Les fausses-couches ont-elles augmenté de 366% en 6 semaines au Royaume-Uni à cause du vaccin contre le Covid-19 ?


Les fausses-couches ont-elles augmenté de 366% en 6 semaines au Royaume-Uni à cause du vaccin contre le Covid-19 ?

Publié le jeudi 3 février 2022 à 10:58

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(AFP / Raul Arboleda)

Auteur(s)

Coline David

Une rumeur alarmante se répand sur les réseaux sociaux : l’augmentation des fausses couches suite à la vaccination de britanniques enceintes. Cette infox a été publiée dans un article de The Exposé, un “site d’information” britannique en ligne qui se proclame indépendant. Si ce dernier utilise des chiffres provenant d’un rapport officiel du gouvernement britannique, les conclusions qu’il en tire sont erronées.

« Le nombre de femmes ayant perdu leur enfant avant la naissance suite au vaccin contre le Covid-19, a augmenté de 366% en 6 semaines » annonce The Exposé, un site qui prétend “rapporter les faits que les médias mainstream refusent de traiter” en basant ses enquêtes sur “des données officielles” notamment du National Health Service ou du gouvernement britannique. Banni de Facebook et Twitter, The Exposé diffuse encore sur sa page Gab qui compte 3500 abonnés (au 7 décembre 2021). La publication que nous fact-checkons a été partagée par d’influents conspirationnistes britanniques.

Un raisonnement erroné : lien de causalité forcé entre fausse-couche et vaccination

L’article, qui date du 21 mars 2021, établit directement un lien de causalité entre la vaccination contre le covid-19 et la mort périnatale.

L’intox se trouve dans ce lien de causalité forcé, qui n’est absolument pas vérifié. En effet, le rapport du gouvernement britannique sur lequel s’appuie l’article, le précise : « il n’est pas prouvé que les événements rapportés soient des effets secondaires liés au vaccin contre le covid-19. Ils peuvent n’avoir aucun lien avec ce dernier ». On peut encore lire : « c’est particulièrement le cas lorsque des millions de doses sont administrés comme pour le vaccin contre le covid-19 ».

L’usage de données officielles

Sur quelles données s’appuie l’article ? Dès le premier paragraphe, il se réfère au rapport hebdomadaire émis par le gouvernement britannique sur les potentiels effets secondaires du vaccin. Un lien hypertexte renvoie directement à ce rapport. Ce rapport, mis à jour chaque semaine, se fonde sur les données collectées par le MHRA Yellow Card Scheme, le système britannique de collecte d’informations sur les effets indésirables suspectés des médicaments et vaccins.

Comment le Yellow Card récolte ses données ? Toute personne ayant eu un potentiel effet secondaire après l’injection du vaccin ou tout professionnel de santé ayant observé un potentiel effet secondaire du vaccin chez un patient, doit le reporter sur le site du Yellow Card. Cette collecte de données permet de suivre le vaccin et de s’assurer que ses bénéfices sont plus importants que ses risques.

Cependant comme l’indique le rapport gouvernemental :

« Il est important de noter que les données du Yellow Card ne peuvent pas être utilisées pour déduire les taux d'effets secondaires (…) car de nombreux facteurs peuvent influencer la notification des effets indésirables ».

Les chiffres utilisés dans l’article de The Exposé sont conformes aux chiffres officiels du gouvernement britannique. Dans le 1er rapport (données collectées entre le 9 décembre 2020 et le 24 janvier 2021), 4 fausses couches ont été rapportées parmi les femmes vaccinées avec Pfizer-BioNTech (ici) et 2 parmi les femmes vaccinées avec AstraZeneca (ici).

Dans le 7ème rapport (données collectées entre le 9 décembre 2020 et le 7 mars 2021), 23 fausses couches ont été rapportées parmi les femmes vaccinées avec Pfizer-BioNTech (ici) et 5 parmi les femmes vaccinées avec AstraZeneca (ici).
 

Entre le 24 janvier et le 7 mars, on passe de 6 à 28 fausses couches pour les deux vaccins, soit une augmentation de 366%, comme le rapporte l’article de The Expose.

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Tableau qui figure dans l’article de The Exposé

Sans titre2.pngRapport officiel du gouvernement britannique sur les réactions rapportées après la prise du vaccin Pfizer-BioNTech sur la période allant du 9.12.20 au 24.02.2021

Si les chiffres utilisés dans l’article de The Exposé sont exacts, les conclusions qui sont faites ne le sont pas.

Un manque de contextualisation

Pour savoir si le vaccin augmente le risque de fausse-couche, il faudrait comparer sur la même période la proportion de femmes enceintes vaccinées qui ont fait une fausse couche avec la proportion de femmes enceintes non-vaccinées qui en ont fait une.

Une étude publiée le 20 octobre 2021 dans le New England Journal of Medicine, compare toutes les femmes enceintes, vaccinées et non vaccinées, en Norvège entre le 15 février et le 15 août 2021 et ayant fait une fausse couche ou pas. La proportion de femmes vaccinées ayant fait une dans les cinq semaines après la vaccination est de 23 %, contre 24,5 % pour les femmes non vaccinées. Conclusion : aucun des vaccins pour lutter contre le coronavirus utilisé dans ce pays (Pfizer, Moderna et AstraZeneca) n’a d’impact sur le risque de fausse couche.

D’après l’agence MHRA Yellow card scheme, il faut prendre en compte l’augmentation de la vaccination parmi les femmes enceintes de décembre à mars pour mettre en perspective l’augmentation des fausses-couches rapportées à l’agence Yellow Card sur cette même période. Interrogée par Reuters, l’agence précise : « Le nombre de personnes ayant reçu une 1ère dose du vaccin COVID-19 est passé de 1 340 043 à 4 322 791 pour la même période. On s'attend à ce qu'au moins la moitié de ces personnes soient des femmes, de sorte que l'on estime que le nombre de femmes en âge de procréer (ayant reçu le vaccin) est passé de 665 424 à 2 146 866 pour la même période ».

De plus, en Grande-Bretagne, on estime à 25% le taux de grossesse qui se termine par une fausse-couche selon le MHRA Yellow card scheme. L’agence insiste sur le fait que des avortements spontanés ont très bien pu avoir lieu après une vaccination contre le Covid-19 sans lien avec cette dernière.

Plusieurs études prouvent désormais que les vaccins contre le covid-19 n’augmentent pas le risque de fausse-couche, ni de naissance prématurée ou de complication chez les femmes enceintes. Cependant, le Covid-19 entraîne souvent des complications médicales durant la grossesse. Une étude publiée dans PLOS Medicine, montre que les femmes enceintes atteintes du Covid ont davantage souffert d’hémorragie, d’hypertension, d’infection amniotique... Le Covid-19 est également associé à plus de naissances prématurées et de césariennes. La vaccination est donc fortement recommandée pour les femmes enceintes, reconnues comme groupe « à risque de forme grave » par la Haute autorité de santé. Elles peuvent se faire vaccinées à n’importe quel moment de la grossesse et cela vaut aussi pour la dose de rappel.

Ce fact-check a été également publié par Ecole de journalisme de Sciences Po.

Ce contenu a été réalisé dans le cadre d'un enseignement de l'Ecole de journalisme de Sciences Po.