Fonctionnement, implantation, santé : que sait-on sur la 5G ?


Fonctionnement, implantation, santé : que sait-on sur la 5G ?

Publié le lundi 2 octobre 2023 à 10:52

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Une antenne 5G en Suisse, le 15 septembre 2019.

(FABRICE COFFRINI / AFP)

Auteur(s)

Alexis ORSINI / AFP France

La 5G, ou cinquième génération de communications mobiles, est régulièrement accusée, sur les réseaux sociaux, d'être néfaste pour l'homme, dangereuse pour sa santé voire une arme "tueuse", et nombre d'internautes affirment alerter sur ses dangers. Mais cette technologie de communication reposant sur la diffusion d'ondes électromagnétiques ne diffère pas grandement des précédentes générations de communications mobiles, telles que la 4G, surtout au stade actuel de son déploiement en France. Comme elles, la 5G ne présente donc pas en l'état actuel des connaissances de risque avéré pour la santé humaine. Son déploiement futur à des fréquences plus hautes (les ondes millimétriques) est en outre suivi de près par les autorités sanitaires comme par les instances en charge du suivi des radiofréquences.

D'une "arme à micro-ondes" à une technologie "tueuse" qui aurait notamment "causé la mort d'écoliers à Saint-Pétersbourg", la 5G - ou cinquième génération de communications mobiles - est régulièrement présentée par certains internautes, sur les réseaux sociaux, comme une technologie néfaste pour la santé.

Au-delà de sa supposée dangerosité pour la santé - prétendument prouvée par la mort de centaines d'oiseaux à Rome ou encore par le "pliage" de palmiers dans l'Arizona sous l'effet de ses ondeshttps://factuel.afp.com/doc.afp.com.329R3FX -, cette nouvelle génération de communications mobiles, plus performante et rapide que les précédentes, serait aussi, selon des affirmations fantaisistes (ici et ) relayées ces dernières années, liée à l'épidémie de Covid.

Le poids de ces rumeurs n'est pas sans conséquence. Comme le relatait l'AFP à l'été 2023 (lien archivé), au Sri Lanka, face à la supposée menace que feraient peser les ondes électromagnétiques de la 5G sur un arbre millénaire sacré, le gouvernement a ainsi dépêché une équipe d'experts sur place. Ces derniers ont conclu, au terme de plusieurs mois d'enquêtes diverses, qu'aucune onde 5G n'était émise dans la zone. 

Après avoir fait un premier point en 2019 sur la 5G, à la veille de son déploiement progressif en France, l'AFP revient, avec  de nombreux expert(e)s, sur l'implantation concrète de la 5G en France, sur son fonctionnement technique, ainsi que sur les dernières connaissances scientifiques quant à son éventuel impact sur la santé.

Un point crucial à propos duquel Anne Perrin, biologiste, spécialiste du risque électromagnétique et membre de la Société française de radioprotection, résumait à l'AFP, le 9 septembre 2023 : "La 5G ne présente pas de risque nouveau pour la santé par rapport aux générations précédentes de téléphonie mobile. S’il y avait un impact démontré sur la santé de la 5G, il faudrait agir et changer la réglementation en vigueur !"

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Un logo "5G" au Mobile World Congress de Barcelone, le 28 février 2023.

JOSEP LAGO / AFP

 

Qu'est-ce que la 5G ?

A l'instar des précédentes générations de communications mobiles (2G - ou GSM -, 3G et 4G), la 5G fonctionne grâce des ondes radioélectriques, dites aussi radiofréquences, qui font partie du spectre électromagnétique ou spectre des fréquences.

Entre 3 KHz (kilohertz) et 300 GHz (gigahertz), les fréquences appartiennent au domaine public de l’Etat - sauf pour quelques bandes de fréquences dite libres, leur usage est soumis à autorisation individuelle l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et fait l’objet d’une redevance (lien archivé).

Si les plus basses fréquences, entre 3 Hz et 300 MHz, sont notamment utilisées pour diffuser la radio et la télévision, les micro-ondes, celles comprises entre 300 MHz et 300 GHz, servent pour les transmissions par satellite, par téléphone mobile et autres systèmes de communication sans fil (wifi, Bluetooth).

