«La classe ouvrière, elle parle français» : les propos de Fabien Roussel ont-ils été tronqués ?


«La classe ouvrière, elle parle français» : les propos de Fabien Roussel ont-ils été tronqués ?

Publié le jeudi 21 septembre 2023 à 11:40

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Fabien Roussel à la fête de l'Humanité, le 16 septembre 2023.

(Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Auteur(s)

Anaïs Condomines

Le court extrait d’un discours du secrétaire national du Parti communiste, décontextualisé, a été massivement partagé sur les réseaux sociaux.

En plein week-end de la fête de l’Huma a émergé une séquence très défavorable à Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste. Ainsi, un court extrait de son discours a été largement relayé, samedi 16 septembre dans la journée. Dans cette vidéo d’un peu moins de vingt secondes, on le voit à la tribune, tenir les propos suivants : «On parle à tout le monde, à toute la nation, et s’il y a une classe qu’on connaît bien, c’est la classe du monde du travail, c’est la classe ouvrière, c’est la classe travailleuse. Et cette classe, elle est belle, elle est grande, elle parle français et elle a beaucoup de choses à dire et à revendiquer.»

Un extrait qui laisse entendre que le patron du PCF loue une classe ouvrière circonscrite aux travailleurs parlant Français. Et c’est sous cette légende indignée que cette brève vidéo a été partagée. Le compte Twitter @JLMTV-INFOS constate ainsi : «Zemmour n’aurait pas fait mieux. […] Si elle parle arabe, chinois, espagnol etc... c’est pas sa classe ouvrière.»

Séquence reprise par plusieurs autres comptes plus ou moins influents. C’est le cas notamment du journaliste et fondateur du média Arrêt sur Images Daniel Schneidermann, qui partageait la séquence, assortie de ce commentaire : «Combien de temps faudra-t-il avant de nommer ce que nous voyons et entendons ?» Deux hashtag complètent sa publication : #doriot et #déat, communistes et socialistes des années 30 connus pour leur dérive fasciste, partisans de la collaboration. Le journaliste a depuis retiré son tweet.

Car de fait, cette séquence fait tenir à Fabien Roussel des propos décontextualisés. Un visionnage complet du discours (à partir de 19′) permet de comprendre qu’il faisait référence au gouvernement qui ne comprend pas la classe ouvrière, et non aux origines de celle-ci.

En parlant de «ceux qui nous gouvernent», il affirme : «Et voilà qu’aujourd’hui, ils ne savent même plus parler aux classes populaires. A tel point qu’ils en font même des conférences. Vous avez vu avec Darmanin ? “Comment parler aux classes populaires ?” Mais quel sketch, c’est incroyable. On dirait que pour eux, les classes populaires elles vivent dans un autre pays, elles ne parlent pas la même langue, c’est des gens à part…» Et d’ironiser : «J’imagine le conseiller d’un ministre faire la sortie d’une usine : “Monsieur le ministre, j’ai trouvé une classe populaire, c’est un monsieur il est habillé tout en bleu. Je vous l’amène, vous voulez un traducteur ? On va l’interroger.”»

Puis Fabien Roussel reprend, et enchaîne sur le passage qui a ensuite été isolé sur les réseaux sociaux : «Il faut s’imaginer ! Ils sont capables de faire ça ! Moi je vais vous dire un truc, nous on parle à tout le monde ! […]»

L’équipe de Fabien Roussel, contactée par CheckNews, confirme un détournement des propos de l’ancien candidat à la présidentielle : «C’est le principe de la phrase isolée. On lui fait dire ce qu’on a envie de lui faire dire. Quand Fabien Roussel parle des ouvriers qui “parlent le français”, c’est pour sous-entendre que le gouvernement ne parle pas leur langue. Cela n’a évidemment strictement rien à voir avec les origines.» Et de constater, résignée : «Ce n’est pas la fin du monde, les polémiques naissent puis meurent… Mais on regrette quand même que des journalistes comme Daniel Schneidermann l’aient relayé dans un premier temps.»