Ce général américain est mort dans un accident d'avion aux Etats-Unis, pas en Ukraine
Ce général américain est mort dans un accident d'avion aux Etats-Unis, pas en Ukraine
Publié le lundi 11 septembre 2023 à 16:52
(Fabien ZAMORA)
© AGENCE FRANCE-PRESSE | 2024 | Tous droits réservés.
- Auteur(s)
Maja CZARNECKA / Fabien ZAMORA / AFP Pologne / AFP France
Après la mort fin juillet 2023 d'un général américain dans un accident d'avion aux Etats-Unis, des publications sur différents réseaux sociaux ont affirmé en août qu'il avait été tué par une frappe de missile russe en Ukraine, où il aurait été en "mission secrète" pour le compte de l'Otan. C'est faux. La mort du général Anthony Potts dans l'accident d'un avion de tourisme - confirmée par les autorités américaines - a été relatée dans la presse locale de l'Etat du Maryland avant la date de la frappe russe qui est supposée avoir tué le gradé en Ukraine selon ces publications virales.
"Missile Kinzal: Un général américain en mission secrète en Ukraine abattu.. #DécèsGénéralAnthonyPotts", a affirmé le 4 août en légende d'un montage vidéo sur Facebook une page appelée "RT partage officiel", suivie par environ 70.000 abonnés et qui semble faire référence au média russe Russia Today (RT), suspendue dans l'Union européenne. Le message fait référence au missile hypersonique russe Kinjal.
D'autres publications sur Facebook ont relayé plus tard cette affirmation, mettant en cause la version officielle de la mort dans un accident d'avion aux Etats-Unis, comme celle-ci de la page "Eveil panafricain" le 23 août : "Le général de division américain Anthony Potts a été tué lors d'une frappe de missiles russes sur le siège de l'OTAN dans la ville ukrainienne de Dnepropetrovsk. L'armée américaine admet sa mort, mais affirme qu'il a été tué dans un 'accident d'avion'".
Sur X (anciennement Twitter), ce scénario a également été relayé par plusieurs comptes, comme par exemple @MElK2939, se présentant comme Mona El Kettani, "Étudiante à l'université Sciences Po à Paris", qui a posté le 21 août : "Le général de division américain Anthony Potts a été tué lors d'une frappe de missiles russes sur le siège de l'OTAN dans la ville ukrainienne de Dnepropetrovsk L'armée américaine admet sa mort, mais affirme qu'il a été tué dans un 'accident d'avion' À quelle thèse on va croire? ", s'interroge le compte, ajoutant la photo d'un militaire américain barrée d'un tampon "Killed", "tué" en anglais.
Ce compte, créé en décembre 2020, publie principalement des informations sur la Russie et l'Ukraine. L'AFP a contacté le service de presse de Sciences Po à Paris qui a déclaré ne jamais avoir eu d'étudiante de ce nom, "ni aujourd'hui, ni dans le passé".
Ces affirmations sur la mort du général Potts ont été relayées sur plusieurs plateformes, notamment en anglais (ici, ici, ici), ou en portugais (ici).
Des recherches sur le général Anthony Potts en russe avec le moteur de recherche Yandex permettent en outre de trouver des posts sur les réseaux Telegram et VK (ici, ici, ici), affirmant que sa mort accidentelle aurait été inventée pour cacher sa mort en Ukraine.
Mais, comme nous allons le voir, plusieurs sources américaines affirment qu'il est mort aux Etats-Unis; et l'AFP a retrouvé mention de son décès avant la frappe de missile sur Dnipro, la ville où il aurait été tué (appelée Dnepropetrovsk dans les posts, qui utilisent son nom russe).
L'AFP a d'abord procédé à une recherche d'image inversée sur Google. La photographie est bien celle d'Anthony Potts: on la retrouve en effet dans la biographie de "Anthony W. Potts, Major General, U.S. Army" sur le site PEOC3T, (archivé ici) un programme de l'armée américaine travaillant sur les problématiques de commandement, contrôle et communications tactiques (C3T) à l'horizon 2030, d'après son site internet (archivé ici).
Major General est un des grades de général dans l'armée américaine.
Maryland
En recherchant sur Google avec les mots clés "Anthony Potts + crash", l'AFP a retrouvé un article du journal local Harford Daily Voice du 27 juillet 2023 (ici).
"Anthony Potts, 59 ans, qui vivait à Aberdeen Proving Ground, s'est écrasé avec un monomoteur aux alentours de 20H00 mardi 25 juillet" dans une zone appelée "Havre de Grace", selon l'article. Aberdeen Proving Ground est un site militaire établi dans le comté de Harford, dans le Maryland, au Nord-Est des Etats-Unis.