Au-delà de 300 GHz se trouvent les rayonnements infrarouges, la lumière visible puis les ultra-violets qui sont à la frontière avec les rayonnements dits ionisants. Les rayonnements ionisants (ou radioactivité), comme les rayons X ou encore les rayons gamma, sont destinés "à des usages différents (radiographie, conservation des aliments, médecine nucléaire…), étant donné leur nature très énergétique", rappelle l'Agence nationale des fréquences (ANFR) sur son site (lien archivé). 

Comme le détaille de son côté le site (lien archivé) de l'ARCEP, la 5G est censée "permettre un saut de performance en termes de débit (qui doit être multiplié par 10), de délai de transmission (qui doit être divisé par 10) et de fiabilité de la communication."

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Capture d'écran prise le 22 septembre 2023 d'un visuel présent sur le site de l'ARCEP

 

Ainsi que l'explique Anne Perrin à l'AFP, la 5G, "assez similaire à la 4G dans son codage des signaux", peut "utiliser toutes les fréquences employées par les générations précédentes de téléphonie mobile qui vont jusqu'à 2,1 GHz en France, ainsi que des nouvelles fréquences plus hautes à 3,5 GHz (3,4–3,8 GHz) et, au-delà, des fréquences dites 'millimétriques' dans la bande 26 GHz (24,2–27,5 GHz) dans un premier temps."

Pierre Combeau, maître de conférences et membre de l’équipe REseaux et SYStèmes de Télécommunications au sein du laboratoire XLIM, précisait pour sa part à l'AFP, le 9 septembre 2023 : "La technologie 5G ne vient pas remplacer les technologies précédentes, mais les compléter. Concrètement, elle intègre et réutilise le réseau 4G, auquel elle adjoint l’utilisation de nouvelles bandes de fréquence plus élevées (les ondes millimétriques de fréquences comprises entre 24 et 100 GHz)."

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Graphique sur les bandes basses et les bandes hautes tiré du site de l'ANFR (capture d'écran réalisée le 19 septembre 2023).

 

La 5G est-elle un "bloc" technologique?

Interrogé par l'AFP le 1er septembre 2023, Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux nouvelles technologies à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), nuance ainsi l'utilisation générique de l'appellation"5G": "Au début du déploiement de la 5G en France, par exemple, des opérateurs ont choisi de concentrer leurs déploiements dans la bande 700 MHz, d’autres dans la bande 3,5 GHz. Le fait d'utiliser une bande de fréquences ou une autre implique des choix technologiques, tels que la réutilisation des antennes-relais déjà utilisées pour la 3G et la 4G (c’est possible dans la bande 700 MHz), ou au contraire l’installation de nouvelles antennes (nécessaires dans la bande 3,5 GHz)."

"D'autres opérateurs ont choisi d'utiliser la fameuse bande 3,5 GHz qui, elle, de par ses propriétés physiques, en raison de sa fréquence un peu plus élevée, nécessite des antennes différentes [...] et permet de faire passer plus de débit. Donc, pour résumer, quand on parle de 'la 5G', c'est très réducteur : la 5G, c'est l'agrégation de toutes les technologies connues possibles aujourd'hui et la possibilité d'utiliser plein de bandes de fréquence, quasiment toutes celles qui sont autorisées pour les communications mobiles", poursuit-il. 

Joint par l'AFP le 4 septembre 2023, Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR, abonde : "La 5G, ce n'est pas quelque chose qu'il faut voir comme un bloc. Il y a différents paliers de 5G qui sont régulièrement mis à niveau par le 3GPP [3rd Generation Partnership Project, une coopération entre organismes de normalisation en télécommunications, NLDR]. [...] C'est plutôt une démarche d'escalier. Au commencement, on était [sur une] 5G qui était en réalité épaulée par la 4G. [...] Progressivement, la 5G devient de plus en plus 5G au fur et à mesure que les paliers logiciels évoluent et surtout que les opérateurs les mettent en œuvre.

"Au lancement de la 5G en France, on avait en réalité une bande spécifique 5G qui était la 3,5 GHz, qu'on ne pouvait exploiter qu'en 5G, et puis les autres bandes existantes, de neutralité technologique, c'est-à-dire que les opérateurs peuvent y associer le type de 'G' qu'ils veulent dessus : 2G, 3G, 4G, 5G", poursuit le directeur général de l'ANFR. 

