Non, le terme "halal" n'a pas été interdit en France


Non, le terme "halal" n'a pas été interdit en France

Publié le mardi 16 janvier 2024 à 17:32

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Auteur(s)

Juliette MANSOUR / AFP France

Le terme arabe "halal", qui peut se traduire par "licite" ou "permis" correspond traditionnellement dans la religion musulmane à ce qui peut être consommé, à l'inverse de ce qui est "haram", ou "interdit" -comme l'alcool ou le porc notamment. Le terme peut être apposé sur des produits alimentaires ou des boucheries par exemple, pour indiquer que ces produits sont considérés comme "halal". Mais selon des vidéos très partagées sur TikTok depuis le 10 janvier, une nouvelle loi l'aurait interdit, sous peine d'amende, au profit de l'expression "abattage rituel". Mais c'est faux, ont expliqué à l'AFP le ministère de l'Agriculture ainsi qu'un organisme de certification halal.

"Interdiction du mot 'halal' sous peine d'amende", "la France vient de bannir le terme 'halal'", "si tu dis le mot 'halal' 150 euros d'amende", "le mot 'halal' est devenu interdit en France"..... ces messages inondent Tik Tok depuis le 11 janvier (1, 2, 3, 4, 5, 6) , sous différentes formes mais avec toujours le même message : le terme 'halal' ne pourrait désormais plus être utilisé en France.

C'est faux.

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Montage réalisé par l'AFP le 15/01/2023 à partir de différentes vidéos Tik Tok assurant que le terme "halal" aurait été interdit en France

 

"Il sera interdit d'utiliser le mot 'halal' et de l'afficher sur les boucheries en France. Les produits halal ne seront plus présents dans les cantines, les restaurants et les épiceries. Ils seront désormais désignés par le terme 'abattage rituel' (...) ce changement fait suite à des réactions de certains français qui se sentent mal à l'aise avec l'écriture arabe (...) cependant il est toujours possible d'utiliser de consommer des produits 'halal' (...) il est important de noter que l'utilisation du terme 'halal' pourrait désormais entraîner une amende de 135 euros. Tu es pour ou contre cette loi? ", développe par exemple une vidéo TikTok partagée le 11 janvier et likée plus de 18.000 fois depuis. 

Le montant de l'amende qui serait infligées aux personnes utilisant encore le mot "halal" et non "abattage rituel" serait de 135 à 150 euros, selon les internautes qui relaient ces publications.

Une rumeur infondée

Le terme de "ḥalāl", qui peut se traduire par "licite ou permis" correspond, dans la religion musulmane, à ce qui peut être consommée, à l'inverse de ce qui est "harâm", ou "interdit" comme l'alcool ou le porc, par exemple. 

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Des visiteurs pendant le salon international de l'Alimentation le 21 octobre 2018 à Villepinte, en France.

AFP

 

Le halal peut désigner une viande animale qui doit être tuée selon des rites musulmans bien précis mais aussi de nombreux autres produits alimentaires  - des bonbons ou des biscuits par exemple - qui ne contiennent pas d'ingrédients "haram" à l'instar de graisses animales porcines. 

En 2019, les ventes de produits alimentaires halal avaient progressé de 5,2% en France pour s'établir à 282 millions d'euros estimait ainsi en 2019 le cabinet Nielsen. 

Rapidement, le message partagé en ligne pour annoncer l'interdiction du terme "halal" a soulevé de nombreuses craintes et questionnements pour les consommateurs. Les messages assuraient que les bouchers devraient désormais changer leur vitrine, et les vendeurs tous leurs étiquetages pour que soit désormais affiché l'expression "abattage rituel".

Pour entrer en vigueur, une loi doit être adoptée par le Parlement, promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel. L'AFP a donc cherché si un tel texte avait été publié au Journal Officiel (archive ici) mais n'en a pas trouvé de trace.

Contacté le 12 janvier, le ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire a confirmé qu'il s'agissait d'une "fausse information et qu'aucune loi pour bannir l'utilisation du terme 'halal' n'était entrée en vigueur" et que le terme peut "évidemment continuer à être inscrit sur les boucheries et étiquettes puisqu'aucun changement réglementaire n'a été fait ni n'est en projet à ce sujet". Le ministère a en outre souligné qu'un changement d'étiquetage doit être discuté à l'échelle européenne avant même d'envisager son application en France.

Aujourd'hui, il n'est pas obligatoire d'indiquer sur une viande son mode d'abattage, et donc si elle est halal.

"Les obligations en termes d'étiquetage des viandes ressortent du domaine harmonisé des règles d'information fixées par l'Union européenne. Les produits issus d'animaux abattus sans étourdissement préalable sont soumis aux dispositions générales d'étiquetage, de composition et de conformité du règlement (UE) n° 1169/2011 relatif à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Le principe de l'étiquetage obligatoire des viandes suivant le mode d'abattage des animaux n'a pas été retenu lors du vote de ce règlement", détaillait ainsi le ministère de l'Economie et des finances en 2018 à un sénateur LR regrettant ce qu'il considérait comme un manque de transparence (archive ici).

La Grande Mosquée de Lyon (ARGML) , organisme de certification halal de référence (archive ici) a également confirmé à l'AFP le 13 janvier "qu'à ce jour, aucune mesure n’a été prise pour une modification de l'appellation 'halal' désignant les produits concernés", soulignant que ces "allégations et rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux sont totalement fallacieuses".

"Le terme 'abattage rituel' désigne simplement un mode d'abattage pratiqué, il ne peut pas à lui seul se substituer au terme 'halal'", a également estimé la Grande Mosquée de Lyon.

Remplacer le terme halal par l'expression "abattage rituel" exclurait également tous les autres produits halal sans rapport avec la viande, alors que le secteur ne cesse de se diversifier et qu'il existe de nombreux autres produits alimentaires, mais aussi des cosmétiques  par exemple (archive ici).

Le terme d'"abattage rituel" apparaît néanmoins bien sur le site du ministère de l'Agriculture (archive ici), qui explique qu'il "constitue une dérogation aux pratiques classiques d’abattage, qui imposent l’étourdissement préalable des animaux avant leur saignée" pour des questions "de libre exercice du culte" et en avait souligné les modalités en 2021.

A l'époque,  ces précisions du ministère apportées sur la pratique et le contrôle de l'abattage dans le respect des normes européennes avaient déjà été interprétées, à tort, comme "l'interdiction de l'abattage halal" avait expliqué l'AFP dans un article de vérification

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Ce fact-check a été également publié par Factuel - AFP : Non, le terme "halal" n'a pas été interdit en France.

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