Pour le député (LFI) Arnaud Le Gall, le drapeau européen est “un symbole d’appartenance à une organisation sur la politique de laquelle [le peuple] n’a pas son mot à dire”


Pour le député (LFI) Arnaud Le Gall, le drapeau européen est “un symbole d’appartenance à une organisation sur la politique de laquelle [le peuple] n’a pas son mot à dire”

Très exagéré!

Publié le mercredi 17 mai 2023 à 09:15

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Auteur(s)

Auteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP (Université Paris-Saclay)

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, laboratoire VIP (Université Paris-Saclay)

Les Français ont leur mot à dire sur la politique de l’Union européenne. Ils votent tous les cinq ans pour élire les députés du Parlement européen, devant lequel la Commission est responsable. Le Conseil, qui décide des politiques européennes, est composé de ministres responsables devant leurs parlements nationaux.

Depuis hier mardi 9 mai, journée de l’Europe, l’atmosphère est électrique dans l’hémicycle. La proposition de loi des députés Renaissance visant à rendre le drapeau européen obligatoire sur le fronton des mairies semble avoir viré au débat “pour ou contre l’Union européenne”.

Pour le député insoumis Arnaud Le Gall, si le gouvernement veut “réconcilier le peuple français avec l’Europe, il faudra d’autres mesures que d’imposer sur les mairies un symbole d’appartenance à une organisation sur la politique de laquelle il n’a pas son mot à dire”. Concrètement, ce n’est pas le cas.

Le Parlement européen élu à la proportionnelle

Depuis 1979, les députés du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, avec un scrutin à la proportionnelle. Théoriquement donc, la représentation des Français à Strasbourg est plus fidèle qu’à l’Assemblée nationale. Contrairement à l’élection à l’Assemblée nationale, le parti présidentiel n’a pas pu bénéficier d’un scrutin majoritaire lui assurant bien plus de sièges que l’expression des votes au premier tour. Alors que le Rassemblement national et Renaissance ont obtenu respectivement 23,34 et 22,42 % des voix aux élections européennes de 2019, ils ont obtenu chacun 23 députés. À l’Assemblée nationale, du fait d’un scrutin majoritaire à deux tours, le parti présidentiel a obtenu en 2022 244 sièges contre 89 pour le parti lepéniste, un écart bien plus important que l’écart en termes de votes au premier tour (25,75 % pour Ensemble ! contre 18,68 % pour le RN). La NUPES, qui avait obtenu 27 % des suffrages au premier tour, se retrouve avec 127 sièges à l’Assemblée nationale.

Certes, les Français n’ont que 79 députés au Parlement européen, contre 577 à l’Assemblée nationale, diluant d’autant l’influence des députés élus sur les listes en France, qui doivent composer au sein d’une assemblée de 705 députés.

Quoiqu’il en soit, les électeurs français ont participé à faire changer les majorités au Parlement européen depuis 1979 : d’un parlement dominé par les socialistes en 1979 ou en 1989, il est dominé par les conservateurs (Parti populaire européen) depuis 1999, même s’ils doivent composer avec les socialistes. Mais quelle influence à cette alternance sur l’exécutif européen, la Commission ?

La Commission européenne responsable devant le Parlement 

La Commission met en œuvre la politique de l’Union, telle qu’elle a été décidée par le Parlement européen et le Conseil (les États membres). Depuis l’origine de la construction européenne, elle est politiquement responsable devant le Parlement européen et, surtout, depuis le traité de Lisbonne, sa couleur politique doit être compatible avec celle du Parlement européen (article 17 du Traité sur l’Union européenne). Pas étonnant donc que la Commission soit présidée par la conservatrice Ursula von der Leyen, quand on sait que ce sont les conservateurs qui sont arrivés en tête des dernières élections.

Les députés européens jouent ici un rôle de premier plan : non seulement ils doivent valider la composition de la Commission européenne – nombreux sont les candidats à avoir été recalés pour incompétence ou pour incompatibilité politique –, mais il peuvent, en cours de  mandat, la renverser et la contraindre à démissionner s’ils estiment qu’elle ne respecte pas son mandat (article 234 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). C’est ce qui est arrivé en 1999, lorsque la Commission européenne, présidée par Jacques Santer, a démissionné en bloc sous la pression du Parlement européen, qui allait voter une motion de censure. Les députés européens, élus en partie par les citoyens européens en France, ont donc une influence déterminante sur la Commission européenne.

Les membres du Conseil responsables devant les parlements nationaux 

Mais ce n’est pas tout. L’autre chambre du pouvoir législatif européen, le Conseil, est composée des ministres des États membres. Eux-mêmes sont responsables devant leurs parlements nationaux ou leur chef d’État. Lorsqu’un ministre français va assister à un Conseil de l’Union européenne, et voter les lois européennes aux côtés du Parlement européen, ce ministre suit les consignes de son gouvernement, gouvernement qui est politiquement responsable devant l’Assemblée nationale (article 20 de la Constitution) – on l’a vu, une motion de censure n’est pas passée loin d’être adoptée au moment de l’adoption de la loi sur la réforme des retraites –, mais il est aussi responsable devant le Président de la République, lui-même élu au suffrage universel.

Il faut encore ajouter que le droit de pétition (article 227 TUE), que chaque citoyen peut exercer devant le Parlement européen, permet d’attirer l’attention des députés sur des sujets qui concernent les individus. Il est aussi possible de déposer une plainte auprès de la Médiatrice européenne si on considère que l’Union européenne n’a pas correctement agi, on peut également dénoncer un mésusage des fonds européens auprès du Parquet européen.

Il peut y avoir un sentiment d’absence de prise sur la politique européenne. Or ce sentiment, relayé par le député Arnaud Le Gall, ne résiste pas à l’épreuve des faits et du droit, même si l’influence des citoyens français est forcément plus diluée dans un Parlement européen avec 79 députés sur 705, que dans une Assemblée nationale à 577.

 

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

  • URL de la déclaration : https://www.la-croix.com/Drapeau-euro...
  • Texte de la déclaration :

    Le drapeau européen divise l'Assemblée, avec les élections en toile de fond
    Lecture en 3 min.
    Faut-il rendre obligatoires les drapeaux français et européen sur la façade des mairies? L'examen à l'Assemblée de la mesure proposée par les députés macronistes a viré mardi au débat pour ou contre l'UE, à un an des élections européennes.
    La proposition de loi, portée par le groupe Renaissance, a été volontairement inscrite à l'agenda le jour de l'anniversaire de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, considérée comme un texte fondateur de la construction européenne.
    Mais elle est loin d'avoir soulevé l'enthousiasme au Palais Bourbon, où elle a fait face aux critiques des oppositions, et aux réticences de certains députés de la majorité, notamment au Modem, dubitatifs sur l'intérêt du texte dans le contexte politique actuel.
    La motion "de rejet préalable", déposée par LFI et soutenue par les communistes et le RN, a toutefois été rejetée en soirée, avant que le texte n'échappe de peu à des amendements de suppression de son article unique (160 voix contre 169).
    Les députés n'ont ensuite pas réussi à achever avant minuit son examen, qui doit reprendre mercredi.
    - "Rêve de Frexit" -
    "Le vote qui sera fait tout à l'heure sera un vote en faveur ou en défaveur de la construction européenne, ni plus, ni moins", a lancé le rapporteur de la proposition de loi, le député macroniste Mathieu Lefèvre, assumant sa portée "symbolique".
    "Ceux qui ont du mal à masquer leur malaise devant le drapeau étoilé ont tout autant de mal à masquer leurs rêves de Frexit déguisé, rouge pour les uns et brun pour les autres", a-t-il poursuivi, ciblant les insoumis et les députés RN.
    La secrétaire d'Etat chargée de l'Europe, Laurence Boone, a renchéri dans le même registre: "Je vous mets en garde sur ce que représentent les positions des deux extrêmes de cet hémicycle", a-t-elle lancé, évoquant "un danger pour le projet européen".
    Les députés insoumis ont répliqué en raillant comme les communistes "la tentative de diversion" du camp présidentiel avec une mesure "sans aucune utilité pratique".
    "La manière dont vous envisagez d'imposer la belle idée de l'internationalisme avec ce qu'est en train de devenir la construction libérale de l'Europe va faire détester l'Europe", a tonné le député LFI Alexis Corbière.
    Côté RN, le député Jean-Philippe Tanguy a lancé une attaque frontale contre le drapeau étoilé, qui ne porte selon lui "aucun symbole". "Il n'y a que trois couleurs face auxquelles les Français s'inclinent", a-t-il jugé, "le bleu, le blanc et le rouge".
    A droite, le député LR Philippe Gosselin a fustigé un débat "clivant" et "binaire", qui "crée de la discorde". Son groupe a proposé de ne rendre obligatoire que le drapeau français.
    Le député Modem Erwan Balanant a lui assumé les doutes initiaux de son groupe sur ce texte jugé "pas utile", des hésitations qui ont créé des frictions dans le camp présidentiel. Mais il a estimé que le débat avait finalement eu le mérite de montrer "la haine de l'Europe du RN" et les "arguties" de LFI.
    Comme pris en étau, c'est au nom de leur engagement pro-européen qu'écologistes et socialistes ont annoncé qu'ils voteraient en faveur du texte de Renaissance. Tout en déplorant une initiative "opportuniste", selon la députée PS Christine Pires-Beaune, et "pas loin d'un texte politicien" pour l'écologiste Jérémie Iordanoff.
    - Européennes à l'horizon -
    Ce débat sur les drapeaux a remis au jour les divergences au sein de la Nupes sur la question européenne, à un an des élections européennes.
    A gauche, l'eurodéputée LFI Manon Aubry a suscité la polémique lundi en présentant le drapeau européen comme "une forfaiture démocratique", en allusion au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, rejetée par le peuple, mais dont la substance a été ensuite approuvée par l'Assemblée nationale.
    Partisane d'un accord pour une liste unique des partis de gauche aux européennes comme lors des législatives de l'an dernier, elle a été attaquée par ses alliés.
    "Non, l'Europe n'est ni LE problème, ni une forfaiture!", s'est emporté sur Twitter l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot, dont le parti tient à présenter sa propre liste.
    Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a lui estimé dans une tribune que l'"Europe n'est pas par essence libérale, elle est un espace toujours en construction". Ajoutant qu'il faut œuvrer pour y "changer de paradigmes" sans "refuser les compromis".

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