Sur quelles bande de fréquences la 5G est-elle déployée aujourd'hui en France ?

Dans le détail, comme l'indique l'ANFR dans la dernière édition de son observatoire mensuel du déploiement des antennes relais 2G, 3G, 4G et 5G en France (lien archivé), à la date du 1er septembre 2023,  la 5G y est uniquement fournie grâce à quatre bandes de fréquences : 700 MHz, 1.800 MHz, 2.100 MHz et 3,500 MHz (3,5 GHz).

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Une tour de télécommunications à Los Angeles, le 19 janvier 2022

PATRICK T. FALLON / AFP

 

Si la 5G est déployée en France depuis 2020, elle ne fonctionne donc pour l'heure que sur des bandes non millimétriques, soit sur des fréquences très semblables à celles utilisées jusqu'alors par les générations de communications mobiles précédentes.

Si la bande 26 GHz peut à l'heure actuelle faire l'objet d'expérimentations "pour les industriels et les entreprises", comme l'indiquait l'ARCEP dans un communiqué de presse de décembre 2022 (lien archivé), l'instance en charge de l'attribution des bandes de fréquences aux opérateurs indiquait à l'AFP, le 4 septembre 2023, que "les modalités et le calendrier d’attribution de la bande 26 GHz en vue d’une exploitation commerciale ne sont pas définis à ce stade".

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Capture d'écran prise le 22 septembre 2023 d'un visuel présent sur le site de l'ARCEP.

 

Une nocivité de la 5G pour la santé a-t-elle été prouvée ?

Dans la dernière version de son "expertise sur les effets potentiels de la 5G sur la santé", en date de février 2022 (lien archivé), l'ANSES a ainsi estimé "peu probable que le déploiement de la 5G entraîne de nouveaux risques pour la santé, comparé aux générations de téléphonie précédentes", étant donné son déploiement dans des bandes de fréquences déjà utilisées par les générations de téléphonie précédentes - entre 700 MHZ et 2,1 GHz - et que la bande 3,5 GHz est très proche.

Rappelant que le suivi des effets potentiels de la 5G sur la santé est assuré, outre l'ANSES en France, par des instances internationales telles que l'ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants), l'OMS (Organisation mondiale de la santé) ou encore le SCHEER (Comité scientifique sur les risques sanitaires, environnementaux  et émergents de la Commission européenne), Anne Perrin souligne qu'elles ont toutes conclu, à l'issue de "rapports d'expertise circonstanciés à partir de la littérature scientifique", à "l'absence de risque avéré pour la santé en-dessous des limites d'exposition du public fixées par la réglementation qui couvre les fréquences jusqu'à 300 GHz et englobe donc celles de la 5G.

La spécialiste du risque électromagnétique détaille : "La majorité des recherches menées à ce jour concernent les fréquences de téléphonie les plus utilisées, entre 800 MHz et 3 GHz environ. Les résultats sont extrapolables facilement aux fréquences comparables ou légèrement supérieures, comme la fréquence 3,5 GHz actuellement déployée pour la 5G en France. [...] En 30 ans de recherche intense sur le sujet, il n’a jamais été démontré scientifiquement que les radiofréquences étaient nocives pour la santé en-dessous des limites réglementaires."

Joint par l'AFP le 15 septembre 2023, Fryderyk Lewicki, spécialiste des questions d'exposition aux ondes électromagnétiques au sein de l'Union internationale des télécommunications (UIT, une institution spécialisée des Nations Unies pour les technologies de l'information et de la communication, en charge, à travers le monde, de l'attribution des bandes de fréquences du spectre radioélectrique), indique également : "L'impact des champs électromagnétiques sur le corps humain est le même quel que soit le système (2G/3G/4G/5G [...]). Les analyses et les études menées jusqu'à ce jour n'ont pas démontré le moindre impact négatif sur la santé humaine tant que les champs électromagnétiques restent à des niveaux inférieurs à ceux des limites autorisées."  

Ainsi que le souligne le site de l'UIT (lien archivé), "les niveaux maximum d'exposition arrêtés à l'échelle internationale pour toutes les fréquences radioélectriques (de 0 à 300 GHz) ont été fixés de façon à éviter les effets néfastes pour la santé."

