Pfizer a-t-il reconnu un lien entre la mort de Mauricette Doyer, décédée de Creutzfeldt-Jakob, et le vaccin anti-Covid, comme l’affirme son fils?


Pfizer a-t-il reconnu un lien entre la mort de Mauricette Doyer, décédée de Creutzfeldt-Jakob, et le vaccin anti-Covid, comme l’affirme son fils?

Publié le vendredi 12 janvier 2024 à 16:33

– Mis à jour le jeudi 11 janvier 2024 à 12:16

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Des ampoules de Pfizer en septembre 2023.

(Christophe Gateau/dpa Picture-Alliance. AFP)

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Service CheckNews

L’accusation portant sur la mort de cette septuagénaire au printemps 2022 est basée sur un pré-rapport d’expertise judiciaire. Dont les auteurs semblent plutôt affirmer l’inverse.

La polémique se poursuit concernant le décès de Mauricette Doyer en mai 2022 de la maladie de Creutzfeldt Jakob, que son compagnon et son fils soupçonnent d’avoir été déclenchés par un vaccin anti-Covid. Dans un message publié le 3 janvier sur X et vu près d’un demi-million de fois, le fils de Mauricette Doyer, Romain, déclare ainsi : «Pfizer vient d’admettre dans le dossier d’expertise pour le décès de ma mère Mauricette que le vaccin Covid-19 a provoqué la maladie de la vache folle de type CJ comme effets secondaires connus.»

Une déclaration dont s’est rapidement fait écho une large frange de la sphère réfractaire à cette vaccination, comme le site le Média en 4-4-2, avec la publication d’un billet intitulé : «Pfizer reconnaît que le vaccin Covid-19 a déclenché la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez Mauricette, épouse regrettée de Marc Doyer».

Le lendemain, dans une vidéo publiée sur X, Marc Doyer évoquait pour sa part, non pas la reconnaissance d’un lien direct entre le décès de son ex-femme et le vaccin, mais le fait que la compagnie pharmaceutique Pfizer aurait reconnu que le processus de fabrication induit potentiellement des risques, parmi lesquels celui d’engendrer la maladie de Creutzfeldt Jakob.

«Je reviens vers vous aujourd’hui pour vous parler du pré-rapport d’expertise que j’ai reçu de mon avocat. C’est un avancement important dans mon combat : […] les experts, dans ce rapport, reconnaissent que Pfizer a reconnu depuis longtemps que dans la fabrication du vaccin contre le Covid, il y a la possibilité que ça déclenche certaines maladies, dont la maladie de Creutzfeldt-Jakob».

Pour rappel, Mauricette Doyer, habitante de Breuil-le-Vert (dans l’Oise), est décédée le 3 mai 2022, à l’âge de 72 ans, des suites de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, après huit mois de souffrances. Or selon Marc Doyer, les premiers symptômes seraient apparus quinze jours après une injection du vaccin Pfizer Comirnaty anti-Covid-19. Et de considérer depuis que cette injection aurait déclenché la maladie à prions dont est décédée son épouse.

Dans un article publié en janvier 2022CheckNews avait déjà évoqué cette affaire, expliquant qu’en raison des délais d’incubation de la maladie Creutzfeldt-Jakob, il était extrêmement peu vraisemblable que le vaccin anti-Covid en soit la cause. «La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une maladie à incubation très lente, nous expliquait alors Jean-Philippe Brandel, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et coordinateur de la cellule nationale d’aide à la prise en charge des maladies de Creutzfeldt-Jakob. On est plus proche de la dizaine d’années que de quelques jours ou de quelques semaines.» Des délais qui rendent donc improbable, pour ne pas dire impossible, tout lien de cause à effet entre les premiers symptômes de cette pathologie et une injection de vaccin réalisée 15 jours plus tôt.

Quant à la mention, dans la documentation de Pfizer, d’un risque de maladie de Creutzfeldt-Jakob lié au processus de fabrication du vaccin, ce point était également expliqué dans notre article de 2022 : des supports biologiques sont bien utilisés dans l’élaboration des vaccins, mais le risque potentiel de contamination (ici, en lien avec une maladie à prions) est anticipé et pris en compte en amont du développement de ces produits. L’éventualité d’une telle contamination est mentionnée, mais reste très peu probable, du fait des contrôles.

