Reconstitution partielle des glaces

Calottes et banquises fondent en été et se reconstituent en hiver. "Ce cycle annuel de fonte et de gel a lieu depuis la nuit des temps", remarque François Massonnet, chercheur au Earth and Life Institute de l’Université catholique de Louvain en Belgique.

"Mais depuis 40 ans on perd beaucoup plus de glace pendant la période de fonte qu'on en regagne en hiver. Et c'est à cause de cela que d'années en années, sur un mois donné, il y a de moins en moins de glace"

C’est ce que confirment les données 2023 prévisionnelles de l'Organisation météorologique mondiale (OMM).

La cause en est connue : le réchauffement climatique dû aux activités humaines.

Réchauffement accéléré de l’Arctique

La région arctique s’est réchauffée depuis 1979 "près de quatre fois plus vite" que le reste du monde (Source : étude publiée en août 2022 dans la revue Communications Earth & Environment du groupe Nature).

En termes de superficie, la calotte glaciaire du mois de juin en Arctique a diminué en moyenne de 13,4% par décennie entre 1967 et 2018, "soit une perte totale d’environ 2,5 millions de kilomètres carrés, en raison principalement de la hausse de la température de surface de l’air" (Source : rapport spécial du Giec sur l’océan et la cryosphère de 2019).

La masse de la calotte glaciaire du Groenland a ainsi perdu en moyenne 4.890 gigatonnes (milliards de tonnes) entre 1992 et 2020, correspondant à une élévation du niveau moyen de la mer de quelque 13,5 millimètres.

Surtout, le rythme de la fonte annuelle moyenne de la calotte arctique s'est clairement accéléré : elle a perdu 39 gigatonnes sur la période 1992-1999, 175 gigatonnes sur 2000-2009 et 243 gigatonnes sur 2010-2019

(Source : chapitre 9 du rapport du groupe I dans le cadre du 6e rapport du Giec)

"Entre 1972 et 2021, la calotte du Groenland a perdu 108 gigatonnes de glace par an, contribuant à une élévation de la mer de 14,9 mm", soit "5.850 km3" (Source : Copernicus).

Quant à la banquise arctique, sa superficie moyenne annuelle a atteint en 2011-2020 "son niveau le plus bas depuis au moins 1850" (Source : sixième rapport du Giec, travaux du groupe I).

La fonte de la banquise est particulièrement forte depuis les années 1980 (Sources : Nasa, National snow and ice data center) : "entre 1979 et 2022, elle a diminué à un taux moyen d’environ 2,6% par décennie en mars (soit la fin de l’hiver, où elle atteint sa superficie maximale, NDLR) et 13,6% en septembre (soit à la fin de l’été, où elle atteint sa superficie minimale, NDLR)" (Source : Copernicus).

Dans l'Antarctique, fonte de la calotte, évolutions "contrastées" de la banquise

Une étude publiée en 2018 dans Nature et considérée comme une référence a clairement montré le déclin de la calotte antarctique, et une étude publiée en 2023 dans la revue Nature Climate Change ont montré que l'Antarctique se réchauffe deux fois plus vite qu'anticipé par les scientifiques.

La masse de la calotte glaciaire de l’Antarctique a perdu en moyenne 2.670 gigatonnes sur la période 1992-2020, correspondant à une élévation du niveau moyen de la mer de quelque 7,4 millimètres.

Même s'il semble moindre que celui enregistré en Arctique, le rythme de la fonte a aussi accéléré ces dernières décennies : 49 gigatonnes par an en moyenne sur la période 1992–1999, 70 gigatonnes en moyenne sur 2000–2009 et 148 gigatonnes sur 2010–2019(Source : chapitre 9 des travaux du groupe I dans le cadre du 6e rapport du Giec).

"Entre 1979 et 2021, la calotte de L'Antarctique a perdu 114 gigatonnes, contribuant à une élévation de 13,7 mm du niveau de la mer"

(Source : Copernicus)

Côté banquise, "la superficie de la glace de mer de l’Antarctique a atteint un record bas absolu pour l'ère satellitaire le 21 février 2023" (Source : données 2023 prévisionnelles de l'OMM).

