancer, il faudrait que l'ADN s'incorpore justement dans le génome responsable du cancer et active ce gène, ce qu'il ne peut absolument pas faire", ajoute le médecin.

Le chirurgien et oncologue américain David Gorski (archive) très actif dans la lutte contre la désinformation médicale- a commenté en anglais sur son blog (archivé ici) le 21 septembre les propos du Pr Buckhaults.

Selon lui, "ça a l'air effrayant mais c'est très hautement improbable", ajoute le Pr Gorski, estimant qu'il n'y a "aucune preuve ou piste biologique qui permette d'établir un lien entre de minuscules morceaux d'ADN et un arrêt cardiaque ou la mort subite".

Doutes sur la qualité des échantillons

Le 27 septembre encore, la FDA (Food and Drug Administration), l'agence du médicament américaine, a rappelé dans un communiqué que les vaccins Covid "ont été - et continuent d'être - sous la surveillance la plus intense de toute l'histoire des vaccins aux Etats-Unis".

L'agence a aussi réitéré que ses services comme les Centres de contrôle des maladies (CDC) "défendent fermement la sécurité et l'efficacité" des vaccins.

Sur leur site (archive), les CDC expliquent que la FDA "surveille la qualité du produit des vaccins en temps réel en demandant aux producteurs de fournir des échantillons de chaque lot pour les tester". "Quand la qualité est cohérente d'un lot à l'autre, la FDA peut assurer que le produit reste fiable et sûr pour les gens", ajoute le document des CDC, précisant que la chaîne de production est aussi régulièrement contrôlée.

Le Pr Gorski lui, reproche au Pr Buckhaults de ne pas mentionner la "traçabilité et des conditions de stockage" des fioles de vaccins qu'il a testées, ce qui pourrait expliquer selon lui une dégradation de l'ARN dans ces "fioles de vaccins usagées contenant des restes de solutions".

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