Paris 2024 : le maire de Coubron, en Seine-Saint-Denis, a-t-il vraiment découvert par hasard que sa commune accueillera des épreuves ?


Paris 2024 : le maire de Coubron, en Seine-Saint-Denis, a-t-il vraiment découvert par hasard que sa commune accueillera des épreuves ?

Publié le mardi 27 février 2024 à 11:02

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Le logo des Jeux Olympiques et paralympiques

(Quentin De Groeve / Hans Lucas / AFP)

Auteur(s)

Elsa de La Roche Saint-André

Dans sa tournée des médias, Ludovic Toro, l’édile UDI de Coubron, a prétendu avoir été mis au courant par un autre maire du département, avant d’adopter une version un peu différente.

Un maire «ignorait»«ne savait pas», et finalement «apprend par hasard» que sa ville accueillera une des disciplines des Jeux olympiques de Paris 2024. A en croire les médias qui ont tendu leurs micros à Ludovic Toro ces derniers jours, le maire de Coubron vient d’être mis au courant que sa commune se trouve sur le tracé du circuit de cyclisme paralympique, dont les épreuves se tiendront du 4 au 7 septembre. «C’est une histoire de ouf !» s’est-il exclamé auprès du site d’information Actu, le premier à l’avoir interrogé à ce sujet, vendredi 16 février.

Ludovic Toro rapportait alors que «c’est un autre maire de Seine-Saint-Denis qui m’a dit un lundi [lors d’une des réunions hebdomadaires des 14 maires de l‘intercommunalité Grand Paris Grand Est, comme il l’a ensuite précisé sur Sud Radio, ndlr] : “Tiens, les Jeux passeront par chez toi.” A aucun moment, je n’ai été contacté par le comité d’organisation des Jeux olympiques.» Interviewé par Sud Radio mardi matin, le maire UDI et conseiller régional d’Ile-de-France a répété que ni lui ni son équipe municipale n’avaient été sollicités «pour nous demander si l’on voulait organiser ou recevoir ces Jeux». Or il n’imaginait «pas deux secondes que la plus petite commune de Seine-Saint-Denis [avec un peu plus de 5 000 habitants] allait recevoir les JO».

Un ultime «coup de gueule»

Et l’édile d’expliquer qu’il aurait «bien aimé que le Cojo vienne me voir. Peut-être que j’aurais dit que c’est pas faisable». A l’arrivée, le tracé, «imposé», qui «coupe la ville en deux»«va mettre un bordel sans nom», déplore-t-il. «Il faut dire aux gens qu’ils ne pourront pas aller travailler, aux collégiens et lycéens qu’ils ne pourront pas prendre le bus» en pleine période de rentrée scolaire. De fait, la petite ville de Coubron se trouve bien sur le trajet qu’emprunteront les paracyclistes lors de deux épreuves, le contre-la-montre et la course en ligne. Ces jours-là, le peloton empruntera la rue Jean-Jaurès, une route départementale qui traverse la commune de part en part et constitue son artère principale. Après un départ à Clichy-sous-Bois, «le parcours amènera rapidement les paracyclistes dans la commune de Coubron par une route rectiligne et plate, alternant les portions urbanisées et rurales»détaille le site de Paris 2024. Lequel ajoute que «le parcours des épreuves de paracyclisme sur route de Paris 2024 offrira donc aux spectateurs quatre journées complètes et intenses de sport, avec une amplitude de 7 à 10 heures de compétitions par jour». Durant ces quatre jours, du matin jusqu’en début de soirée, le parcours sera ainsi «sécurisé par un périmètre rouge qui interdit la circulation motorisée» – périmètre qui recouvre une très large portion du territoire de Coubron, comme le fait apparaître la carte mise en ligne par le ministère des Transports.

