Cette vidéo montre un déplacement de Vladimir Poutine au Moyen-Orient en 2017
Cette vidéo montre un déplacement de Vladimir Poutine au Moyen-Orient en 2017
Publié le jeudi 20 avril 2023 à 13:42
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Marin LEFEVRE
Une vidéo virale d'une trentaine de secondes montre le président russe Vladimir Poutine lors d'un déplacement en avion, qui regarde par le hublot des avions de chasse escorter son appareil. Selon les internautes, le dirigeant est en route pour le sommet des Brics, le groupe des grands pays émergents dont fait partie la Russie, prévu cette année en Afrique du Sud. C'est faux : la vidéo date d'un voyage de Vladimir Poutine fin 2017, au cours duquel il s'est arrêté en Syrie pour ordonner le retrait du pays de la majeure partie du contingent militaire russe.
Sur fond de musique héroïque, le chef du Kremlin regarde par la fenêtre d'un avion. Accoudé au hublot, nimbé de soleil, il observe les avions de chasse qui encadrent l'appareil dans lequel il se trouve.
Cette courte vidéo montre "Poutine en route pour le sommet de BRICS avec les chasseurs en l'air", affirment les internautes, qui affirment tous que le président russe effectue ce déplacement "malgré le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale" (CPI) émis contre lui le 17 mars et s'amusent de ce prétendu pied-de-nez à la juridiction internationale, dont 123 pays - et parmi eux l'intégralité des Etats de l'Union européenne - sont membres.
La CPI, installée à La Haye, a émis ce mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine pour le crime de guerre de "déportation" d'enfants ukrainiens dans le cadre de l'offensive de Moscou en Ukraine.
Cette rumeur sur l’arrivée de Poutine en Afrique du Sud survient alors que ce pays s’apprête justement à abriter en août le 15ème sommet des Brics regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.
Sous la vidéo, d'une page Facebook à l'autre, les commentaires pro-Poutine déferlent : "Poutine c'est l'homme", s'émeut l'un d'entre eux, agrémentant sa phrase d'emojis cœur et flamme, tandis qu'un autre félicite "l'homme fort" et qu'un autre encore applaudit "un vrai président digne et noble".
Nombre d'entre eux font également un lien avec la présence russe - qu'ils semblent approuver - dans certains pays africains comme le Mali, où opère selon plusieurs chancelleries occidentales le groupe de mercenaires russes Wagner, qualifiés d'"instructeurs russes" par la junte malienne.
Sur les réseaux sociaux africains, les rumeurs et fausses informations glorifiant cette influence font florès : deux pages coutumières de cette propagande, "Sawadogo Souleymane Power" et "L'Afrique Mon Beau Pays", dont certaines publications ont précédemment été vérifiées par l'AFP, ont d'ailleurs partagé la vidéo que nous vérifions. Cette dernière a également été visionnée près de 190.000 fois sur TikTok depuis fin mars, et partagée sur Twitter.
Pourtant, ces images ont été sorties de leur contexte : la vidéo virale montre en réalité un déplacement de Vladimir Poutine en 2017, au cours duquel il s'est brièvement arrêté en Syrie avant de repartir pour Le Caire (Egypte) puis Ankara (Turquie).
Déplacement en 2017
Une recherche d'image inversée sur Google a permis de retrouver une photo prise lors de ce voyage sur le site Russia Beyond. La légende de l'image crédite un photographe, Michael Klimentyev, et le média d'Etat russe Sputnik. D'autres résultats comme cette page (lien archivé) du Corriere della Sera, un quotidien italien, republient la même vidéo et indiquent qu'elle aurait été filmée lors d'un déplacement du chef d'Etat russe en décembre 2017, avant une escale à la base militaire russe de Hmeimim.
En combinant les mots-clefs "sputnik Хмеймим" (Sputnik Hmeimim), on retrouve une vidéo aux plans très similaires à ceux que nous vérifions sur une version archivée du site de Sputnik en Arménie.
"Comment l'avion de Poutine a été escorté par des combattants russes alors qu'il se rendait au Caire", s'intitule la vidéo, selon la traduction automatique de Google Translate. Le court texte qui l'accompagne décrit le voyage de Vladimir Poutine vers Hmeimim, "où il a donné l'ordre de procéder au retrait du groupe de troupes russes de Syrie", avant de se rendre au Caire.
Le chef d'Etat russe avait en effet annoncé (lien archivé) le retrait de la majeure partie des forces russes présentes en Syrie le 11 décembre 2017 depuis la base militaire russe, quelques jours après l'annonce par Moscou de la "libération totale" du pays de l'emprise du groupe Etat islamique (EI).