Un rapport d’expertise qui contredit l’affirmation de Romain Doyer

Que dit, de son côté, le pré-rapport d’expertise, mentionné par Romain Doyer et son père Marc Doyer ? Sollicité par CheckNews, l’avocat de la famille, maître Ludot, nous en a communiqué certaines pages. Or celles-ci contredisent les affirmations de Romain Doyer.

Il est bien fait mention, dans une section du document, des déclarations d’un généticien, Christian Vélot, dont les affirmations polémiques sur les vaccins à ARN messagers ont déjà été l’objet d’articles détaillés de CheckNews ou de l’AFP Factuel. Ici, Vélot estime que les vaccins à ARN messager, du type de celui injecté à Mauricette Doyer, «ont fait produire la protéine vaccinale [la fameuse protéine Spike] dans des cellules musculaires alors que ces cellules ne sont pas celles naturellement infectées par le virus». Dès lors, juge-t-il, «il n’est donc pas exclu que dans un certain nombre de cas, la protéine Spike surproduite dans les cellules musculaires présente un défaut de repliement qui se manifeste par un phénomène de type prion». Le même généticien déclare toutefois que le risque vaccinal lié à un prion ne serait pas l’apanage des vaccins ARN messager mais concerne aussi ceux à «protéine recombinante» ou encore les vaccins «VLP», «c’est-à-dire consistant à injecter à la personne que l’on cherche à vacciner une protéine du virus, laquelle a été produite en laboratoire dans des cellules multipliées à grande échelle».

Une double négation à l’origine de l’incompréhension ?

Les experts rédacteurs du rapport notent cependant que «le docteur Christian Vélot prend soin de préciser en conclusion que ‘’ce ne sont là que des hypothèses mais rien ne peut être exclu’'». Dès lors, poursuivent les experts, «l’hypothèse que la protéine Spike puisse présenter un défaut de repliement de type prion n’est étayée par aucun argument expérimental, aucune donnée scientifique, aucun rationnel».

Contacté par CheckNews, l’avocat de Marc Doyer estime toutefois que «dans le mécanisme de l’injection, il est possible d’imaginer la présence d’un prion. Pour n’importe quel labo et n’importe quel vaccin». Et de renvoyer à un autre extrait du pré-rapport : «Comme pour tous les produits destinés à une administration humaine, pour lesquelles des cellules animales sont utilisées en cours de fabrication, le laboratoire Pfizer a été conduit à envisager l’hypothèse d’une contamination par des agents de l’encéphalopathie spongiforme transmissible [EST] comme un risque théorique. Rien ne permet d’envisager à ce jour que ce risque ne soit pas que purement théorique».

Est-ce la double négation de cette dernière phrase qui a induit en erreur ? Car sans celle-ci, la phrase signifie en réalité que «ce risque (de contamination) est, à ce jour, purement théorique».

Plus loin dans le document, enfin, est présentée, sans ambiguïté, la conclusion des experts «sur la possibilité d’une relation entre vaccination anti-Covid et MCJ [maladie de Creutzfeldt-Jakob] chez madame Doyer» :

«D’une manière générale, à ce jour, les données acquises de la science ne permettent pas de retenir qu’il y aurait une relation causale démontrée. En outre, les données de la pharmacovigilance disponibles ne montrent pas de cas pour le lequel la survenue d’un MCJ pourrait être imputable à la vaccination anti-Covid. Il est par conséquent en toute rigueur impossible de retenir une relation causale entre la vaccination reçue par Madame Doyer et la maladie dont elle a été victime».

Le document s’achève sur ces mots : «Les experts ne retenant aucun lien causal avec le vaccin Corminaty, les préjudices sont en lien direct et unique avec la pathologie neurologique que présentait madame Doyer. Les experts ne peuvent donc retenir des préjudices.» Des conclusions assez éloignées du tweet du fils de Mauricette Doyer qui estime que «Pfizer vient d’admettre dans le dossier d’expertise pour le décès de ma mère Mauricette que le vaccin Covid-19 a provoqué la maladie de la vache folle de type CJ comme effets secondaires connus.»