"Il a été déclaré mort sur place, et il n'y a pas eu de blessés ou de dégâts importants. Il s'est écrasé dans un champ pour éviter de provoquer des morts", affirme le quotidien, qui avait déjà évoqué l'accident deux jours plus tôt, sans dévoiler l'identité de l'unique occupant de l'appareil, un Piper PA-28.
Plusieurs médias américains se sont aussi fait l'écho de l'accident, comme le New York Post (archivé ici).
Les autorités militaires américaines ont aussi fait part du décès, via les sites de l'association de l'US Army (archivé ici), ou le media lié au Département de la Défense Star and Stripes (archivé ici).
L'accident de l'avion lui-même est aussi documenté de source officielle. Le National Transportation Safety Board (NTSB), un organisme public américain qui recense les accidents d'avions aux Etats-Unis (ici pour ceux du mois de juillet, archivé ici) a publié sur son site un rapport préliminaire sur l'accident d'un Piper PA-28 près de Churchville, le 25 juillet, peu après son décollage de l'aéroport du comté de Harford, provoquant la mort du pilote, qui n'est pas nommé.
Les services de secours du comté de Harford ont publié sur X dans la nuit du 25 au 26 juillet un post relatant le crash d'un avion ayant fait un mort (archivé ici)
Un éloge funèbre d'Anthony Potts a été mis en ligne sur le site de la Jefferson Funeral Chapel (ici), avec un livre de condoléances virtuelles.
Frappe sur Dnipro
En Ukraine, la ville de Dnipro est régulièrement la cible de frappes de l'armée russes. Il y a effectivement eu une attaque de missile fin juillet, mais c'était le 28 juillet, soit le lendemain de l'annonce de la mort du général Potts par le Harford Daily Voice.
Cette attaque, dont les principaux médias, dont l'AFP, se sont fait l'écho vendredi 28 (archivé ici) a visé un centre de commandement de l'armée ukrainienne, ont affirmé samedi 29 les autorités russes.
"Dans la soirée du 28 juillet, les forces armées russes ont frappé avec des armes de haute précision le centre de commandement des forces ukrainiennes à Dnipro. La cible a été touchée, l'objectif de la frappe atteint", a déclaré le ministère russe de la Défense dans un communiqué, cité par l'AFP ici (archivé ici).
L'AFP n'a en outre retrouvé pas retrouvé trace d'une éventuelle autre attaque de missile sur Dnipro aux alentours de cette date.
Depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les belligérants se livrent une féroce guerre de propagande qui passe notamment par des campagnes de désinformation. Côté russe, elles ont notamment pour objet de nier ou contrer les accusations de crimes de guerre attribués à Moscou, ou accuser les Ukrainiens d'être des "nazis". L'AFP a publié des articles sur ce narratif, comme ici.
Un autre angle d'attaque est d'affirmer qu'en plus de fournir du soutien matériel massif et du renseignement aux Ukrainiens, les Etats-Unis et l'Otan ont déployé des bases et opèrent clandestinement en Ukraine. Les fausses informations sur le général Potts s'inscrivent dans ce cadre.
En mai 2022, plusieurs fausses publications largement partagées affirmaient qu'un haut gradé américain avait été capturé en Ukraine. L'AFP avait démontré que c'était faux (ici en croate).
De même, l'AFP et d'autres organisations de vérification ont examiné plusieurs publications sur l'existence de bases de l'Otan en Ukraine, qui étaient fausses (ici en polonais par exemple)
Pour autant, la présence clandestine en Ukraine d'un petit nombre de militaires occidentaux a été évoquée, par exemple dans les "Pentagone Leaks" du printemps 2023, comme relayé notamment par le quotidien britannique le Guardian (archivé ici). Paris, Londres et Washington ont démenti à différents degrés de vigueur la présence de leurs forces spéciales en Ukraine comme l'a rapporté l'AFP ici (archivé ici).
Par ailleurs, il y a des bureaux de liaison de l'Otan en Ukraine, qui ne fait pas partie de l'Alliance, mais ceci ne peut pas être considéré comme des installations militaires ou des bases.
Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article
© AGENCE FRANCE-PRESSE | 2024 | Tous droits réservés. L’accès aux contenus de l'AFP publiés sur ce site et, le cas échéant, leur utilisation sont soumis aux conditions générales d'utilisation disponibles sur : https://www.afp.com/fr/cgu. Par conséquent, en accédant aux contenus de l’AFP publiés sur ce site, et en les utilisant, le cas échéant, vous acceptez d'être lié par les conditions générales d'utilisation susmentionnées. L’utilisation de contenus de l'AFP se fait sous votre seule et entière responsabilité.