Cette image largement relayée de Julian Assange a été générée par une IA


Cette image largement relayée de Julian Assange a été générée par une IA

Publié le mercredi 5 avril 2023 à 13:08

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(AFP)

Auteur(s)

Claire-Line NASS, AFP Royaume-Uni, AFP France

Julian Assange est incarcéré dans une prison près de Londres depuis 2019, et des organisations dénoncent régulièrement sa détention. Dans ce contexte, une image du fondateur de Wikileaks, visiblement très affaibli, a largement circulé sur les réseaux sociaux dans plusieurs pays depuis la fin du mois de mars. Mais il s'agit d'une image générée par intelligence artificielle, comme l'a expliqué son créateur. La femme de Julian Assange ainsi que son comité de soutien l'ont également confirmé à l'AFP.

"Pendant ce temps là, le prisonnier politique du camp du bien, Julian #Assange, dans l'indifférence générale, se meurt dans une prison londonienne. Sa faute ? Avoir dénoncé les crimes de l'armée américaine en Irak ?", interroge le texte d'un tweet partagé plus de 4.000 fois sur Twitter depuis le 31 mars, image d'un homme aux cheveux et à la barbe blanche semblant affaibli et épuisé à l'appui.

La même image a été diffusée sur Facebook (1, 2, 3, 4) et Instagram accompagnée de descriptions s'inquiétant ou dénonçant les conditions de détention de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, qui avait publié il y a plus de dix ans plus de 700.000 documents confidentiels sur les activités diplomatiques et militaires américaines, emprisonné au Royaume-Uni.

Cette image a été relayée avec des descriptions similaires sur Twitter et sur Facebook dans de nombreuses langues dont l'espagnol (1, 2), l'anglais (1, 2), l'allemand (1, 2), le néerlandais, dans de nombreux pays, parfois assurant qu'il s'agirait d'une photo qui aurait "fuité".

ffa42e8ede917d48ab5fdb1d2b145869578a56ee-ipad.jpgCapture d'écran prise sur Twitter le 04/04/2023

da1603e25413e93b3f6f6362c484eb3b9577efce-ipad.jpgCapture d'écran prise sur Instagram le 04/04/2023

Cette image n'est pas une vraie photo de Julian Assange, mais comme nous allons le voir, une image créée grâce à l'outil d'intelligence artificielle Midjourney, comme l'a indiqué son créateur, ce qu'ont confirmé le comité de soutien à la libération de Julian Assange et son épouse.

Des détails qui permettent de douter

En regardant l'image de plus près, il est possible de repérer quelques éléments pouvant mettre en doute le fait qu'il s'agisse d'une authentique photographie de Julian Assange. Comme détaillé dans ce précédent article de l'AFP Factuel, des indices sur l'image peuvent souvent permettre de déceler des visuels créés par IA.

En l'occurrence, certains détails du visage dont le pli d'une paupière, une sorte de trace blanche sur le nez, ainsi que la matière du vêtement porté par l'homme ou l'aspect granuleux du carrelage de l'arrière-plan de l'image sont autant de détails qui peuvent mettre sur la piste d'une image générée artificiellement.

En outre, un filigrane est visible en diagonale sur la photo, qui indique "photo property of 'E'", comme l'avaient d'ailleurs repéré plusieurs internautes à partir de certains des posts viraux.

85995d6fe8fd00881265fc49a3841e809908eec0-ipad.jpgCapture d'écran prise sur Twitter le 4/4/2023 avec éléments encadrés

Il est possible de retrouver ce "E" à l'aide d'une recherche d'image inversée, associée aux mots-clés "Julian Assange" : en cherchant parmi les premières occurrences de l'image, on parvient au compte Twitter d'un internaute nommé "The Errant Friend", qui l'avait publiée le 30 mars

"Vous DEVEZ absolument libérer Julian Assange. C'est une question de temps, et d'urgence. Il n'a pas un an de plus à attendre derrière les barreaux pendant que les rouages de la 'justice' l'écrasent lentement. Le moment est venu. C'est maintenant que vous devez parler, que vous devez vous lever. #FreeAssangeNOW", indique la description de sa publication.

Ce compte publie régulièrement des images générées par intelligence artificielle de personnalités. Le 17 mars, il avait déjà publié une autre image de Julian Assange, assis dans ce qui ressemble à une cellule, sur laquelle apparaissait le même filigrane indiquant "Photo property of E".

d300cf15ee97d2a52956e8d82bf0d9be7248826f-ipad.jpgCapture d'écran prise sur Twitter le 04/04/2023

Ce dernier s'était réjoui dès le 31 mars sur sa chaîne Telegram que l'image ait été diffusée de façon "hyper virale" afin d'attirer l'attention sur la situation de Julian Assange. Le lendemain, il avait également publié un message confirmant qu'il était à l'origine de l'image, indiquant l'avoir créée afin de "rendre réelle la souffrance, qui a été rapportée" de Julian Assange. 

"L'image a été conçue pour évoquer une réponse viscérale chez le spectateur, et le mettre face à un dilemme moral. Que faire lorsque Julian n'évoque pas seulement un souvenir et quelque chose d'insignifiant, mais est une figure souffrance humaine devant nos yeux ?", écrit "E" sur Telegram le 1er avril.

Il avait par ailleurs expliqué être l'auteur de l'image circulant sur les réseaux sociaux auprès de plusieurs médias, dont l'agence de presse américaine AP (lien archivé), ainsi que le média allemand Bild (lien archivé) et l'équipe de vérification d'informations de TF1 (lien archivé).

