Philippe Rio (Maire de Grigny) souhaite résilier le contrat de fourniture de gaz de sa commune pour passer à la géothermie


Philippe Rio (Maire de Grigny) souhaite résilier le contrat de fourniture de gaz de sa commune pour passer à la géothermie

Publié le lundi 10 octobre 2022 à 09:48

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Auteur(s)

Emma Cacciamani

Le renchérissement du coût de l’énergie suscite bien des idées destinées à échapper à cette inflation. Ainsi, Philippe Rio, maire de Grigny et membre du parti communiste français, souhaite déployer sur toute sa ville un réseau public de chauffage par géothermie et distribuer une énergie moins chère à ses administrés. Pour cela, il devra sortir du contrat qui lie sa commune jusqu’en 2029 à Engie, son fournisseur d’énergie. C’est possible, mais sous conditions.

 

Source :RadioFrance, 26 septembre 2022

Etiqe :Pas si simple

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La géothermie au secours de l’environnement et du pouvoir d’achat

En vertu du Code de la commande publique, une personne publique a le droit de résilier unilatéralement un marché pour un motif d’intérêt général et ce, même lorsque le contrat ne le prévoit pas. La maire de Grigny peut donc sortir du contrat avec Engie, car l’intérêt général ne fait pas de doute : face à la crise énergétique actuelle causée par les actions de la Russie et de la guerre en Ukraine, mais aussi face au réchauffement climatique, le juge, s’il était saisi par Engie contre la commune, n’aurait pas de mal à reconnaître que le maire agit dans l’intérêt de ses administrés. D’autant que le réseau de chaleur de la ville de Grigny a été repensé depuis 2014, en investissant dans la géothermie, source d’énergie non seulement renouvelable, mais moins chère que le gaz. Or, malgré cela certains logements restent chauffés au gaz, précisément en raison du contrat de gaz qui lie le bailleur social de la ville à Engie jusqu’en 2029.

Un exemple récent vient rappeler ce principe : on se souvient qu’à la suite du mouvement des “bonnets rouges en Bretagne, le gouvernement avait abandonné la mise en œuvre d’une taxation des poids lourds. L’entreprise Ecomouv’, qui venait à grands frais d’installer les portiques de péages sur toutes les routes de France, avait donc vu son contrat résilié par l’État. Elle saisit alors le juge, qui condamna l’État en 2018 à lui verser plus de 10 millions d’euros, faute d’intérêt général. 

Il faudra indemniser le fournisseur de gaz (Engie)

Mais il existe une contrepartie à ce droit : l’indemnisation de ce qu’on appelle le cocontractant (ici, Engie en tant que fournisseur), et cela dès lors que ce dernier n’a commis aucune faute. La jurisprudence protège ainsi les cocontractants des personnes publiques (en l’occurrence la commune de Grigny). C’est logique : si les personnes publiques ont le droit de modifier les contrats pour des raisons d’intérêt général, il faut bien protéger leurs fournisseurs contre ces modifications, par l’indemnisation. Sans quoi, les personnes publiques seraient également perdantes, car elles ne trouveraient plus d’entreprises pour satisfaire leurs besoins : aucune entreprise ne prendrait le risque de fournir une personne publique en sachant qu’à la première occasion le contrat peut être résilié sans indemnisation.

En cas de résiliation par la commune de Grigny, la société Engie aurait donc droit à la compensation des pertes occasionnées par cette résiliation, et pourrait engager un procès en cas de désaccord sur le montant de cette compensation. Ainsi, la bascule vers une énergie moins chère risque dans un premier temps de coûter cher à la commune et donc au contribuable local. Mais c’est un investissement pour l’avenir. 

Contactée, la commune de Grigny n’a pas répondu à nos sollicitations.

Auteurs :

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Autrice : Graciela Adjibogou, master de droit européen, Université Paris-Est Créteil

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng