VRAI OU FAUX. Marion Maréchal affirme que la menace terroriste d'ultradroite "n'existe pas". Vraiment ?


VRAI OU FAUX. Marion Maréchal affirme que la menace terroriste d'ultradroite "n'existe pas". Vraiment ?

Publié le lundi 11 décembre 2023 à 10:36

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franceinfo

La candidate du parti Reconquête aux élections européennes a affirmé dans le "8h30 franceinfo" qu'il y avait "zéro" exemple de crime ou délit de l'ultradroite en France. Mais c'est faux.

Parler de la menace d'ultradroite en France, "c'est donner du crédit à une menace qui n'existe pas", selon Marion Maréchal, la tête de liste du parti Reconquête d'Eric Zemmour aux élections européennes de juin 2024, invitée du 8h30 de franceinfo mardi 5 décembre.

"Combien de meurtres ? Combien d'attentats ? Combien de viols ? Combien d'agressions gratuites à la sortie d'une boîte de nuit ou pour une cigarette ? Zéro, assure-t-elle. Voilà, la réalité, c'est que c'est zéro", insiste-elle encore.

Vraiment ?

Federico Aramburu, Clément Meric… Plusieurs morts imputées à l'ultradroite

Ce que dit Marion Maréchal est totalement faux. La menace d'ultradroite existe bel et bien. Il s'agit même de la deuxième menace terroriste en France, après le jihadisme, selon les services de renseignements et comme le Vrai ou Faux l'expliquait déjà en juin dernier. Fin 2023, environ 3 000 personnes appartiennent à la mouvance d'ultradroite en France, dont 1 300 sont fichées S. Au total, 29 973 personnes étaient fichées S en 2018, selon un rapport d'information du Sénat (ce sont les chiffres les plus récents disponibles). Parmi eux, des militants d'ultradroite, des personnes soupçonnées de radicalisation islamiste, mais aussi des militants d'ultragauche, des hooligans ou autre.

Et des exemples, il en existe. À commencer par l'assassinat de l'ancien rugbyman argentin Federico Martin Aramburu, tué de cinq balles devant un hôtel parisien le 19 mars 2022. Selon une source proche de l'enquête, le principal suspect est Loïk Le Priol, un ancien membre du Groupe union défense, plus communément appelé le GUD, une organisation étudiante d'extrême droite réputée pour ses actions violentes. Un autre membre de l'ultradroite, Romain Bouvier, et la compagne de Loïk Le Priol, Lyson Rochemir, sont aussi mis en examen.

Selon les premiers éléments de l'enquête recueillis à l'époque par franceinfo, tout a commencé autour d'une histoire de cigarette dans un bar, justement, contrairement à ce que dit Marion Maréchal en expliquant qu'il n'y avait jamais eu "d'agression gratuite à la sortie d'une boîte de nuit ou pour une cigarette". Les trois membres de l'ultradroite avaient commencé à insulter un jeune venu leur demander une cigarette ou quelques pièces de monnaie. Martin Aramburu s'était interposé. Le petit groupe avait alors répondu qu'ils étaient chez eux, "sur leur sol". Une bagarre avait éclaté. Martin Aramburu était ensuite entré dans un hôtel pour demander des glaçons et soulager les coups qu'il avait reçus au visage. Les trois membres de l'ultradroite sont soupçonnés de l'avoir attendu devant l'hôtel pour lui tirer dessus.

On peut aussi citer la mort de Clément Méric, jeune militant antifasciste tué par des skinheads en juin 2013 à Paris, lançant une vague d'indignation à travers la France. Cela avait conduit à la dissolution de cinq organisations d'ultradroite, "Troisième Voie", les "Jeunesses nationalistes révolutionnaires", "Envie de rêver", "Œuvre française" et les "Jeunesses nationalistes". Deux anciens skinheads, Esteban Morillo et Samuel Dufour, ont été condamnés en appel, en juin 2021, à cinq et huit ans de prison pour violences volontaires ayant entraîné la mort, comme le rapportait l'AFP à l'issue du procès.

Et c'est compter sans les meurtres commis par des sympathisants des idées d'extrême droite même s'ils ne sont pas forcément reliés à la mouvance d'ultradroite, comme la tuerie de la rue d'Enghien en décembre 2022 à Paris qui a causé la mort de trois Kurdes – le principal suspect, William Malet, a reconnu sa haine "pathologique" des étrangers – ou la mise en examen pour meurtre en mai 2022 de Martial Lanoir, sympathisant d'extrême droite et conspirationniste.

Des agressions et des actes de violences

Il est possible également de parler de l'agression d'étudiants membres du syndicat Solidaires sur le campus de Nice en septembre 2020. France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur raconte que six jeunes masqués les ont passés à tabac avant de partir en criant "Nationalistes !"

Ou encore de la prise d'assaut d'une réunion publique en faveur de la cause palestinienne mi-novembre 2023, un mois après l'attaque terroriste du Hamas en Israël et le début de la riposte israélienne sur la bande de Gaza. Selon France 2, une cinquantaine de personnes, presque toutes masquées, parfois armées de battes de baseball et de mortiers d'artifices, ont réalisé un véritable "déferlement de violences", blessant trois personnes. Action revendiquée par l'ultradroite de Lyon, où les agressions sont fréquentes.

Les heurts entre militants d'ultradroite et antifascistes lors d'une manifestation contre le déménagement d'un Centre d'accueil pour demandeurs d'asile près d'une école à Saint-Brevin, en Loire-Atlantique, valent aussi la peine d'être mentionnés. Le maire de la commune a dit avoir reçu des menaces de la part de militants d'extrême droite, soutenus par le parti d'Eric Zemmour, au point que France Terre d'asile parlait à franceinfo d'une "stratégie organisée et violente de l'extrême droite visant à terroriser les élus qui s'engagent dans l'accueil des étrangers". Le maire avait finalement démissionné après que sa maison a été incendiée. L'enquête est toujours en cours.

Et la liste n'est pas exhaustive.

12 projets d'attentats d'ultradroite déjoués depuis 2017

Par ailleurs, selon les informations de franceinfo, 12 projets d'attentats de l'ultradroite ont été déjoués ces six dernières années, depuis 2017, dont deux en 2023. Et là aussi, c'est compter sans les autres projets violents qui ne sont pas considérés comme des attentats.

On peut citer le projet d'assassinat du président de la République Emmanuel Macron en 2018 et d'autres projets d'attaques contre des élus, des migrants ou des mosquées, fomentés par des membres du groupuscule d'ultradroite des Barjols. Quatre personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Paris en février 2023. Neuf autres ont été relaxées mais le Parquet national antiterroriste (Pnat) a fait appel de la relaxe de sept d'entre eux.

Le Pnat a aussi demandé un procès pour 16 membres du groupe anti-musulman Action des forces opérationnelles (AFO), soupçonnés d'avoir préparé des actions violentes visant des musulmans, et notamment d'avoir voulu empoisonner de la nourriture halal pour tuer ceux qui en mangeraient.

Quatre membres de la mouvance néonazie ont également été condamnés en juin dernier à des peines allant d'un an de prison à 18 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises spéciale des mineurs de Paris pour des projets d'actions contre des mosquées, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) ou encore contre le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.

Il y a aussi eu plusieurs membres des Zouaves Paris, groupuscule d'ultradroite dissout depuis, soupçonnés d'avoir voulu commettre des violences envers des supporters marocains lors de la demi-finale de la Coupe du monde de football entre la France et le Maroc fin 2022. Parmi eux, Marc de Cacqueray-Valmenier, une figure bien connue de l'ultradroite. La procédure judiciaire a été annulée en raison d'irrégularités notamment dans les interpellations, le fond du dossier n'a donc pas été jugé.

Le dernier rapport d'Europol sur l'état de la menace terroriste dans l'Union européenne mis à jour en octobre 2023 parle également de deux attaques terroristes d'ultradroite déjouées en mai 2022 avec l'arrestation d'un jeune homme à Bourg-Saint-Andéol en Ardèche et en septembre 2022 avec l'arrestation d'un autre jeune homme à Bouzonville en Moselle, qui tenaient tantôt des propos racistes, tantôt des propos anti-LGBT.

Et là encore, comme pour les homicides et les agressions cités plus haut, cette liste des attaques déjouées de l'ultradroite n'est pas exhaustive.