Il avait dans le même temps affirmé que la Russie garderait une présence dans ce pays et que Hmeimim, où étaient à l'époque concentrés les effectifs militaires russes, ainsi que la base navale de Tartous, resteraient opérationnelles.
Plusieurs éléments permettent de confirmer que la vidéo virale a été tournée pendant ce déplacement, bien que les plans ne soient pas exactement identiques.
Dès les premières secondes de la vidéo sur Facebook, on voit le président russe accoudé au hublot. Sa posture est exactement identique à celle des images de Sputnik (en rouge), tout comme sa tenue et même les plis de sa chemise blanche (en vert). Seule légère différence, l'endroit éclairé par le soleil à côté de son coude gauche, à quelques centimètres plus à droite que dans les images de l'organe de propagande russe.
En visionnant les deux vidéos, on réalise que cette lumière change très vite en raison de la vitesse de l'appareil, de la gauche vers la droite de l'image, ce qui suggère que le plan de la vidéo virale (à gauche ci-dessous) se soit déroulé quelques secondes après celui que nous avons identifié dans le clip de Sputnik (à droite ci-dessous).
Ensuite, à environ 14 secondes, on aperçoit dans la vidéo virale deux avions de chasse (en rouge) qui se croisent dans un ciel sans nuages. Les deux appareils suivent exactement les mêmes trajectoires et effectuent les mêmes mouvements qu'à la 25ème seconde de la vidéo de Sputnik : ils se croisent en diagonale tandis que celui qui se trouve en dessous de l'autre au départ effectue une vrille. L'aile de l'appareil dans lequel se trouve Vladimir Poutine est exactement identique dans les deux extraits (en bleu).
Enfin, un plan semble identique dans les deux vidéos : à la 18e seconde de celle que nous vérifions, le visage de Vladimir Poutine présente exactement la même expression qu'à 1 minute et 7 secondes dans celle de Sputnik. Il semble tout simplement qu'un zoom ait été appliqué dans la vidéo publiée sur Facebook.
Ces images ont d'ailleurs été reprises par d'autres médias comme Euronews (lien archivé) pour évoquer ce déplacement de Vladimir Poutine.
Rien à voir donc avec le sommet des Brics prévu en août, qui se déroulera en Afrique du Sud. Le sujet fait en tout cas énormément réagir sur les réseaux sociaux : l'AFP a vérifié une autre vidéo (lien archivé) sortie de son contexte, prétendant déjà monter le chef du Kremlin en visite dans ce pays.
"Des bâtons dans les roues"
Des inquiétudes se sont bien exprimées au sujet du mandat d'arrêt visant Vladimir Poutine qui pourrait entraver sa venue à ce sommet accueilli par l'Afrique du sud, pays membre de la CPI. Théoriquement, Pretoria devrait arrêter le président russe à son arrivée dans le pays.
"Tous les chefs d'Etat devraient assister au sommet. Mais maintenant, nous avons des bâtons dans les roues avec ce mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale", a affirmé (lien archivé) le 12 avril lors d'une conférence de presse Vincent Magwenya, porte-parole du président sud-africain Cyril Ramaphosa.
"Ce que cela impose, c'est d'autres dispositions, pour voir comment cela va être pris en compte, et ces dispositions sont en cours. Une fois qu'elles auront été prises, les annonces nécessaires seront faites", a-t-il ajouté sans plus de précisions.
L'Afrique du Sud est critiquée depuis le début de la guerre en Ukraine pour sa proximité avec Moscou. Pretoria affirme respecter une position "neutre" et refuse de se joindre aux appels occidentaux à condamner la Russie, expliquant vouloir favoriser le dialogue. Elle a par ailleurs accueilli en février des exercices navals avec la Russie et la Chine au large de ses côtes.
Les liens entre Pretoria et Moscou remontent à l'époque de l'apartheid, le Kremlin ayant apporté son soutien au parti politique du Congrès national africain (ANC) dans la lutte contre le régime raciste.
Le mandat d'arrêt de la CPI a suscité des remous politiques en Afrique du Sud. Le premier parti d'opposition Alliance démocratique (DA) a appelé à ce que Vladimir Poutine soit arrêté, demandant à la CPI de forcer la main du gouvernement. Mais des partis de gauche, dont le parti communiste sud-africain - allié de l'ANC au pouvoir -, ont exhorté le gouvernement à accueillir Vladimir Poutine et à se retirer de la CPI.
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