Cependant, à ce jour, "malgré des records minimum successifs atteints en février 2022 et 2023, la superficie totale de la glace de mer montre une importante variabilité d’une année sur l’autre et pas de tendance de long terme claire depuis 1979" , en raison d'évolutions "contrastées" de la glace de mer dans l’océan Austral et de réponses de l’environnement au changement climatique "plus complexes" dans cette partie du monde que dans l’Arctique (Source : Copernicus). A noter que les scientifiques disposent également de relativement moins de données pour cette région que dans la zone arctique.

Hausse du niveau des mers

Pour l'avenir, "un réchauffement supplémentaire devrait encore augmenter la fonte du pergélisol [ou "permafrost", sol perpétuellement gelé, NDLR] et la perte de la couverture neigeuse saisonnière, de la glace de sol et de la banquise arctique" (Source : résumé à l’intention des décideurs du 6e rapport du Giec).

Ainsi, la région arctique "devrait être pratiquement exempte de glace de mer en septembre au moins une fois avant 2050"

(Source : résumé à l’intention des décideurs du 6e rapport du Giec)

Pour l'Antarctique, les études prédisent également une fonte de la superficie et du volume de la calotte plus ou moins rapide selon l’ampleur du réchauffement (1, 2, 3) ainsi que des plateformes de glace, ou "ice-shelves", qui ceinturent le continent. Cette fonte est inéluctable en Antarctique occidental (étude parue en octobre 2023 dans Nature Climate Change).

Les conséquences de la fonte sont déjà manifestes : le niveau des océans monte et les ours polaires sont menacés.

La fonte de la banquise, elle, ne fait pas monter le niveau de la mer : en vertu du principe de la poussée d'Archimède, comme cette glace qui flotte sur l’océan déplace un volume d’eau de mer d'un poids égal à celui de la glace, l'eau de fonte occupera exactement le même volume d’eau de mer glacée (Sources : revue La Recherche et Université de Yale). Mais elle contribue au réchauffement climatique, car l'océan se met alors à absorber le rayonnement solaire qui était auparavant réfléchi par la banquise blanche.

Evolution de l'étendue de la banquise mesurée en septembre depuis 1980 ( Simon MALFATTO / AFP)

Archives des liens de cette fiche :

Calottes et banquises
Cycle de fonte et de gel
François Massonnet
Données 2023 prévisionnelles de l'OMM
Etude août 2022
Rapport spécial du Giec sur l’océan et la cryosphère de 2019
Chapitre 9 du rapport du groupe I dans le cadre du 6e rapport du Giec
Copernicus (calotte)
Sixième rapport du Giec, travaux du groupe I
Nasa
National snow and ice data center
Copernicus - banquise arctique
Etude publiée en 2018 dans Nature
L'Antarctique se réchauffe deux fois plus qu'anticipé par les scientifiques
Relativement moins de données sur l'Antarctique
Résumé à l’intention des décideurs du 6e rapport du Giec
Etudes prédisant une fonte de l'Antarctique (1, 2, 3)
"Ice-shelves"
Etude parue en octobre 2023 dans Nature Climate Change
Revue La Recherche
Université de Yale

Retrouvez les articles de vérification de l’AFP sur le thème de la fonte des calottes et des banquises :

La fonte accélérée de la calotte glaciaire du Groenland est bien due aux activités humaines
La glace de mer de l’Arctique ne s’est pas reconstituée plus vite que prévu, au contraire, elle diminue
Le début d’été le plus froid en Arctique depuis 64 ans ? Attention aux conclusions de ce texte
Non, l’étendue de la glace de mer arctique n’a pas atteint un niveau record
La Nasa “confirme que le réchauffement climatique est une fraude” car l’Antarctique gagne de la glace ? C’est faux
Cette ancienne vidéo sur des températures d’une carotte de glace du Groenland ne prouve pas que le réchauffement climatique est naturel