Contacté à l'AFP via son compte Twitter, "The Errant Friend" a confirmé être l'auteur de l'image le 5 avril 2023.

Il s'est présenté comme un "ancien développeur central d'AssangeDAO [un projet soutenant la libération du fondateur de Wikileaks, NDLR] et d'autres projets liés à Assange" et a expliqué avoir généré cette image à partir de "la version 5 de MidJourney, un créateur d'images par IA", puis d'y avoir apposé un filigrane "pour que les gens comprennent d'où elle vient".

"Mon intention était de créer une image à partir d'événements documentés sur la situation de Julian. Après son arrestation, il lui a été interdit d'apparaître en public, y compris lors de son propre procès. Cela signifie que le public ne peut pas être témoin de ce qui lui a été fait, même s'il existe des preuves de son déclin mental et physique", a-t-il affirmé dans un message à l'AFP.

En septembre 2020, Julian Assange avait toutefois participé par visioconférence à son procès pour extradition. Il avait, au printemps de la même année et l'année précédente, manqué plusieurs autres audiences de la procédure pour des raisons de santé, comme le détaillait cet article du Monde (lien archivé) et cet autre de France 24 (lien archivé).

En janvier 2021, la justice britannique avait refusé la demande de libération sous caution de Julian Assange, et sa détention avait alors été qualifiée d'"arbitraire" par l'ONG Amnesty International (lien archivé).

Depuis quelques semaines, de nombreuses images générées par intelligence artificielle ont inondé les réseaux sociaux, et ont parfois été sorties de leur contexte. 

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Démenti des proches de Julian Assange

Par ailleurs, le comité de soutien au fondateur de Wikileaks, "Don't extradite Assange", a confirmé à l'AFP le 4 avril que "l'image circulant en ligne a été générée par une IA", et qu'elle n'est donc ainsi pas une photographie montrant "la réalité".

Stella Assange, l'épouse de Julian, qui n'a pas relayé l'image sur ses réseaux sociaux, a confirmé le 4 avril qu'elle n'est pas authentique.

"Je sais qu'il y a des images créées par intelligence artificielle de Julian qui circulent sur les réseaux sociaux. Si je ne fais pas la promotion de ces images, il est clair qu'elles ne sont pas de vraies photos", a-t-elle répondu à l'AFP, devant des journalistes présents le 4 avril devant la prison où est détenu son mari dans l'est de Londres.

Le comité "Don't extradite Assange" a par ailleurs réitéré auprès de l'AFP ses "préoccupations au sujet de l'extradition demandée par les États-Unis" de Julian Assange, estimant que ce dernier est "actuellement en détention provisoire dans des conditions inhumaines dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, au Royaume-Uni", renvoyant vers un communiqué (lien archivé) publié le 24 mars 2023 à ce sujet.

442e13a76d0081eb25ab57de3fee272384585ecf-ipad.jpgDes soutiens à Julian Assange participent à la marche appelée "Carnaval pour Assange" à Londres le 11 février 2023 (AFP / SUSANNAH IRELAND)

Le 4 avril, Christophe Deloire et Rebecca Vincent, secrétaire général et directrice des opérations de l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF) se sont vus "interdire l'entrée" de cette prison pour rendre visite à Julian Assange, alors qu'une entrevue avec ce dernier était pourtant prévue, a dénoncé RSF dans un communiqué (lien archivé) publié le 4 avril.

RSF a dénoncé la décision "absurde" des autorités britanniques de lui refuser cette visite, en dépit d'une autorisation préalable, comme détaillé dans cette dépêche de l'AFP (lien archivé).

"Nous avions eu une autorisation officielle pour rendre visite à Julian, ça avait été confirmé (...) mais quand nous sommes arrivés très tôt ce matin à la prison de Belmarsh à Londres, le monsieur à l'entrée nous a dit que nos noms avaient été retirés de la liste des visiteurs", a expliqué devant les journalistes Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF.

Julian Assange, détenu depuis 2019 en Angleterre

Arrêté par la police britannique en 2019 après sept ans reclus à l'ambassade d'Equateur à Londres, Julian Assange est retenu à Belmarsh dans la banlieue de Londres. 

Il a fait appel d'une décision prononcée en avril 2022 par le gouvernement britannique de l'extrader vers les Etats-Unis, et attend depuis l'examen de cet appel.

Le citoyen australien de 51 ans est poursuivi aux Etats-Unis pour avoir publié à partir de 2010 plus de 700.000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan, à l'origine d'une série de révélations publiées dans plusieurs médias. Il risque 175 ans de prison.

Fin novembre 2022, cinq médias (The New York Times, The Guardian, El Pais, Le Monde et Der Spiegel) avaient appelé le gouvernement américain à abandonner les poursuites contre Julian Assange, comme détaillé dans cette dépêche de l'AFP (lien archivé).

5 avril 2023Ajout de précisions sur la présence de Julian Assange à son procès en visioconférence 5 avril 2023Ajout de la réponse du créateur de l'image et mention de la dépêche de l'AFP sur RSF qui s'est vu refuser une visite à Julian Assange le 04/04/2023

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  • URL de la déclaration : https://twitter.com/GeorgesClounaud/s...
  • Texte de la déclaration :

    Pendant ce temps là, le prisonnier politique du camp du bien, Julian #Assange, dans l'indifférence générale, se meurt dans une prison londonienne.
    Sa faute ? Avoir dénoncé les crimes de l'armée🇺🇸 en Irak ? 😡
    #AssangeFreeNow

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