Depuis le coup d’éclat d’Evgueni Prigojine et la percée (interrompue) des mercenaires de Wagner vers Moscou, l’avenir politique et militaire de la Russie est plus qu’incertain. Et il est à ce jour impossible de savoir sur quoi ont porté exactement les négociations avec le patron des mercenaires. Mais pour minimiser l’affront fait à Poutine, certains, notamment dans l’espace informationnel pro-russe français, affirment que cette rébellion n’était en réalité qu’une mise en scène et mettent en avant l’absence de pertes humaines. On citera en exemple l’affabulateur en série Adrien Bocquet, qui s’est évertué à parler de «mise en scène» sur son compte Instagram.

Mais l’affirmation selon laquelle aucune goutte de sang n’a été versée est aussi défendue du côté de Moscou. Ainsi, si le chef de la commission de la défense de la Douma, Andreï Kartapolov, ne dément pas la réalité de l’action de Prigojine, ce dernier a déclaré le 25 juin, dans une interview au journal russe Vedomosti, que les hommes de Wagner «n’ont offensé personne, ils n’ont rien cassé. Personne n’a le moindre reproche à leur faire, ni les habitants de Rostov ni les militaires du district militaire Sud ni les forces de l’ordre. Quelles sont donc leurs demandes ? Il n’y a pas de plaintes à leur sujet».

Ces affirmations sont contredites par les affrontements, bien réels, qui ont eu lieu pendant ces deux jours et n’ont pas épargné les forces russes. Dresser un bilan précis sur le plan humain est vain tant les inconnues sont nombreuses, mais une chose est certaine : la destruction de plusieurs véhicules a été recensée par divers observateurs en sources ouvertes. Particulièrement des appareils russes, abattus des différents systèmes anti-aériens contrôlés par Wagner.

Six hélicoptères et un avion abattu

Les «milblogueurs» russes, ces commentateurs militaires plus ou moins proches du Kremlin et de sa propagande, se sont déchirés tout le week-end autour des «troubles» générés par l’ex-«cuisinier de Poutine». Mais dès samedi, nombre d’entre eux (notamment ceux proches des VKS, les forces aérospatiales russes) se sont fait l’écho d’un lourd bilan pour les forces aériennes russes : six hélicoptères et un avion lourd abattu.

Plusieurs de ces destructions sont corroborées par différentes photos et vidéos. C’est notamment le cas de l’avion, un Il-22M, précieux poste de commandement volant russe. Le crash de l’appareil a été localisé par le collectif GeoConfirmed dans la région de Voronej, en Russie. Le bilan humain de ce crash diffère selon les sources, mais tous les membres d’équipages auraient été tués, soit environ une dizaine de personnes.

#Russia: A Russian Il-22M communications aircraft (reportedly RF-75917) was shot down by Wagner forces in #Voronezh Oblast.
https://twitter.com/UAWeapons/status/1672542143280234496

La journaliste de guerre russe Irina Yulievna, de la télévision d’Etat Pervy Kanal (très proche de la propagande du Kremlin), parle de 10 morts. Dans un post Telegram, elle rapporte : «Quand il a été demandé à Prigojine, dans le commandement du quartier général militaire du district Sud, pourquoi [avoir abattu l’avion], cet appareil n’étant pas capable de bombarder, il a répondu que l’imbécile d’artilleur de la colonne abattait tout ce qui décollait…» Toujours d’après cette dernière, le patron de Wagner aurait accepté de payer 50 millions de roubles (plus de 542 000 euros) aux familles des victimes pour les dédommager.

«Des aviateurs sont morts»

D’autres images rapportées par différents comptes de milblogueurs montrent le crash d’un hélicoptère d’attaque Ka-52 abattu dans la région de Voronej. Plusieurs d’entre eux se font l’écho d’un appel aux dons pour les proches de deux pilotes russes décédés, Denis O. et un deuxième, identifié par son nom de guerre, «Danceur». Un canal pro-russe populaire a réagi auprès de ses plus de 760 000 abonnés : «Oui, ces vingt-quatre heures ne se sont pas terminées sans effusion de sang, évoquant l’épopée des hommes de Wagner. Des aviateurs sont morts. Plusieurs équipages. Tous sont morts au-dessus de notre territoire lors de missions de combat.»

Même Evgueni Prigojine ne le cache pas. Dans un message vocal diffusé sur son canal Telegram ce lundi 26 juin peu après 17 heures, le chef de guerre souligne d’abord les pertes de Wagner, qui seraient d’une trentaine de personnes (la plupart dans la frappe initiale qui aurait mis le feu aux poudres, et quelques-uns plus tard). Un bilan impossible à corroborer, mais plusieurs images de véhicules détruits attestent de pertes chez les mercenaires durant des bombardements de la colonne vers Moscou. Prigojine martèle dans son enregistrement que «pas un seul soldat [russe] au sol n’a été tué». Dans les airs, c’est une autre histoire : «Nous regrettons d’avoir été forcés de tirer sur les moyens aériens, mais ces appareils nous larguaient des bombes dessus et tiraient des missiles.» De son côté, le ministère russe de la Défense n’a pour l’instant pas communiqué sur ces pertes.