Non, des chercheurs de Yale n’ont pas inventé un vaccin "aéroporté"
Publié le mardi 21 novembre 2023 à 17:27
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Chloé RABS / Tommy WANG / Katharina ZWINS / AFP Autriche / AFP Hong Kong
Les vaccins à ARN messager, apparus avec la crise du Covid-19 et qui ont valu le Nobel de médecine aux chercheurs Katalin Kariko (Hongrie) et Drew Weissman (Etats-Unis), ont marqué l'apogée d'une révolution thérapeutique. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses publications affirment que des chercheurs de l’Université de Yale sont parvenus à mettre au point une nouvelle forme de vaccin ARN messager "aéroporté" pour "vacciner les masses à leur insu ou sans leur consentement". C’est faux. Dans l'étude citée, menée exclusivement sur des souris, le vaccin était placé sous forme de gouttelettes directement dans le nez, et non pas inhalé à partir de l’air ambiant. Vacciner des humains "par voie aérienne" est impossible, ont affirmé plusieurs experts à l’AFP.
"Une équipe de scientifiques de l’université de Yale a mis au point une nouvelle forme de vaccin à ARNm 'aéroporté' qui peut être rapidement déployé au sein de la population pour vacciner les masses à leur insu ou sans leur consentement", affirment des publications relayées sur les réseaux sociaux (1, 2).
Des publications similaires ont également été partagées en anglais et en japonais.
"Les chercheurs ont mis au point cette nouvelle méthode aérienne pour administrer l’ARNm directement dans les poumons, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des injections volontaires", poursuivent les internautes renvoyant à un article de blog publié sur le site Aube digitale.
Comme précisé par le site, l’article de blog est une traduction d’un site anglophone Slay News.
Le site renvoie à son tour à un extrait de l’émission "The Epoch Times", animée par Roman Balmakov, dans lequel celui-ci affirme également que les chercheurs de Yale ont réussi à mettre au point "une nouvelle méthode d’administration par voie aérienne pour les vaccins à ARN messager".
De nombreuses allégations partagées par le site "The Epoch Times" - en anglais ou en français - ont déjà fait l'objet d’articles de vérification par l’AFP, notamment sur la vaccination contre le Covid-19 (1, 2, 3).
De même, Roman Balmakov a déjà diffusé de fausses informations, vérifiées par l’AFP.
L’étude mentionnée dans les publications que nous examinons a été publiée le 16 août 2023 sur la plateforme PubMed - une bibliothèque en ligne d’études scientifiques médicales, gérée par les National Institutes of Health américains - et s’intitule : "Les nanoparticules polymères délivrent de l'ARNm aux poumons pour la vaccination des muqueuses" (lien archivé ici).
Toutefois, celle-ci ne mentionne ni la création d’une nouvelle forme de vaccin "aéroporté" ou la vaccination à distance.
Certains auteurs de l’étude ainsi que plusieurs virologues ont d’ailleurs affirmé à l’AFP qu’une telle méthode n'existe pas et ne fonctionnerait pas.
Vaccination nasale
Contacté par l’AFP, Hee Won Suh (lien archivé ici), l’une des auteurs de l’étude, chercheuse au sein du département de microbiologie et d’immunologie de la Geisha School of Medicine, a expliqué, le 3 novembre, que les recherches auxquelles elle a participé ont révélé que l’administration de molécules d’ARN messager par voie intranasale - directement dans le nez - pouvaient vacciner efficacement des souris contre le virus du Covid-19.
Les vaccins nasaux pénètrent dans l’organisme de la même manière qu’un virus et permettent ainsi de renforcer l’immunité dans la membrane muqueuse qui tapisse le nez et la bouche - empêchant ainsi les personnes d’être infectés dès le départ et aidant à freiner la propagation d’une maladie.
Toutefois, l’étude en question "n’a pas porté sur des êtres humains", et "une technique aéroportée ne fonctionnerait pas chez l’homme", a affirmé Hee Won Suh.
Pour qu'un vaccin soit efficace, "les humains doivent recevoir une dose contrôlée administrée directement dans le nez", a-t-elle poursuivi.
Un des autres auteurs de l’étude, W. Mark Saltzman (lien archivé ici), professeur à la Yale School of Medicine, a déclaré à l’AFP que les doses de vaccin administrées doivent être bien ajustées pour que celui-ci soit performant. Ce qui serait "impossible" dans le cas d’une administration par voie aérienne.
Interrogés par l’AFP, d’autres virologues - sans lien avec l’étude - ont également affirmé qu’il n’est pas possible de vacciner des personnes à leur insu ou sans qu’elles ne s’en rendent compte, à l’aide d’une méthode "aéroportée".
Pour Dorothee von Laer (lien archivé ici), professeure à l’Institut de virologie à l’Université de médecine d’Innsbruck en Autriche, ces affirmations "relèvent de la théorie du complot, rien d’autre".
"Au vu de l’état actuel de la recherche, il n’est pas concevable qu’une concentration suffisante de vaccin puisse se loger sur les muqueuses nasales ou dans les poumons en administrant le vaccin sous forme d’aérosol dans l’air", a-t-elle déclaré le 2 novembre.
De son côté, l’Institut fédéral allemand pour les vaccins et les biomédicaments, le Paul-Elricht-Institute (lien archivé ici), a déclaré à l’AFP le 2 novembre qu’il "n’est pas imaginable de pouvoir vacciner correctement les gens sans qu’ils ne s’en rendent compte, ni par l’air, ni d’aucune autre manière".
Comment fonctionne l’ARN messager ?
L'ARN messager est présent dans toutes les cellules et leur permet de travailler au bon fonctionnement de l'organisme. Il sert d'intermédiaire entre le code génétique de l'ADN et l'activité de la cellule, comme expliqué dans cette dépêche de l’AFP (lien archivé ici).
Plus précisément, c'est une copie provisoire d'une petite partie de l'ADN, présent en permanence dans le noyau de la cellule. Celle-ci utilise cette copie comme code pour produire des protéines spécifiques.
Avec un traitement à ARN messager, on insère ces morceaux de code génétique depuis l'extérieur. Ils sont donc créés artificiellement en laboratoire et non plus à partir de l'ADN.
Ils conduisent les cellules à reproduire des protéines présentes dans le virus - les "antigènes" - afin d'habituer le système immunitaire à le reconnaître et à le neutraliser.
Un vaccin classique cherche à habituer l'organisme à un virus (ou d'autres agents infectieux) mais il le fait en introduisant directement celui-ci dans le corps, sous forme atténuée ou désamorcée. Certains, plus récents, n'injectent que les antigènes du virus.
La révolution du vaccin à ARN messager, c'est de faire travailler directement les cellules à produire ces antigènes. Comme pour les autres vaccins, le système immunitaire réagit ensuite, notamment en générant des anticorps.
De nombreuses autres fausses informations en lien avec la vaccination ont été vérifiées par l'AFP, à retrouver sur le site AFP Factuel.
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Une équipe de scientifiques de l’université de Yale a mis au point une nouvelle forme de vaccin à ARNm « aéroporté » qui peut être rapidement déployé au sein de la population pour vacciner les masses à leur insu ou sans leur consentement.
Les chercheurs ont mis au point cette
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