Ils ont été proposés en 1998 par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), une organisation internationale non gouvernementale rassemblant des experts scientifiques indépendants, et mis à jour en 2020.

Comme l'indique le site de l'ANSES (lien archivé), "l'exposition à des niveaux élevés d’ondes électromagnétiques peut provoquer un échauffement des tissus biologiques (la peau, mais aussi les tissus internes du corps)", un phénomène connu sous le nom "d'effet thermique".

Anne Perrin précise : "Au contact de la matière, une partie de l’énergie [des ondes radio, NDLR] est absorbée, plus la fréquence est élevée, moins les ondes pénètrent profondément. Quelle que soit la fréquence, les ondes de cette catégorie causent des vibrations au sein des molécules polaires, essentiellement l’eau, qui provoquent un échauffement dit 'effet thermique'. On parle d’effet à seuil car il se produit à partir d’un certain niveau d’exposition."

Mais, indique l'ANSES sur son site, "les valeurs limites d’exposition actuellement en vigueur en France garantissent néanmoins que de tels niveaux d’ondes radioélectriques ne sont jamais atteints dans l’espace public et dans des conditions normales d’utilisation des appareils émetteurs.

Comme le soulignait un rapport parlementaire de 2002 intitulé "Téléphonie mobile et santé" (lien archivé), consultable sur le site du Sénat, il convient de faire une distinction entre effet biologique et effet sanitaire : "Tout effet biologique ne représente pas une menace pour la santé de la personne ; il peut manifester simplement la réponse 'adaptative' normale de la cellule, du tissu ou de l'organisme à cette stimulation.

A l'inverse, "un effet sanitaire est la conséquence d'un effet biologique qui met en danger le fonctionnement normal d'un organisme et peut donc représenter une menace pour la santé de la personne". 

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Une piétonne devant une tente promotionnelle de la 5G à Taipei, le 9 décembre 2022.

SAM YEH / AFP

 

Comment sont calculées les valeurs limites d'exposition aux champs électromagnétiques ?

En France, le niveau des valeurs limites d'exposition aux champs électromagnétiques est en effet fixé par un décret du 3 mai 2002 (lien archivé). 

Ces seuils correspondent à une quantité d'énergie absorbée (en watt) maximale à ne pas dépasser dans le corps ou dans certaines parties du corps (membres, tronc, tête). Ils garantissent le fait de rester bien en dessous des niveaux auxquels apparaissent des effets thermiques. 

Cette grandeur est exprimée en watt par kilogramme (W/Kg) aux fréquences où les ondes pénètrent dans le corps, soit jusqu'à 6 GHz environ. Pour les ondes de fréquences plus hautes (dont les ondes millimétriques), qui s'arrêtent en surface et ne pénètrent pas au-delà de la peau, l'exposition est quantifiée par la densité de puissance, en watt par mètre carré (W/m²). 

Pour les équipements radioélectriques tels que les téléphones mobiles, le débit d'absorption spécifique (DAS) est limité à 0, 08 W/kg pour le corps entier, 2 W/Kg maximum pour la tête et le tronc, et 4 W/KG pour les membres.

Le DAS est plus difficile à mesurer "dans l'environnement général", pointe le portail du gouvernement sur les radiofréquences (lien archivé). 

Pour pallier ces difficultés, ces ondes étant constituées d’un champ électrique et d’un champ magnétique mesurables, des niveaux de référence réglementaires en champ électrique et magnétique ont été définis et figurent dans le décret. Leur respect garantit que les valeurs limites de DAS ne sont pas dépassées.

C’est le champ électrique qui est mesuré pour les ondes radioélectriques, en volt par mètre (V/m) : ces niveaux varient selon les fréquences car l’absorption d’énergie n’est pas la même tout au long du spectre.

Les niveaux de référence correspondant à "l'intensité du champ électrique en un point donnée" sont présentés dans le tableau ci-dessous pour quelques fréquences. 

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Capture d'écran du site "Portail radiofréquences", réalisée le 21 septembre 2023.

 

Y a-t-il un lien de causalité avéré entre les ondes électromagnétiques et la survenue de cancers ?

Contacté par l'AFP le 9 août 2023, Joe Wiart, professeur à Télécom Paris, titulaire de la chaire C2M (caractérisation, modélisation et maîtrise des ondes électromagnétiques), détaille, à propos des seuils d'exposition : "L'ICNIRP établit des niveaux à partir d'études menées sur le sujet et établit ensuite une marge. Par exemple : au delà de tel niveau,  je commence à avoir des effets qui peuvent induire un effet sanitaire. Et si je poursuis un peu plus, un effet délétère. Pour éviter ces niveaux, on prend une marge de sécurité qui est de 50 ou de 10 suivant les zones, suivant les organes."

"Aujourd'hui, l'ensemble des analyses scientifiques qui ont été menées n'ont réussi à démontrer que l'existence des effets thermiques [des ondes électromagnétiques, NDLR]. On peut toujours dire : 'Peut-être que d'autres effets que les effets thermiques existent' : c'est pour ça qu'on continue les recherches. On ne peut pas dire : 'Non ça n'existe pas" mais seulement : 'On ne les a pas mis en évidence'", poursuit l'expert.

Sur ce point, Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux nouvelles technologies à l'ANSES, indique : "Il n'y a pas de lien de causalité avéré entre l'exposition aux ondes électromagnétiques radiofréquences émises par la téléphonie mobile et le risque de cancer. Mais la recherche doit rester active sur ce sujet : des incertitudes et donc des interrogations subsistent sur les effets éventuels à long terme."

Anne Perrin détaille quant à elle : "Il n’y a pas de raison objective pour que la 5G ait un effet cancérigène, pas plus que pour les autres fréquences utilisées en téléphonie pour lesquelles nous avons du recul et de nombreuses données scientifiques. Ni les études épidémiologiques, ni les études de suivi d'incidence du cancer menées dans une quinzaine de pays n’ont apporté la preuve de l’existence d’un lien entre l’usage du téléphone mobile et l’augmentation de tumeurs dans la population, notamment de la tête, au cours des dernières décennies. Pour autant, vu l’utilisation massive des objets communicants dans la population, il faut rester vigilant et surtout veiller au respect de la réglementation."

"La classification des radiofréquences du téléphone mobile comme 'cancérigène possible' en 2011 est pour beaucoup dans la crainte d’un effet cancérigène. Or elle rend compte d’un niveau de preuve scientifique, et non d’un niveau de risque d’une part, et cela signifie aussi qu’elles ne sont ni dans la catégorie 'probablement cancérigène', ni dans la catégorie 'cancérigène avéré'. L’aloe vera, par exemple, figure dans la même catégorie", ajoute l'experte.

Joint par l'AFP le 7 septembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l'OMS, indiquait : "La 5G ayant récemment été lancée, il n'existe pas de données spécifiques sur le cancer pour l'instant. Toutefois, au vu des données disponibles sur les technologies précédentes, la plausibilité biologique de la moindre inquiétude [à ce propos] est faible. Par prudence, le CIRC est impliqué dans un projet européen de recherche sur le cancer de la peau (SEAWave), qui reste la partie du corps la plus exposée aux fréquences les plus hautes nouvellement utilisées par la 5G.

Le CIRC pilote aussi une vaste étude épidémiologique internationale depuis 2007, COSMOS (lien archivé), sur plus de 300.000 personnes dont la santé et l’exposition aux téléphones portables et autres technologies sans fil (incluant de fait 5G) seront suivis pendant vingt à trente ans.

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Une manifestation anti-5G devant le parlement suisse, à Berne, le 21 septembre 2019.

FABRICE COFFRINI / AFP

 

Le niveau d'exposition aux ondes a-t-il augmenté en France depuis le lancement de la 5G?

En France, où, comme le souligne Anne Perrin, "les niveaux d’exposition autorisés pour le public sont 50 fois inférieurs aux seuils d’apparition des premiers effets avérés des radiofréquences (dus à l’échauffement) et 10 fois inférieurs pour l'exposition localisée des membres", ce contrôle du respect des valeurs limite d'exposition aux champs électromagnétiques est assuré par l'ANFR. 

En plus de procéder à des mesures d'exposition sur le territoire - dont les dernières données sont publiquement consultables sur son site Cartoradio (lien archivé), au même titre que l'emplacement des antennes relais -, l'ANFR  réalise également gratuitement des mesures d'exposition aux ondes électromagnétiques dans des lieux publics ou habitations à la demande des particuliers (lien archivé). 

Sur ce point, Gilles Brégant, directeur général de l'ANFR, détaille : "Nous n'observons pas de dépassement [des seuils limite d'exposition des champs électromagnétiques, NDLR]. En 5G, nous n'avons jamais eu de dépassement de seuil à ce stade."

Anne Perrin précise quant à elle : "Sur le territoire, les niveaux de champs mesurés sont toujours très inférieurs aux seuils réglementaires, l’arrivée de la 5G n’a pas changé grand-chose. [...] Les niveaux de champs ambiants sont très inférieurs aux valeurs limites réglementaires, qui elles-mêmes sont bien au-dessous des seuils d’apparition d’effets sur la santé.

Comme le note effectivement l'ANFR sur son site (lien archivé), ses mesures réalisées près de sites destinés à accueillir des antennes 5G, avant leur mise en service, puis sur ces mêmes sites après son lancement, montrent "que l’exposition est comparable avant et quelques mois après l’introduction de la 5G."

En mai 2023, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) publiait quant à lui les conclusions (lien archivé) de ses mesures réalisées à Séoul et Naju, "villes leader du déploiement de la 5G", en Corée du Sud, un pays lui-même pionnier en la matière. 

Notant que "la valeur absolue (indépendamment de la notion de durée de mesure) de la limite visant à protéger le public n’est [...] dépassée ni par les niveaux moyens, ni par les pics" (respectivement de 1,5 V/M et 6 V/m pour la 5G dans la bande 3,5 GHz),  l'INERIS en concluait que "ces mesures aux fréquences comprises entre 88 et 5875 MHz suggèrent donc que le déploiement de la 5G ne s’accompagne pas d’une élévation notable du niveau environnemental de CEM [champs électromagnétiques] pour le public". 

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Des ouvriers travaillant sur une tour 5G à Pékin, le 1er décembre 2021.

NOEL CELIS / AFP

 

Quelles sont les spécificités techniques de la 5G ?

En l'état, les inquiétudes de certains internautes autour d'un risque de "surexposition" aux ondes électromagnétiques à cause de la 5G s'articulent donc autour des antennes propres à cette génération de communications mobiles, à partir de 3,5 GHz, et à son futur recours aux ondes millimétriques (à partir d'environ 24 GHz). 

"C’est l'utilisation de ces fréquences associées à de nouvelles antennes dites intelligentes, permettant de focaliser le rayonnement électromagnétique vers les utilisateurs actifs à un instant donné, qui permet d’améliorer significativement la qualité de communication, en terme de débit et de latence notamment", explique Pierre Combeau.

Joint par l'AFP le 8 septembre 2023, Matthieu Crussière, professeur des universités à l'Institut national des sciences appliquées (INSA)-Rennes, au sein du département Electronique et télécoms, détaille : "Une station d'émission traditionnelle type 2G, 3G, 4G, lorsqu'elle émet une onde, émet cette onde dans toutes les directions ou par secteurs angulaires grossiers. [...] En 5G, l'évolution majeure du point de vue de l'émission des signaux, c'est que l'on est en capacité d'émettre les ondes de façon précise dans une ou plusieurs directions, et ce, de façon parfaitement agile, d'où le nom d'antennes dites 'intelligentes'. [...] Les ondes sont donc formées et dirigées là où les utilisateurs sont localisés."

Cette spatialisation de l'émission des ondes nécessite en revanche l'installation d'antennes spécifiques, sous forme de réseaux d’éléments rayonnants, de plus faible dimension mais en plus grand nombre. Plus ils sont nombreux, plus la capacité de focalisation spatiale et donc la précision est importante, et meilleure est l’efficacité de la propagation entre la station centrale et les terminaux. C'est ce qu'on appelle les antennes actives à faisceau orientable. 

"Théoriquement, plutôt que de gaspiller la puissance émise en émettant dans toutes les directions et en espérant que quelque part un utilisateur qui en a besoin capte l'information, on va plutôt émettre peut-être 10 à 100 fois moins parce que les ondes sont façonnées de telle sorte qu'elles se focalisent au bon endroit de réception", poursuit Matthieu Crussière, qui précise : "Le fait d'utiliser plus d'antennes ne veut pas dire qu'on émet avec une plus forte puissance qu'auparavant. Leur nombre plus important permet de diriger les ondes émises dans la direction ou les directions qui nous intéresse. On gagne alors en efficacité.

En théorie, ce phénomène (connu en anglais sous le nom de "beamforming") devrait donc permettre d'optimiser la diffusion des ondes avec moins de "déperdition", même si Matthieu Crussière souligne le risque d'un "effet rebond" : "Les mécanismes de génération des ondes en 5G permettent de réduire largement la puissance d'émission des stations. Mais ça ne veut pas dire que les opérateurs vont le faire : quand on a une technologie qui permet de réduire la consommation, on peut retourner le problème et se dire qu'à consommation identique, elles permettent d'augmenter les performances.

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Capture d'écran prise le 22 septembre 2023 d'un visuel présent sur le site de l'ARCEP.

 

Plus les ondes montent en fréquence, moins elles portent loin, ce qui nécessite là aussi l'installation de plus d'antennes. 

Qu'en est-il pour les ondes millimétriques?

L'évolution du niveau d'exposition aux champs électromagnétiques avec la 5G - et son respect des seuils limites d'exposition en vigueur - est donc suivie de près, en France, comme à l'international, par les instances sanitaires ou spécialisées dans les radiofréquences. 

Joint par l'AFP le 15 septembre 2023, l'UIT indiquait ainsi à ce sujet : "A l'heure actuelle, l'exposition aux infrastructures 5G à 3,5 GHz est similaire à celle des stations téléphoniques mobiles habituelles. Avec le recours à de multiples faisceaux par les antennes 5G, l'exposition pourrait varier selon l'emplacement des utilisateurs et leur usage. Etant donné que la 5G en est encore à un stade peu avancé de déploiement, le moindre changement d'exposition aux champs électromagnétiques est en cours d'observation.

L'ANSES se montre également vigilante à cette évolution, comme l'indique Olivier Merckel : "Nous avons étudié des scénarios d’exposition correspondant aux situations les plus défavorables pour les utilisateurs, même si la probabilité qu’elles surviennent dans la vie quotidienne est a priori faible [avec les antennes directives, NDLR]. Il faut rester attentif à l'évolution des usages, à l’apparition de nouveaux dispositifs et surveiller par exemple les tendances qui s'imposent dans la société. Il est donc important de continuer à mesurer régulièrement l’exposition aux ondes dans l’environnement, pour suivre son évolution."

Dans sa fiche récapitulative "La 5G et la santé" de novembre 2022 (lien archivé), la Société française de radioprotection rappelle que "la pénétration des ondes électromagnétiques dans le corps diminue avec la fréquence" et s'avère "limitée à la peau à partir de 6 GHz environ". 

Dans la dernière version de son expertise sur les effets potentiels de la 5G sur la santé, en date de février 2022 (lien archivé), l'ANSES estimait, à propos de la bande de fréquences 26 GHz "encore non exploitée en France pour le déploiement de la 5G", que "les données sont à l’heure actuelle trop peu nombreuses pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires".

Anne Perrin complète à ce propos : "Il y a eu moins d’études avec les fréquences plus hautes, dites millimétriques, aux alentours de 26 GHz ou plus, encore jamais utilisées pour la téléphonie mobile, mais, à ce jour, celles-ci n’indiquent pas d’effets nocifs sur la santé aux niveaux attendus pour la 5G d’autant plus que ces ondes ont un taux de pénétration bien moindre dans le corps et s’arrêtent en surface de la peau".

Bien que la 5G témoigne, comme le souligne Gilles Brégant, directeur général de l'ANFR, d'une "amélioration du dispositif" qui existait jusque-là - au même titre que les générations de communications mobiles l'ayant précédée -, la défiance qui l'entoure dépasse peut-être, selon Pierre Combeau, le seul aspect sanitaire : "Au moment où les conséquences du dérèglement climatique apparaissent de manière de plus en plus claires [...] partout dans le monde, on peut s’interroger sur le caractère judicieux de ces nouvelles technologies", celles-ci risquant, par une augmentation des usages, d'"augmenter significativement la consommation énergétique globale des réseaux de téléphonie mobile."

