Indexation de l’impôt : est-il vrai que les salariés dont le revenu a augmenté comme l’inflation «ne payeront pas un euro de plus»?
Indexation de l’impôt : est-il vrai que les salariés dont le revenu a augmenté comme l’inflation «ne payeront pas un euro de plus»?
Publié le mercredi 13 septembre 2023 à 13:54
(Julien de Rosa / AFP)
- Auteur(s)
Luc Peillon
Evoquant l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a utilisé une formule inexacte.
Invité sur LCI ce mardi 12 septembre, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé, pour 2024, l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus de 2023 : «Aucun salarié ne payera davantage d’impôts et certains payeront même moins d’impôts. Pourquoi ? Je vous confirme que nous indexerons le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, c’est-à-dire de 4,8 %. Concrètement, ça veut dire que tous ceux dont le salaire a augmenté en 2023 – l’augmentation moyenne est de 5 % – ils ne payeront pas un euro de plus.»
Si l’indexation du barème de l’IR a bien vocation à protéger les contribuables, cette phrase est erronée. Les personnes qui ont connu une hausse de revenu équivalente à l’inflation, ne connaîtront pas de hausse de leur taux d’imposition. Mais le montant de leur impôt, lui, va bien progresser.
Pour rappel, le principe de l’impôt progressif sur le revenu en France fonctionne par tranches de revenu, auxquelles on applique un taux de plus en plus important à mesure que le revenu est élevé. Pour les revenus 2022, le barème 2023 fonctionnait ainsi : entre 0 et 10 777 euros annuels, le contribuable était exonéré d’impôt. Entre 10 778 euros et 27 478 euros, cette partie du revenu était imposée à 11 % ; entre 27 479 et 78 570 euros, à 30 % ; entre 78 571 et 168 994 euros, à 41 % ; et au-delà de 168 994 euros, à 45 %.
Un exemple ultrasimplifié pour mieux comprendre
Pour comprendre pourquoi les personnes qui ont vu leur revenu augmenter du niveau de l’inflation connaîtront bien une hausse de leur impôt, prenons un exemple ultrasimplifié :
Un salarié gagne 300 euros l’année A. Le barème de l’IR est alors le suivant :
De 0 à 100 euros : 0 % ;
de 101 à 200 euros : 10 % (soit 10 euros d’impôt pour notre salarié) ;
de 201 à 300 euros : 20 % (soit 20 euros pour notre salarié).
Soit au total 30 euros d’impôts pour ce salarié.
L’année B, il est augmenté de 10 %, du même niveau que l’inflation. Il gagne donc 330 euros. Le gouvernement décide, de son côté, d’augmenter le barème de l’IR dans les mêmes proportions que l’inflation, soit 10 %.
Le barème de l’année B est le suivant :
De 0 à 110 euros : 0 % ;
de 111 à 220 euros : 10 % (soit 11 euros pour notre salarié) ;
de 221 à 330 euros : 20 % (soit 22 euros pour notre salarié).
Soit au total 33 euros d’impôt l’année B. Ce salarié, dont le revenu a augmenté du niveau de l’inflation de 10 %, verra donc son IR augmenter de 10 % l’année B (33 euros après 30 euros), malgré la revalorisation du barème de l’impôt dans les mêmes proportions. Il est donc faux de dire, comme le fait Bruno Le Maire, que les personnes dans cette situation «ne payeront pas un euro de plus» l’année prochaine.
Une parole «un peu rapide» du ministre
«La valorisation du barème maintient le taux d’imposition inchangé pour ceux qui ont eu une hausse dans les mêmes proportions, en l’occurrence l’inflation, confirme à CheckNews le spécialiste en finances publiques et auteur du blog Fipeco, François Ecalle (1). Ça bloque pour eux la progressivité, mais le montant de leur impôt, lui, va bien augmenter dans les mêmes proportions».
Contacté, le cabinet de Bruno Le Maire concède une parole «un peu rapide» du ministre. Et précise que seuls ceux «dont le salaire a progressé plus vite que l’inflation verront leur niveau d’imposition augmenter, à raison de la part de la progression de revenu dépassant l’inflation». «Niveau d’imposition» devant, là encore, être entendu comme taux d’imposition, et non pas comme montant d’impôt.
«Tous ceux dont le salaire n’a pas augmenté, eux, verront leur impôt diminuer»
Ce qui est vrai, en revanche, comme le dit aussi Le Maire, c’est que les gens qui n’étaient pas imposables, c’est-à-dire dont le revenu ne dépassait pas la première tranche, ne le seront pas l’année prochaine, même s’ils ont connu une hausse de revenu du niveau de l’inflation. Dans notre exemple, toute personne était exonérée jusqu’à 100 euros l’année A. L’année B, elle le sera jusqu’à 110 euros. Si le revenu d’une personne a augmenté de 10 %, soit de 100 à 110 euros, elle continuera à être exonérée. «Ça évite de voir 320 000 salariés qui auraient basculé dans l’impôt sur le revenu, si jamais nous n’avions pas indexé le barème sur le niveau de l’inflation», a déclaré Bruno Le Maire sur LCI.
Vrai également, comme l’a dit le ministre : «Tous ceux dont le salaire n’a pas augmenté, eux, verront leur impôt diminuer.» Dans notre exemple fictif, si notre salarié était resté à 300 euros de revenus, il aurait payé 27 euros l’année B, après la revalorisation du barème, contre 30 euros l’année A.
A noter, enfin, que la revalorisation du barème de l’IR en fonction de l’inflation est généralement la norme. Il faut en effet remonter à 2012 et 2013 pour retrouver un gel du barème. L’inflation était alors de 2 %.