Inflation : Leclerc, Auchan… Les grands distributeurs spéculent-ils sur la moutarde ou l’huile de tournesol ?


Inflation : Leclerc, Auchan… Les grands distributeurs spéculent-ils sur la moutarde ou l’huile de tournesol ?

Publié le jeudi 9 juin 2022 à 16:50

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Des rayons vides dans un magasin d'alimentation à Paris, le 4 mai 2022

(Jacques Witt/SIPA)

Auteur(s)

Emilie Jehanno (20 Minutes)

Sur les réseaux sociaux, des posts viraux accusent « le gouvernement » ou « les entrepôts des grandes enseignes » comme Auchan ou Leclerc de retenir des stocks de moutarde, d’huile de tournesol ou de pâtes

Des rayons vides, des affiches invitant à ne pas prendre plus de deux pots de moutarde, une flambée des prix sur certains produits : ces épisodes alimentent la crainte d’une spéculation. Sur les réseaux sociaux, un post viral accusent «les entrepôts des grandes enseignes de distribution» comme Auchan ou Leclerc de retenir des stocks de moutarde, d’huile de tournesol ou de pâtes. Les livraisons seraient ralenties « pour faire monter les prix et faire croire à une pénurie » en raison de la guerre en Ukraine, critique une internaute, dans un tweet partagé plus de 2.200 fois.

Un autre post viral met en cause le gouvernement « qui bloque tout pour créer une fausse pénurie », évoquant, sans en citer, « des témoignages d’employés dans des entrepôts en France ».

FAKE OFF

La mise en cause des grandes enseignes de distribution est « absurde », juge Lionel Maugain, chef de la rubrique argent du magazine 60 millions de consommateurs. « On ne peut pas parler de spéculation, souligne-t-il. Les seules spéculations en vigueur sont sur le marché du blé, avec des niveaux de prix historiques et, en même temps, une disponibilité du blé à la production qui fait que ces niveaux de prix ne se justifient pas. » A la mi-mai, lorsque l’Inde a interdit les exportations, le blé a atteint le prix record de 438,25 euros par tonne, sur le marché Euronext.

« On peut dire beaucoup de choses sur les distributeurs, poursuit le journaliste, mais ils se font une concurrence féroce. » Il souligne, au contraire, qu’ils ne retiennent pas la marchandise et font tout pour obtenir des huiles, par exemple. Une information que nous confirme Auchan. « On ne surstocke absolument pas, répond l’enseigne. Dès qu’on a les produits, ils sont mis en magasin pour être vendus auprès des clients. »

Un pilotage à flux tendu des stocks

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’enseigne de grande distribution est entrée dans un pilotage à flux tendu de ses stocks, d’où parfois des rayons vides. Des quotas d'approvisionnement par région ont été mis en place par les fournisseurs de matières premières «en réaction à la situation actuelle», précise Auchan. Il s'agit de réguler le nombre de produits que ces fournisseurs peuvent livrer, «car eux-mêmes éprouvent des difficultés d’approvisionnement en matières premières».

Le groupe E.Leclerc précise que le réapprovisionnement des rayons de moutarde peut être affecté en raison de récoltes moins importantes. En revanche, pour les huiles de colza ou de tournesol, l’entreprise indique ne pas constater « de risque de pénurie ».

Une surconsommation des produits

A travers l'observatoire de l'inflation, mis en place en février par 60 millions de consommateurs et l’institut NielsenIQ, le magazine a aussi remarqué un phénomène de surstockage. « Depuis le début de la guerre, il y a 30 % de vente d’huiles en plus que la normale, indique Lionel Maugain. Dès que les rayons sont remplis, les gens se précipitent. »

Auchan a également constaté cette surconsommation de produits, notamment pour les pâtes, la farine, l’huile de tournesol. Par exemple, du 14 au 20 mars, soit un peu moins de trois semaines après le début de la guerre, l’enseigne a noté une hausse des achats de 53 % d’huile de tournesol par rapport à 2021. De son côté, E.Leclerc « invite ses clients à ne pas changer leurs habitudes de consommation afin de ne pas créer artificiellement des ruptures de stock sur ces produits ».

Capture d'écran d'un tweet dénonçant une pénurie organisée (à g.) et capture d'écran de la photo d'un entrepôt de Mecalux en Argentine (à dr.).

Capture d'écran d'un tweet dénonçant une pénurie organisée (à g.) et capture d'écran de la photo d'un entrepôt de Mecalux en Argentine (à dr.). - Capture d'écran/Twitter/Mecalux

Enfin, la photo utilisée pour illustrer un des tweets viraux est celle d’un entrepôt de fruits et légumes en Argentine, visible sur le site de Mecalux, une entreprise de solutions de stockage. On la retrouve en effectuant une recherche par image inversée grâce à Google Lens. Rien à avoir avec un entrepôt en France donc.

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