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Un manifestant d'Extinction Rebellion lors d'une mobilisation anti-5G, le 5 juin 2020 à Bruxelles

KENZO TRIBOUILLARD / AFP

 

Pourquoi la 5G suscite-t-elle autant de défiance ?

Comment expliquer le niveau de défiance entourant la 5G, et les craintes - rationnelles ou non - entourant cette génération de communications mobiles ?

Pour Laura Draetta, chercheure en sociologie environnementale au laboratoire i3 du CNRS et maître de conférences à Télécom Paris, co-auteure du rapport d’expertise collective de l’ANSES sur "l'exposition aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie 5G" (lien archivé), "la 5G relance le débat sur la nocivité des ondes électromagnétiques déjà en cours lors du déploiement des générations précédentes de communication mobile". 

"La 5G est un assemblage d’évolutions technologiques impliquant de nouvelles antennes, de nouveaux sites et supports, de nouvelles bandes de fréquence (autour de 3,5 GHz et de 26 GHz) qui viennent s’ajouter à celles déjà utilisées pour la 4G, de nouveaux téléphones mobiles, de nouveaux objets connectés et de nouveaux usages. C’est ce système technologique complexe qui suscite des craintes et des inquiétudes pour les multiples risques qu’il pourrait générer à la fois sur le plan sanitaire, environnemental et sécuritaire", analyse la spécialiste.

Laura Draetta distingue en effet trois "particularités majeures" dans les craintes autour de la 5G. D'abord, une "diversité inédite de formes de mobilisations individuelles et collectives à son encontre" : appels de scientifiques, actions en justice de la part d'associations environnementales, initiatives populaires en ligne, actes de sabotage contre les antennes-relais... 

La chercheure en sociologie environnementale pointe aussi "l'émergence d'un débat sur les effets écologiques", qui met l'accent sur des problématiques de consommation d'énergie et de remplacement des terminaux et infrastructures obsolescents, ce qui entraîne "l'exploitation de ressources naturelles et la production de déchets". 

Enfin, elle distingue une "contestation pluridimensionnelle qui dépasse la critique du système technique lui-même et englobe la dénonciation du processus de prise de décision, notamment d’un déploiement lancé en l’absence de consultation citoyenne et sans attendre les résultats de l’évaluation des risques confiée à l’ANSES.

Selon Laura Draetta, les inquiétudes autour de la 5G ne sont donc "pas vraiment suscitées par l’invisibilité de cette technologie (qui est bien visible avec ses nouvelles antennes et ses nouveaux terminaux mobiles)" mais par "la métacontroverse autour de la nocivité des ondes ou champs électromagnétiques, dont elle représente une ultérieure étape après celles des antennes-relais 'pré-5G', du wifi et des compteurs Linky." 

Pour la sociologue, la question de la pertinence de cette technologie dans une société déjà ultra-connectée explique aussi "en grande partie" la défiance qu'elle peut susciter, "la question récurrente étant : pourquoi déployer la 5G alors qu’il y a encore en France des zones qui ne sont pas couvertes par la 4G ? J’ai aussi l’impression que les raisons du déploiement de la 5G ne sont ni comprises ni partagées par le grand public. Il ne s’agit pas d’un déficit de connaissance de sa part mais d’un surplus de communication de la part des promoteurs industriels et institutionnels qui construisent leur récit sur des promesses autour de nouveaux usages dont les bénéfices pour le grand public restent limités."

"[La 5G] est souvent présentée – autant par ses défenseurs que par ses opposants – comme une étape vers un programme plus vaste de numérisation généralisée de la société. Ainsi, avec cette controverse, c’est la société du tout numérique qui est en cause, avec tout ce qu’elle implique (en termes de cumul d’expositions aux champs électromagnétiques, de consommations énergétiques accrues par la multiplication des usages, mais aussi, selon certains, de surveillance généralisée)", conclut Laura Draetta. 

Ce fact-check a été également publié par Factuel - AFP : Fonctionnement, implantation, santé : que sait-on sur la 5G ?.

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