Faut-il seulement 45 éoliennes offshore pour remplacer un réacteur nucléaire, comme l’affirme Mélenchon ?


Publié le mercredi 12 janvier 2022 à 17:18

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(AFP / Paul Ellis)

Auteur(s)

Cédric Mathiot

Aucune éolienne ne permet aujourd’hui de fournir une telle puissance. L’équipe du candidat insoumis explique qu’il évoquait «les futures grandes éoliennes en mer».

Bonjour,

Vous nous avez interrogés sur une déclaration particulièrement commentée de Jean-Luc Mélenchon. Répétant sur France Inter son projet de sortir du nucléaire à l’horizon 2050, le candidat à la présidentielle a insisté sur le potentiel de substitution des énergies renouvelables, notamment l’éolien : «Je vais donner un exemple plus simple, un réacteur nucléaire, c’est 45 éoliennes offshore.»

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont jugé le propos farfelu, certains lui opposant un article que CheckNews avait rédigé en décembre 2019 : interrogés sur le nombre d’éoliennes pour «remplacer» la centrale de Fessenheim, nous évoquions alors le chiffre de 500 éoliennes offshore. Un chiffre qui valait pour les deux réacteurs de la centrale du Haut-Rhin, mais qui varie selon le type de réacteurs et d’éoliennes qu’on évoque.

En France, la cinquantaine de réacteurs nucléaires ont des puissances de 900 mégawatts (MW) – pour la majorité – à 1 450 MW. Il convient donc de choisir le réacteur dont on parle.

Il en va de même pour les éoliennes offshore par lesquelles on décide de le remplacer. Dans notre précédent article, nous avions basé nos calculs sur les données suivantes : la centrale de Fessenheim avait deux réacteurs de 900 MW, soit une puissance totale de 1 800 MW. Pour estimer le nombre d’éoliennes nécessaires pour «remplacer» cette puissance, nous nous étions basés sur des éoliennes offshore de puissance unitaire «standard» (6 MW).

Il ne suffit pas de faire une simple division à partir de la puissance unitaire. Il faut tenir compte du fait que les deux sources d’énergie ne produisent pas tout le temps au maximum de leur capacité (ce qu’on appelle le facteur de capacité). En nous basant sur un facteur de capacité de 40 % pour l’éolien offshore (supérieur à celui de l’éolien terrestre), et en considérant que Fessenheim avait produit 11,9 TWh en 2018, nous arrivions à 500 éoliennes offshore pour «remplacer» deux réacteurs.

Le même calcul pour 1 réacteur de 900 MW (en se basant sur la production de Fessenheim en 2018) mènerait donc à 250 éoliennes offshore d’une puissance de 6 MW (en partant d’un facteur de capacité de 40 %).

Monstres marins

On est loin du calcul de Jean-Luc Mélenchon qui – contrairement à ce que sa formulation au présent suggère – ne se place pas dans un cadre actuel et évoque «les futures grandes éoliennes en mer», nous explique son entourage. En visite à l’Ecole centrale de Nantes fin novembre, le candidat avait visité les laboratoires d’énergie marine de l’école d’ingénieurs, avec un intérêt particulier pour les éoliennes «nouvelle génération». Dans l’article de Ouest-France relatant cette visite, on lit ainsi : «Au large, chacun de ces engins, aux pâles immenses, 250 m de diamètre, est capable, d’après les ingénieurs, de fournir 20 mégawatts chacun. «Il conviendrait d’en installer 45 pour remplacer un réacteur nucléaire», calcule un technicien.»

On peut gager que c’est là la source de la déclaration de Jean-Luc Mélenchon sur France Inter, qui se base donc sur un scénario, encore théorique, d’éoliennes ayant chacun une puissance unitaire de 20 MW. Idem concernant le facteur de capacité, où le candidat part du principe que les éoliennes en pleine mer, du fait de leur meilleure exposition au vent, atteindront un facteur de capacité non encore atteint aujourd’hui. «Ces éoliennes en mer pourraient avoisiner un facteur de charge de 60 %. A l’inverse, l’usure du parc nucléaire abaisse son facteur de charge. Il avoisine déjà les 60%. Le « facteur de charge » ne constitue plus un argument massue en faveur du nucléaire», affirme l’équipe du candidat. En retenant ces hypothèses (optimistes pour l’éolien, et pessimistes pour le nucléaire), on arriverait ainsi à 45 éoliennes «du futur» fournissant à peu près l’équivalent de ce que produit un réacteur nucléaire d’une capacité de 900 MW. Le compte est bon. Mais sur le papier uniquement, pour l’heure.

Actuellement, les champs d’éoliennes offshore sont nettement en deçà de ces performances. En France, le premier parc éolien marin devrait voir le jour fin 2022 avec 80 éoliennes de 6 MW installées à 15 kilomètres au large du Croisic (Loire-Atlantique). Le projet Hornsea 2 du danois Orsted, présenté comme le plus grand champ éolien offshore du monde, vient de commencer à produire de l’énergie et doit déployer cette année 165 éoliennes de 8 MW à 90 kilomètres des côtes écossaises. D’autres champs, encore à l’état de projet, comme celui de Dogger Bank, à 130 kilomètres de la côte nord-est de l’Angleterre, prévoient d’utiliser l’Haliade-X de General Electric, une éolienne d’une capacité de 12 MW qui pourrait être dopée à 14 MW, et promet un facteur de capacité compris entre 60 et 64%.