Si les propos initiaux de Ludovic Toro laissaient entendre qu’il venait tout juste d’être mis sur le fait accompli, l’élu a un peu révisé son discours lors d’un ultime «coup de gueule», mercredi soir. Profitant de sa présence sur le plateau de son émission Touche pas à mon poste, Cyril Hanouna l’a relancé sur la question, en s’appuyant sur un SMS reçu de la part du Comité d’organisation des Jeux (Cojop) et faisant état de premiers échanges avec le maire dès l’automne 2022. «Evidemment que je suis au courant depuis un an, mais ils ne sont jamais venus me voir pour travailler avec moi», a rétorqué le maire de Coubron. Dans sa nouvelle version, le problème n’est plus un défaut d’information sur le projet, mais plutôt que les organisateurs «ont voulu faire tout tous seuls» sans le consulter sur la praticabilité du parcours et les répercussions pour ses administrés.

A l’appui d’une photo transmise aux équipes de TPMP, Ludovic Toro a enchaîné en soulevant une nouvelle problématique : «La rue principale où vont passer les Jeux [paralympiques] est aujourd’hui impraticable», en raison d’un arrêté de péril visant un bâtiment dont le mur menace de s’écrouler. Un périmètre de sécurité, mis en place à l’aide de blocs de bétons, bloque l’une des voies de circulation. S’il avait été interrogé, il aurait «dit que le mur aujourd’hui est comme ça», argumente le maire.

Tout sourire au côté de Tony Estanguet

En face, le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 répond que «le maire était bien au courant que l’épreuve passait par sa ville, puisqu’il a été impliqué dès le début» des discussions. Ainsi, retrace le Cojop auprès de CheckNews«après un premier contact téléphonique en septembre 2022, Paris 2024 a rencontré le maire de Coubron en mairie le 10 octobre 2022 afin de lui présenter pour la première fois le projet de parcours des épreuves de paracyclisme sur route». Dès cette réunion d’octobre 2022, les organisateurs assurent que «les contraintes engendrées par la sécurisation d’une compétition sur route ont été présentées très précisément» et que «l’accueil du projet par la mairie de Coubron avait alors été très positif». Le parcours des épreuves a par la suite été finalisé et validé en concertation avec l’ensemble des «collectivités traversées» – dont Coubron, donc – ainsi que l’Union cycliste internationale (l’instance dirigeante du cyclisme au niveau mondial), le département de Seine-Saint-Denis, la préfecture départementale et la préfecture de police de Paris.

Une fois fin prêt, le parcours a été révélé au grand public le 24 octobre. A cette occasion, une conférence de presse avait été organisée au siège de Paris 2024, lors de laquelle Ludovic Toro avait été convié. Une photo, prise ce jour-là et transmise à CheckNews, le montre d’ailleurs, tout sourire, aux côtés de Tony Estanguet, le président du Cojop, ou encore de Stéphane Troussel, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Selon les informations de CheckNews, Ludovic Toro a par ailleurs échangé avec les organisateurs, en novembre et décembre, au sujet de l’ouvrage en péril situé sur le parcours des épreuves de paracyclisme. A cette période, le maire avait fait parvenir au Cojop un rapport rendu par un expert concernant le mur risquant de s’effondrer. Cette expertise «date de 2022», lorsque Ludovic Toro avait «demandé de l’aide à la préfecture car le particulier en charge de la réfection du mur était insolvable», nous précise-t-on. Au moment de définir le parcours, les équipes de Paris 2024 ont bien tenu compte de cette difficulté, dans la mesure où «il suffit d’aller devant le bâtiment en question pour voir que le bâtiment est en arrêté de péril». Et le Cojop a assuré le maire du fait qu’il portait une attention toute particulière à ce dossier, en vue de trouver une solution à horizon des Jeux paralympiques, toujours en lien avec la commune, le département, la préfecture départementale et la préfecture de police. Contacté au sujet de ces éléments, le cabinet du maire ne nous a pas répondu.

Dans le dernier bulletin municipal, Ludovic Toro signe un texte dont il ressort qu’il regrette surtout d’avoir découvert, «au fur et à mesure des réunions avec l’Etat», que ce qu’on lui demande, c’est de «bloquer la vie à Coubron pendant une semaine»«J’ai personnellement averti à plusieurs reprises le préfet, la sous-préfète, ainsi que M. Tony Estanguet […] de ces difficultés majeures qui nécessitent une résolution urgente», écrit-il. Démontrant, s’il le fallait encore, que le maire est bien impliqué dans les discussions autour de l’événement.